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Lecture d’un article du professeur Henri Nivesse, (Les Cahiers de l’Education N°29), intitulé Montaigne éducateur. (1)
Il semble que les efforts opiniâtres de nos ministres de l’Education, depuis bientôt 40 ans, pour libérer l’Education nationale des préjugés dans lesquels elle s’était enfermée, pour l’ouvrir au Monde, à la diversité, à l’égalité absolue des mœurs et des cultures et faire de l’enfant un citoyen du monde soucieux des droits de l’Homme, sont encore insuffisants.
Nous constatons aujourd’hui, avec Henri Nivesse que Montaigne, l’auteur avéré des Essais y développe une philosophie de l’éducation rétrograde, élitiste, qui vise à élever l’âme des enfants, à éveiller leur conscience, à former leur jugement en respectant leur identité librement éclairée des enseignements du maître qui recherche plus à faire de l’élève un adulte accompli qu’un être conscient des réalités et soucieux de ses droits que les enseignants d’aujourd’hui savent si bien éduquer.
Montaigne ose ainsi dénoncer les « pédants » qui « ont la souvenance assez pleine, mais le jugement entièrement creux...qui abusent de la dialectique de la même façon qu’ils assènent aux jeunes esprits une lourde érudition qui remplit la tête mais ne la forme pas ». Pis encore, le même Montaigne, conseille vivement d’endurcir l’enfant, en dépit de tout ce que l’on sait aujourd’hui sur la nécessaire douceur, l’absolue tolérance qui doit entourer le jeune, car pour cet auteur scandaleux, « ce n’est pas assez de lui roidir l’âme, il fault aussi roidir les muscles ». Henri Nivesse décrit bien la doctrine de l’éducation de Montaigne laquelle, apprend-t-on avec stupeur, se veut conforme à la nature et au développement naturel de l’élève, appliquée avant tout à affiner le sens critique et orienter vers le bonheur par la sérénité de l’âme et la lucidité de l’esprit.
Où irait-on si ces principes étaient appliqués à la lettre ? Vers quelles dérives dangereuses s’orienterait l’éducation si l’égalité de tous, la commune conscience des droits, la religieuse condamnation commune des tares de notre passé n’étaient plus le but de l’éducation nationale ?
Il est temps de retirer cet auteur sulfureux de nos programmes scolaires et de débaptiser les établissements qui osent encore porter son nom. Il ne semble pas, néanmoins, que ce soit la conclusion d’Henri Nivesse…
Pierre Millan
Décembre 2009
(1) Voir : Montaigne éducateur, par Henri Nivesse
http://www.polemia.com/pdf/Montaigne.pdf
Correspondance Polémia
04/01/2010
Image : Michel de Montaigne by Daniel Dumonstier