Libres points de vue d’Académiciens sur l’environnement et le développement durable - 25 novembre 2009

lundi 7 décembre 2009

I- LES EVOLUTIONS DU CLIMAT

L’évolution climatique actuelle fait l’objet de très nombreuses mesures la replaçant dans son passé récent et lointain. Nous  faisons ici le point de ces travaux scientifiques :


I/2   La question se pose pour certains de savoir s’il y a une modification du  climat due aux activités humaines. Si oui, par quoi se traduit-elle ? (p. 5-6-7-8)

Par Vincent Courtillot (Membre de l’Académie des sciences) et  Jean-Louis Le Mouël (Membre de l’Académie des sciences) :

   

« Le climat est en général défini comme la moyenne de la météorologie sur  environ trente ans. Il est caractérisé par de nombreux paramètres observables :  température, pression, précipitations, vents, nébulosité, insolation,... Le paramètre le  plus couramment observé et représenté est la température. Il n’est pas si simple de  mesurer la température moyenne globale de la basse atmosphère ni de s’assurer  qu’elle a bien une signification thermodynamique (les températures ne s’additionnent pas, contrairement par exemple aux volumes). De plus, les températures moyennes  diffèrent considérablement d’une région climatique à l’autre (voir réponse à la  question I-3 pour la France) et celles que nous avons recalculées diffèrent  sensiblement de celles qui sont représentées dans le rapport 2007 du GIEC (figure 1  de la réponse à la question I-3).  Si l’on admet cependant la validité de la courbe moyenne mondiale publiée sur  le site du centre de recherches britannique de Hadley (figure 1), on voit que la  température moyenne a crû de 1910 à 1930 environ, décrû de 1940 à 1970, crû à  nouveau jusqu’en 1998 qui en marque le maximum, et décrû à nouveau depuis.  Cette forme particulière de la courbe ressemble beaucoup plus aux variations de  divers indicateurs caractéristiques des variations d’activité solaire qu’à celles de la  concentration de CO2 dans l’atmosphère. La décroissance observée pendant la  dernière décennie correspond bien à la décroissance de l’activité solaire, qui semble  être rentrée dans une phase plus faible que lors des dernières décennies, et qui  pourrait durer plusieurs décennies, comme l’ont observé pour le passé les physiciens  du Soleil (de Jager, 2008).  Nous avons multiplié depuis 2005 les études qui font apparaître la présence  indiscutable de signaux solaires dans les températures et dans la variabilité des  températures en Europe et aux Etats-Unis (figure 2). Nous avons également pu  montrer dans les séries les plus longues (plus de deux siècles) de stations comme  Prague, Bologne ou Uccle, que le cycle de la température au cours de l’année  « sait » parfaitement si l’on est en période de fort ou de faible cycle solaire. Nous  avons retrouvé la signature solaire dans une oscillation du système océanatmosphère qui est importante pour le climat du Pacifique tropical nord, l’oscillation  de Madden-Julian. Ces observations, désormais publiées (voir références), semblent  bien indiquer que l’influence du Soleil a été sous-estimée et celle du CO2 surestimée  dans les modèles.  Deux articles récents révisent à la baisse la sensibilité de l’atmosphère au CO2  (Lindzen et Choi, 2009) et les variations de l’irradiance solaire à long terme à la  hausse (Scafetta et Willson, 2009) au point de peut-être inverser leurs contributions  respectives. Enfin, une ré-analyse des anneaux d’accroissement des arbres (Grudd  et al, 2008) confirme que la célèbre courbe en crosse de hockey de Mann est fausse  (à cause notamment d’un biais lié à l’épaisseur de ces anneaux en fonction de l’âge  de l’arbre) et que les températures actuelles et le réchauffement climatique des 150  dernières années ne sont ni exceptionnels ni exceptionnellement rapides. Quatre ou  cinq fois depuis 1500 ans la température moyenne a été aussi élevée, et pendant  deux siècles autour de l’an mille nettement plus élevée: on produisait du vin à  Londres et les Vikings occupaient un Groënland vert... »


Figure 1 : Température moyenne globale (« anomalie » ou différence par rapport à la moyenne  de 1961 à 1990) de la basse atmosphère évaluée par le Hadley Research Center. Echelle en degrés  Celsius. La tendance décennale ou multi-décennale indiquée en rouge est indicative seulement et  estimée par les auteurs de la présente note.

Figure 2 : En rouge la variabilité de la température moyenne (a, à gauche) et de la direction des  vents (b, à droite) pendant la saison d’hiver (10 janvier au 20 février) dans les stations  météorologiques de Hollande. En bleu, un indicateur de l’activité solaire (la variation quadratique  journalière de la composante verticale du champ géomagnétique à Eskdalemuir en Ecosse). (d’après  Le Mouël et al, 2009a).    

