Laisser-fairisme libre-échangiste : l'étrange silence des syndicats (édito 02/2010)

jeudi 11 février 2010

Lundi 25 janvier 2010, sur TF1, Nicolas Sarkozy a « dialogué » pendant plus de deux heures avec un panel de Français : lamentations et compassion pourraient paraître suffire à résumer l’émission. A tort, car trois fortes personnalités ont, chacune à leur manière, posé le problème économique majeur de la France.

Explications.

Un ouvrier de l’industrie automobile a soulevé la question de l’avenir des sous-traitants en France face aux politiques de délocalisation des entreprises. Une éleveuse, productrice de lait, a montré la profonde perturbation subie par le marché du lait à la suite de l’ouverture de nos marchés à l’Europe à l’est et de la dérégulation : comment être compétitif quand on doit appliquer des normes plus exigeantes que celle de ses concurrents ? Le chef d’une société de transports a pointé ses difficultés : affronter la concurrence inégale d’entreprises étrangères n’ayant ni les mêmes charges sociales, ni les mêmes contraintes règlementaires que la sienne.

Le tabou du libre-échange

A chaque fois la question implicite qui était posée était celle du laisser-fairisme libre-échangiste, y compris d’ailleurs entre États européens. Une politique économique dont le prix Nobel Maurice Allais a justement démontré qu’elle était, avec l’immigration, la cause principale de la montée du chômage : (Maurice Allais et les causes du chômage français)

Il est significatif que ni Nicolas Sarkozy, ni même ses interlocuteurs n’aient osé poser le problème en ces termes. Tant le tabou est fort. Mais il est encore plus étonnant qu’aucun grand syndicat n’ait osé porter le problème sur la place publique : ces organisations, dont la vocation affichée est de défendre l’emploi d’un côté, le niveau des salaires de l’autre, font l’impasse sur la cause principale des difficultés des gens qu’ils prétendent protéger. Les raisons de cette attitude sont nombreuses : idéologie internationaliste, indifférence au secteur productif, opportunisme médiatique, carriérisme bien compris des dirigeants.

Idéologie internationaliste

La CGT, SUD, FO restent des syndicats d’inspiration marxiste ; ils subissent fortement l’influence trotskyste : ils sont donc spontanément internationalistes et sans frontiéristes. De même qu’ils ne s’opposent pas à l’immigration, car ils sont favorables à la libre circulation des hommes par delà les frontières, ils acceptent le libre échange des biens par répugnance pour tout ce qui pourrait être assimilé à de la « xénophobie », fût-ce pour des biens matériels…

Indifférence au secteur productif

Les grands syndicats - la CGT, SUD, FO, l’UNSA – sont surtout forts dans les administrations et les services publics, c'est-à-dire les secteurs qui ne sont pas (ou pas encore) exposés à la concurrence. La protection des emplois privés n’est donc pas leur préoccupation prioritaire. Néanmoins la CFDT, pourtant principalement implantée dans les entreprises privées, n’a pas développé non plus de discours économique cohérent sur le laisser-fairisme libre-échangiste.

Opportunisme médiatique

Faute d’adhérents et de militants nombreux, les grands syndicats dépendent de l’accès médiatique pour leur visibilité…et leurs résultats électoraux. Ils sont donc contraints de respecter l’idéologie unique que les grands médias imposent. Or le libre-échange est l’un des quatre côtés du carré carcéral de l’idéologie dominante : un syndicat ou un chef syndical qui tenterait de le franchir serait sorti du jeu. Il est certes permis aux syndicats de vitupérer sur les patrons mais non de mettre en cause l’ouverture des frontières à la libre circulation des hommes et des marchandises. Et à gauche, chacun se souvient encore que le parti communiste ne s’est jamais vraiment remis de sa tentative de lutter contre l’immigration en 1979/1980.

Carriérisme

Les grands chefs syndicaux, c’est humain, font carrière : à la tête des organismes sociaux pour les uns (CGT et FO notamment), dans les grands cabinets ce conseil ou de notation pour les autres (Madame Notat de la CFDT), comme parlementaires ou ministres UMP enfin pour les anciens de la FNSEA : cela suppose évidemment d’accepter les règles du système dominant. Et c’est ainsi que devenu Davos-compatible, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, est entré au…Who’s who.

Polémia

11/02/2010

Image: Syndicats

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