De plus en plus d'appels à l'utilisation d'armes létales contre les pirates somaliens

jeudi 4 février 2010

Depuis maintenant deux ans, le golfe d’Aden, la principale route maritime du monde est sous la menace des pirates somaliens. Ceux-ci ne semblent guère dissuadés d’agir par les marines occidentales présentes sur place : dimanche 17 janvier 2010 un groupe de pirates qui venait de toucher une forte rançon en échange de la libération d’un superpétrolier a même fait appel pour se protéger d’un autre groupe de pirates … aux marines européennes. Certes, cette protection ne leur fut pas accordée. L’anecdote n’en est pas moins troublante. Et dans les milieux maritimes les pressions se multiplient pour obtenir des marines européennes qu’elles coulent les bateaux des pirates. Polémia donne ici la traduction d’un article paru le 20 janvier 2010 dans Lloyd's List le quotidien maritime le plus lu dans le monde de la navigation.

Polémia

De plus en plus nombreux sont ceux qui réclament l'autorisation pour les forces navales engagées contre les pirates somaliens d'utiliser des armes pour couler leurs navires et entreprendre des attaques terrestres à leur retour à terre avec leur rançon.

Sandeep Gopalan, chef du département de droit à l'Université nationale d'Irlande, a soutenu que tuer des pirates était le seul moyen de combattre efficacement la piraterie dans le golfe d'Aden, qui a coûté un à seize milliards de dollars au monde maritime. Selon le Pr. Gopalan, spécialiste en droit international, « si des armes sont utilisées, cela fera monter les enchères pour la Somalie si elle veut s'assurer de préserver la vie de sa population et proposer une alternative ». « Je ne dis pas que tuer des pirates est la route à suivre dans tous les cas. Mais je pense que compte tenu de la situation actuelle, c'est sûrement la seule voie. Si une alternative réaliste peut être trouvée, ce pourrait être alors la meilleure deuxième option. »

Les pirates somaliens retiennent actuellement 10 navires et 238 membres d'équipage en otages. Plus de 210 navires furent attaqués en 2009 et 43 furent détournés. Un manque de clarté des lois internationales a encouragé les pirates, jusqu'au paiement, cette semaine, d'une rançon record d'environ 6 millions de dollars pour libérer un pétrolier géant, le Maran Centaurus. Plusieurs marines de guerre attrapent puis relâchent les pirates. Très récemment un navire de guerre néerlandais en ramena 13 à terre après leur avoir donné des vivres et de l'eau, alors que d'autres qui avaient été arrêtés par des militaires britanniques furent envoyés au Kenya pour y être poursuivis.

Selon le professeur Gopalan, une résolution de l'Onu de décembre 2008 autorise l'usage d'armes mortelles pour combattre le fléau de la piraterie et les militaires doivent réaliser que rien ne se passera tant qu'ils ne réagiront pas de façon coordonnée : « chaque marine pense que d'autres doivent s'en occuper parce que les affaires de piraterie impliquent de multiples acteurs et de multiples juridictions. En fin de compte, chacun des Etats veut agir seul. Jusqu'à ce qu'ils réalisent que si tout le monde agit ainsi, les pirates deviendront plus audacieux, et rien ne les arrêtera. » Son appel pour une action plus forte fut salué par le directeur opérationnel de l'armateur d'un pétrolier relâché l'an dernier après de longues et dangereuses négociations alors que le navire était à l'ancre au large de la Somalie. Sous couvert d'anonymat celui-ci déclara : « La marine savait où se trouvait le navire, elle l'avait en vue, mais elle ne fit rien d'autre que d'attendre et d'observer, alors que nous recevions des messages que le commandant nous envoyait secrètement au sujet des terribles conditions à bord. La marine observa les pirates lorsqu'ils prirent l'argent et disparurent. Elle ne fit rien. »

La piraterie est centrée dans le golfe d'Aden, qu'empruntent environ 25.000 navires tous les ans. Cependant des attaques plus élaborées ont eu lieu dans l'océan Indien à 300 milles des côtes.

Une force de l'Union européenne patrouille sur un chenal de 300 milles. Les armateurs peuvent s'inscrire pour des transits coordonnés (accompagnés), et certaines marines de guerre peuvent offrir une protection limitée à des navires de commerce de leur pays. L'annonce d'un échange d’un coup de feu mortel entre factions de pirates en conflit à propos du partage de la rançon du Maran Centaurus a mis en évidence le danger auquel sont exposés les équipages et l'impuissance des forces navales.

Des pirates auraient aussi payé 400.000 dollars à des otages du pétrolier géant de John Angelicoussis, ce que dément catégoriquement un porte-parole de cette compagnie qui déclare : « ce que nous savons des marins à bord, c'est que c'est totalement faux. Le navire fait route maintenant vers l'Afrique du Sud où l'équipage sera interrogé. » Le porte-parole s'est refusé à commenter l'exactitude de rapports sur le paiement d'une rançon record. « Nous n'avons donné aucune information à quiconque sur les aspects opérationnels de cet acte de piraterie pour la simple raison qu'au départ nous ne voulions pas mettre en danger l'équipage ou dire quoi que ce soit qui encourage d'autres attaques à l'avenir. »

Michelle Wiese Bockmann

Lloyd's List 20/01/2010

Titre original : Calls grow for use of lethal force against Somali pirates

Traduction M2L.

Correspondance Polémia 02/02/2010

Image : Somali pirates

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