Pour ces deux figures
, voir dossier PDF, page 7, que l’on peut ouvrir à partir de l’adresse suivante :
http://www.cdurable.info/Libres-points-de-vue-d-Academiciens-sur-l-environnement-et-le-Developpement-Durable,2155.html



 Références :    Courtillot, V., Gallet, Y., Le Mouël, J.L., Fluteau, F. and Genevey, A., 2007. Are there connections  between the Earth's magnetic field and climate? Earth and Planetary Science Letters, 253(3-4):  328-339.  Courtillot, V., Gallet, Y., Le Mouël, J.-L., Fluteau, F., and Genevey, A., 2008. Response to comment  on “Are there connections between the Earth’s magnetic field and climate?”, Earth Planet. Sci.  Lett., 265, 308-311.
Courtillot, V., Le Mouël, J.L. Blanter, E., and Shnirman, M., sous presse, 2009. Evolution of seasonal  temperature disturbances and solar forcing in the US North Pacific, Journal of Atmospheric and  Solar-Terrestrial Physics.  Grudd, H., 2008. Tornetrask tree-ring width and density AD 500–2004: a test of climatic sensitivity and  a new 1500-year reconstruction of north Fennoscandian summers, Climate Dynamics, DOI  10.1007/s00382-007-0358-2.  de Jager, C., 2008. Solar activity and its influence on climate, Geol. Mijn., 87, 207-213,  Le Mouël, J.L., Kossobokov, V., and Courtillot, V., 2005. On long-term variations of simple  geomagnetic indices and slow changes in magnetospheric currents: the emergence of  anthropogenic global warming after 1990?, Earth Planet. Sci. Lett., 232, 273-286.  Le Mouël, J.L., Courtillot, V., Blanter, E. and Shnirman, M., 2008. Evidence for a solar signature in  20th-century temperature data from the USA and Europe. Comptes Rendus Geoscience,  340(7): 421-430.  Le Mouël, J.L., Blanter, E., Shnirman, M. and Courtillot, V., 2009a. Evidence for solar forcing in  variability of temperatures and pressures in Europe. Journal of Atmospheric and SolarTerrestrial Physics, 71(12): 1309-1321.  Le Mouël, J.L., Kossobokov, V., and Courtillot, V., sous presse, 2009b. A solar pattern in the longest  temperature series from three stations in Europe, Journal of Atmospheric and Solar-Terrestrial  Physics.  Lindzen, R.S., and Choi, Y.S., 2009. On the determination of climate feedbacks from ERBE data,  Geophys. Res. Lett., 36, doi: 10.1029/2009GL039628.  Scafetta, N., and Willson, R.C., 2009. ACRIM-gap and TSI trend issue resolved using a surface  magnetic flux TSI proxy model, Geophys. Res. Lett., 36, L05701, doi: 10.1029/2008GL036307.

 

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I/3   En France, comment verrions-nous, dans notre vie quotidienne, les effets  éventuels d’un réchauffement climatique ? (p. 15-16-17-18)

Jean-Louis Le Mouël (Membre de l’Académie des sciences) et  Vincent Courtillot (Membre de l’Académie des sciences)    

 

