Oskar Freysinger : l'abîme entre les élites et les citoyens est énorme !

mardi 26 janvier 2010

La Droite Strasbourgeoise : Oskar Freysinger, l’Alsace n’est pas loin de la Suisse, mais pour autant, nous ne suivons pas forcément l’actualité politique de nos voisins. Pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous simplement nous dire qui vous êtes et quelles sont les motivations de votre engagement politique ?

Oskar Freysinger : Je suis conseiller national (membre du parlement fédéral Suisse) où je siège depuis 2003. Je suis également le fondateur et président de la section valaisanne de l'UDC. A côté de ça, j'enseigne la littérature allemande dans un collège et poursuis une carrière d'écrivain (voir http://www.ofreysinger.ch/). Je me bats pour la souveraineté et l'indépendance de mon pays, contre une politique d'immigration irresponsable, pour mes racines culturelles et la liberté d'expression. Identité - proximité – sécurité ! Voilà les points forts de mon engagement politique.

LDS : Comment pouvez-vous présenter l’Union Démocratique du Centre ?

O.F. : C'est un parti de droite, conservateur dans le domaine des valeurs et libéral en ce qui concerne l'économie.

LDS : Votre percée médiatique, c’est clairement la campagne référendaire suisse contre les minarets. Là, alors que l’intelligentsia helvète se ligue contre vous, vous devenez un nouveau Guillaume Tell, avec en prime un beau résultat. Quel regard avez-vous sur cela ?

O.F. : Ce sont les aléas de l'agenda politique qui déterminent l'image médiatique, fluctuante et changeante. Ce n'est pas le problème des minarets en soi qui m'a donné cet impact, mais la réaction des élites qui a suivi. En refusant d'accepter le verdict populaire et en remettant en question par là la démocratie directe, ils ont déplacé le débat et ouvert la question de l'autodétermination des peuples, de la liberté d'expression, de la perte de légitimité des élites dévoyées.

LDS : Quel fut le sens de la campagne ? Un rejet de l’islamisation ? Est-ce l’exemple Français (immigration trop importante, islamisation en hausse, communautarisme galopant…) qui vous a inspiré ?

O.F. : L'islam pose un problème au niveau juridique et politique. Tant qu'il est pratiqué dans le domaine privé sur la base d'une conviction individuelle, pas de problème. Dès qu'il interfère dans la sphère publique, se collectivise, remet en question certains principes de l'Etat de droit, exige des lois parallèles ou des aménagements de la loi civile dominante, la paix religieuse est menacée. Ce qu'il faut renforcer, c'est l'intégration des musulmans. La formation de ghettos de type banlieue etc. bien connus en France mène au communautarisme, c'est-à-dire à l'établissement de sociétés parallèles en confrontation permanente. On affaiblit les frontières historiques et on les remplace par de multiples murs intérieurs dans le pays, les villes et les têtes des gens. Cela mène à une guerre civile latente. La société devient schizophrène.

LDS : La votation suisse contre les minarets fut un exemple de démocratie. Etonnement, chacun a alors vu en Suisse, comme en France, les hérauts de la bienpensance faire preuve d’un mépris à l’égard du résultat. Globalement, ceux qui passent leur temps à vouloir rétablir la démocratie dans tous l’univers ont montré un visage totalitaire ! Cela n’a pu vous échapper. Va-t-on vers un clivage entre les « démocrates auto-proclamés » et le peuple ?

