Identité française : le débat Marine Le Pen/ Besson... n'a pas eu lieu.

vendredi 15 janvier 2010

Fortement médiatisé, le duel Marine Le Pen/Eric Besson a bien eu lieu sur France 2, le 14 janvier 2010.

Mais il n’a porté que sur l’immigration.

Marine Le Pen a fait valoir l’ampleur du phénomène (les 200.000 entrées annuelles, les 110.000 naturalisations), ses inconvénients économiques et sociaux pour les Français et les injustices de la « discrimination positive ». Eric Besson a lui assumé et défendu la ligne gouvernementale : l’expulsion des clandestins (12 Afghans), la « régulation »  des flux, l’immigration « choisie ».

Un ensemble plutôt vif et intéressant mais qui aurait pu avoir lieu dans des termes assez voisins il y a …20 ou 25 ans.

Et surtout le vrai débat – qu’est ce qu’être Français ? - n’a pas eu lieu. Or c’est lui qui commande quelle immigration doit être ou non acceptée.

Sur l’identité française, Besson vainqueur par forfait.

En lançant le débat sur l’identité française, le gouvernement avait un objectif :  faire accepter à l’opinion l’idée qu’il n’y a pas d’autre politique possible que la sienne ; à savoir que la France, étant une nation « métisse », doit continuer d’accueillir une immigration qui « l’enrichit » mais qu’il faut mieux « organiser ».

Et sur ce point Eric Besson a eu un boulevard. Sous l’œil faussement critique d’Arlette Chabot, il a disposé de 50 minutes sans vraie réplique pour développer sa conception de l’identité française. Il a repris de manière subliminale la formule qu’il a utilisée à La Courneuve, le 5 janvier dernier : « La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n’y a pas de Français de souche, il n’y qu’une France du métissage. » Voir « Sarko/Copé/Besson : négationnistes de l’identité française » :
http://www.polemia.com/article.php?id=2476

A aucun moment Marine Le Pen n’a cherché à contester cette sextuple négation.

Quand de Gaulle fait peur à Marine…

Elle a ainsi laissé le champ libre à Eric Besson. Sur l’essentiel, elle a choisi d’éviter l’affrontement. Elle a même battu en retraite lorsqu’Arlette Chabot a tenté de l’amener à se prononcer sur la phrase du Général De Gaulle : « Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. » Marine Le Pen, horrifiée, a clairement refusé d’assumer cette définition. La dictature de l’antiracisme est-elle donc si forte qu’à la simple évocation de ce que De Gaulle disait, la fille de Jean-Marie Le Pen …se débine ?

La République suffit-elle à défendre l’identité française ?

La seule valeur haute que Marine Le Pen a revendiquée est la République. Sans doute a-t-elle eu raison face à la « discrimination positive » : rien en effet n’est plus contraire à l’égalité et au mérite républicain que ce concept américain. Mais considérer la République comme le seul marqueur de l’identité française, c’est se rallier au discours officiel. Et c’est une thématique sur laquelle le FN est – à tort ou à raison - difficilement audible, sinon crédible.

Les limites de la pasteurisation?

En tout cas, l’attractivité de Marine Le Pen paraît s’émousser :

- Eric Besson lui disant « vous êtes jeune, mais vous êtes un dinosaure » : de fait, Jean-Marie Le Pen ou Marie-France Stirbois auraient pu tenir un discours voisin, il y a 20 ans ou 25 ans.
- Le politologue Pascal Perrineau affirmant dans Le Monde du 15 janvier: « Le FN n’a pas retrouvé le parfum de soufre qu’il a pu dégager dans le passé. Un parti peut aussi s’user dans la contestation. » (…) « la rupture avec le système politique et une stratégie de dénonciation tous azimuts, Marine Le Pen peut incarner cela mais sur un mode mineur et sans doute avec moins d’efficacité.»
- Un point de vue conforté par la faible audience de l’émission de France 2 : 10% de parts de marché, 2,7 millions de téléspectateurs.

Tous éléments qui conduisent à s’interroger sur l’efficacité électorale et politique de la stratégie de « pasteurisation » du discours national portée par Marine Le Pen : sa forme, mélange de pugnacité et de sourire, est souvent efficace mais son logiciel idéologique et stratégique est il adapté au XXIe siècle ?

Correspondance Polémia
16/01/2010

Image : Marine Le Pen et Eric Besson 

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