« Pour ce qui est de la France, ou (parce que la réponse climatique y est  voisine) de l’Europe occidentale, regardons d’abord le passé récent, jusqu’à la  période actuelle. Les courbes en noir de la partie haute de la Figure 1 montrent  l’évolution de la température moyenne en Amérique du Nord (à gauche) et en  Europe (à droite) d’après le rapport du GIEC (fondées sur les données du Hadley  Research Center). Ces courbes sont assez semblables, avec une croissance  jusqu’en 1940, une décroissance de 1940 à 1970 et une forte croissance  ininterrompue depuis. Les données brutes étant hélas inaccessibles, nous avons  recalculé ces courbes moyennes en partant des données de température minimale,  moyenne et maximale journalières de 44 stations en Europe et 150 aux Etats-Unis.  Ces données plus complètes (Figure 1 en bas) ne donnent pas vraiment la même  image que celles du GIEC. En Amérique du Nord, par exemple, le refroidissement de  1940 à 1970 a eu la même ampleur que les deux périodes de réchauffement qui le  précèdent et le suivent. On comprend pourquoi les articles de journaux évoquaient  au début des années 1980 (de manière alarmiste, comme souvent) la crainte d’un  retour vers un nouvel âge glaciaire (démenti rapidement, et dont les temps  caractéristiques ne sont pas les mêmes...). Après 30 ans de réchauffement, on  comprend que certains extrapolent et s’inquiètent d’une terre surchauffée...  En Europe, la courbe n’a pas du tout la même allure. La tendance qu’on décèle  derrière des variations plus rapides et assez amples (avec par exemple un  refroidissement considérable mais bref en 1940), c’est l’absence de toute évolution  entre 1910 et 1987 (ni réchauffement, ni refroidissement), puis un saut brusque  d’environ un degré Celsius vers 1987, et depuis un nouveau plateau. Cette courbe  en marche d’escalier ne ressemble guère à celle du GIEC, ni à celle des Etats-Unis,  ni à celle de l’évolution du CO2. Quel seuil critique a donc été franchi vers 1987 qui  fait sauter le climat européen d’un état stable à un autre, certes plus chaud ? La  signature du réchauffement est donc régionale. Pour ce qui est de la France, des  indicateurs agricoles confirment cette évolution. C’est ainsi que la date de floraison  des poiriers a été stable (avec de fortes variations autour de cette moyenne stable,  comme la courbe de température de la figure 1 en bas à droite) jusqu’en 1987, et a  avancé de deux semaines vers cette période, mais n’a plus évolué sensiblement  depuis, en bon miroir de la température européenne moyenne (ou de celle de la  France qu’on peut trouver sur le site de Météo-France ; voir Figure 2).  Pour ce qui est des causes de ces évolutions, on se reportera à notre réponse à  la question I-2. Nous y expliquons qu’à notre avis l’influence du CO2 a été surévaluée  et celle du Soleil sous-évaluée, sans qu’il soit encore possible d’en donner des  estimations quantitatives précises. Nous pensons que les incertitudes restantes dans  l’étude de ce problème complexe qu’est l’évolution du climat ont été très sousévaluées. Les prévisions sont d’autant plus incertaines. Il faut souligner l’extrême  variabilité du climat dans l’espace et dans le temps. Et naturellement les prédictions  dépendent de la compréhension que l’on a des causes du phénomène. Si le Soleil  est bien (comme il l’a été depuis des milliards d’années et à toutes les échelles de  temps) un déterminant majeur du climat de la Terre, on comprend mieux la  décroissance de la température à l’échelle globale depuis une dizaine d’années, en  liaison avec une décroissance de l’activité solaire. Certains physiciens du Soleil  pensent qu’il vient de passer dans un mode de fonctionnement plus modéré qu’au  cours des dernières décennies, et la baisse des températures pourrait se poursuivre  quelques décennies, pour nous ramener peut-être (à l’échelle globale) aux  températures des années 70... Quant à l’évolution à l’échelle de la France, elle est  très difficile à évaluer, au vu de la variabilité régionale observée au cours du siècle  qui vient de s’écouler. Bref, le climat devrait continuer à évoluer, avec des constantes  de temps d’une à quelques dizaines d’années, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas.

Savoir si l’accumulation poursuivie du CO2 déclenchera un réchauffement  anormal dans les années qui viennent est un sujet de recherche important. Mais dire  que ce réchauffement anormal a déjà commencé, et ce avec un seuil de confiance  de 90% comme le dit le rapport du GIEC aux décideurs politiques, ne nous semble  compatible ni avec la complexité du problème , ni avec les nombreuses observations  qui semblent indiquer d’autres causes. Savoir si les évolutions climatiques sont une  bonne ou une mauvaise chose, où et pour qui, est un problème distinct, qu’il vaudrait  mieux ne pas mélanger sans précaution avec l’analyse scientifique de faits. »
                  

Figure 1 : en haut, en noir, températures moyennes « observées », en bleu prédictions des  modèles en l’absence de gaz à effet de serre, en rose prédictions avec effet de serre ; en bas nos  courbes moyennes correspondantes. (d’après Le Mouël et al, 2008).

Figure 2 : Température moyenne annuelle en France de 1950 à 2005 (source Météo-France). Deux tendances multi-décennales sont indiquées grossièrement. Celle en rouge correspond à la  représentation commune du réchauffement climatique (type « GIEC »), celle en bleu à l’interprétation « en marche d’escalier » suggérée par la moyenne européenne de la figure 1. Il n’est pas simple de  trancher « mathématiquement » entre les deux    

Pour ces deux figures, voir dossier PDF, page 17, que l’on peut ouvrir à partir de l’adresse suivante :
http://www.cdurable.info/Libres-points-de-vue-d-Academiciens-sur-l-environnement-et-le-Developpement-Durable,2155.html

Références (voir question I-2) 

Image : Institut de France


Polémia
07/12/2009






 

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