O.F. : Oui. Dans l'UE, qui ne connaît pas la démocratie directe, l'abîme entre les élites et les citoyens est énorme. En déléguant le pouvoir à des élites dévoyées, les citoyens se sont privés de tout levier de correction intermédiaire. Tous les 4 à 5 ans, ils votent pour un chèque en blanc accordé à droite ou gauche à des projets de société qui se ressemblent au fond énormément. La confrontation entre eux n'est que factice et sert à tromper les gens. En Suisse, le citoyen s'est toujours méfié de toute concentration de pouvoir. Il veut déterminer son destin lui-même. Quatre fois par année, les Suisses votent sur des objets divers qui déterminent leur vie (taxes, questions de société, immigration, accords internationaux etc.). C'est une énorme plus-value, car les gens se sentent concernés, coresponsables de la bonne marche des affaires publiques. C'est cet exemple de vraie démocratie que craignent les élites européennes. Qu'est-ce que ce petit pays qui ne se plie pas au diktat mondialiste, qui ne fait pas les choses comme les autres, qui prend des décisions lui-même? C'est d'un très mauvais genre, se disent-ils, et ça pourrait donner des idées à nos propres administrés, ce qui signifierait la fin de nos prébendes et de nos privilèges. Pour citer Brecht: Si le peuple ne décide pas librement ce que lui dictent les élites, il faut changer le peuple.

LDS : Vous avez eu des mots forts contre la France et finalement les effets de Mai 1968. Pensez-vous que les racines du mal viennent justement de là et si oui, nous vous posons la question léninienne et naturellement révolutionnaire : Que faire ?

O.F. : Il faut revenir à la notion de limite. La liberté, ce n'est pas l'absence de limites, de frontières, de cadre. Au contraire, je ne connais aucun homme libre qui définisse sa liberté en prétendant « faire ce qu'il veut ». La liberté n'existe qu'à l'intérieur d'un cadre que l'on se fixe et que l'on assume. C'est surtout un état intérieur, spirituel. Mai 68, au nom de l'égalité, a voulu tout aplanir. Ce qui s'en est suivi est une incroyable médiocratie, que ce soit à l'école, dans la vie publique et culturelle ainsi que dans les médias. L'interdiction d'interdire s'est érigée en dogme et les soixante-huitards, qui refusaient toute contrainte dans leur jeunesse, se sont mués, en s'embourgeoisant, en donneurs de leçons impénitents, en moralisateurs prononçant des anathèmes, excluant toute pensée contraire. C'est sur la base de cette dérive que l'association des écrivains Suisses (AdS) m'a refusé en tant que membre. L'exemple le plus frappant de cette évolution est Daniel Cohn-Bendit.

LDS : vous composez aussi de la musique et vous écrivez. Nous ne pouvons nous empêcher de vous demander quels sont les musiciens qui vous plaisent, ainsi que les écrivains que vous lisez. Avez-vous un intérêt particulier pour Ramuz, ce magnifique écrivain issu du canton de Vaud ?

O.F. : Ramuz est admirable (particulièrement sa technique de narration de La grande peur dans la montagne). Sinon, j'ai une admiration sans bornes pour Rainer Maria Rilke (enterré non loin de l'endroit où je vis), Dostoievski, le Céline du Voyage au bout de la nuit, le Blaise Cendrars de Moravagine. En Italien, j'ai une faiblesse pour Italo Calvino, Umberto Eco et l'admirable Baricco. En littérature allemande je privilégierais (en dehors des géants classiques Goethe et Schiller) Georg Büchner, Nietzsche, Robert Musil, Martin Walser et bien sûr nos bons Suisses allemands Max Frisch et Friedrich Dürrenmatt. Mais je pourrais en citer bien d'autres. En Anglais, Somerset Maugham reste une référence inégalée, mais j'ai découvert Nancy Houston dernièrement et l'ai trouvée fabuleuse.

Pour ce qui est de la musique, j'écoute tous les genres (sauf le rap auquel je ne parviens pas à m'habituer). En musique classique, Rachmaninov et Wagner, l'opéra italien (particulièrement Puccini). En chanson française Jacques Brel, le plus grand, et Richard Desjardins, mais il y en a d'autres. En Jazz, j'ai une préférence pour le jazz ancien (Armstrong, Bechet), mais aussi pour Keith Jarret. Et dans le domaine de la comédie musicale, en dehors d'Andrew Lloyd Webber, ce sont Les misérables et surtout Notre Dame de Paris de Cocciante et Plamandon qui m'enthousiasment.

La Droite Strasbourgeoise

18/01/2010

Correspondance Polémia

26/01/2010

Image : Oskar Freysinger

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