I- LES EVOLUTIONS DU CLIMAT
L’évolution climatique actuelle fait l’objet de très nombreuses mesures la replaçant dans son passé récent et lointain. Nous faisons ici le point de ces travaux scientifiques :
I/2 La question se pose pour certains de savoir s’il y a une modification du climat due aux activités humaines. Si oui, par quoi se traduit-elle ? (p. 5-6-7-8)
Par Vincent Courtillot (Membre de l’Académie des sciences) et Jean-Louis Le Mouël (Membre de l’Académie des sciences) :
« Le climat est en général défini comme la moyenne de la météorologie sur environ trente ans. Il est caractérisé par de nombreux paramètres observables : température, pression, précipitations, vents, nébulosité, insolation,... Le paramètre le plus couramment observé et représenté est la température. Il n’est pas si simple de mesurer la température moyenne globale de la basse atmosphère ni de s’assurer qu’elle a bien une signification thermodynamique (les températures ne s’additionnent pas, contrairement par exemple aux volumes). De plus, les températures moyennes diffèrent considérablement d’une région climatique à l’autre (voir réponse à la question I-3 pour la France) et celles que nous avons recalculées diffèrent sensiblement de celles qui sont représentées dans le rapport 2007 du GIEC (figure 1 de la réponse à la question I-3). Si l’on admet cependant la validité de la courbe moyenne mondiale publiée sur le site du centre de recherches britannique de Hadley (figure 1), on voit que la température moyenne a crû de 1910 à 1930 environ, décrû de 1940 à 1970, crû à nouveau jusqu’en 1998 qui en marque le maximum, et décrû à nouveau depuis. Cette forme particulière de la courbe ressemble beaucoup plus aux variations de divers indicateurs caractéristiques des variations d’activité solaire qu’à celles de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. La décroissance observée pendant la dernière décennie correspond bien à la décroissance de l’activité solaire, qui semble être rentrée dans une phase plus faible que lors des dernières décennies, et qui pourrait durer plusieurs décennies, comme l’ont observé pour le passé les physiciens du Soleil (de Jager, 2008). Nous avons multiplié depuis 2005 les études qui font apparaître la présence indiscutable de signaux solaires dans les températures et dans la variabilité des températures en Europe et aux Etats-Unis (figure 2). Nous avons également pu montrer dans les séries les plus longues (plus de deux siècles) de stations comme Prague, Bologne ou Uccle, que le cycle de la température au cours de l’année « sait » parfaitement si l’on est en période de fort ou de faible cycle solaire. Nous avons retrouvé la signature solaire dans une oscillation du système océanatmosphère qui est importante pour le climat du Pacifique tropical nord, l’oscillation de Madden-Julian. Ces observations, désormais publiées (voir références), semblent bien indiquer que l’influence du Soleil a été sous-estimée et celle du CO2 surestimée dans les modèles. Deux articles récents révisent à la baisse la sensibilité de l’atmosphère au CO2 (Lindzen et Choi, 2009) et les variations de l’irradiance solaire à long terme à la hausse (Scafetta et Willson, 2009) au point de peut-être inverser leurs contributions respectives. Enfin, une ré-analyse des anneaux d’accroissement des arbres (Grudd et al, 2008) confirme que la célèbre courbe en crosse de hockey de Mann est fausse (à cause notamment d’un biais lié à l’épaisseur de ces anneaux en fonction de l’âge de l’arbre) et que les températures actuelles et le réchauffement climatique des 150 dernières années ne sont ni exceptionnels ni exceptionnellement rapides. Quatre ou cinq fois depuis 1500 ans la température moyenne a été aussi élevée, et pendant deux siècles autour de l’an mille nettement plus élevée: on produisait du vin à Londres et les Vikings occupaient un Groënland vert... »
Figure 1 : Température moyenne globale (« anomalie » ou différence par rapport à la moyenne de 1961 à 1990) de la basse atmosphère évaluée par le Hadley Research Center. Echelle en degrés Celsius. La tendance décennale ou multi-décennale indiquée en rouge est indicative seulement et estimée par les auteurs de la présente note.
Figure 2 : En rouge la variabilité de la température moyenne (a, à gauche) et de la direction des vents (b, à droite) pendant la saison d’hiver (10 janvier au 20 février) dans les stations météorologiques de Hollande. En bleu, un indicateur de l’activité solaire (la variation quadratique journalière de la composante verticale du champ géomagnétique à Eskdalemuir en Ecosse). (d’après Le Mouël et al, 2009a).
Pour ces deux figures, voir dossier PDF, page 7, que l’on peut ouvrir à partir de l’adresse suivante :
http://www.cdurable.info/Libres-points-de-vue-d-Academiciens-sur-l-environnement-et-le-Developpement-Durable,2155.html
Références : Courtillot, V., Gallet, Y., Le Mouël, J.L., Fluteau, F. and Genevey, A., 2007. Are there connections between the Earth's magnetic field and climate? Earth and Planetary Science Letters, 253(3-4): 328-339. Courtillot, V., Gallet, Y., Le Mouël, J.-L., Fluteau, F., and Genevey, A., 2008. Response to comment on “Are there connections between the Earth’s magnetic field and climate?”, Earth Planet. Sci. Lett., 265, 308-311.
Courtillot, V., Le Mouël, J.L. Blanter, E., and Shnirman, M., sous presse, 2009. Evolution of seasonal temperature disturbances and solar forcing in the US North Pacific, Journal of Atmospheric and Solar-Terrestrial Physics. Grudd, H., 2008. Tornetrask tree-ring width and density AD 500–2004: a test of climatic sensitivity and a new 1500-year reconstruction of north Fennoscandian summers, Climate Dynamics, DOI 10.1007/s00382-007-0358-2. de Jager, C., 2008. Solar activity and its influence on climate, Geol. Mijn., 87, 207-213, Le Mouël, J.L., Kossobokov, V., and Courtillot, V., 2005. On long-term variations of simple geomagnetic indices and slow changes in magnetospheric currents: the emergence of anthropogenic global warming after 1990?, Earth Planet. Sci. Lett., 232, 273-286. Le Mouël, J.L., Courtillot, V., Blanter, E. and Shnirman, M., 2008. Evidence for a solar signature in 20th-century temperature data from the USA and Europe. Comptes Rendus Geoscience, 340(7): 421-430. Le Mouël, J.L., Blanter, E., Shnirman, M. and Courtillot, V., 2009a. Evidence for solar forcing in variability of temperatures and pressures in Europe. Journal of Atmospheric and SolarTerrestrial Physics, 71(12): 1309-1321. Le Mouël, J.L., Kossobokov, V., and Courtillot, V., sous presse, 2009b. A solar pattern in the longest temperature series from three stations in Europe, Journal of Atmospheric and Solar-Terrestrial Physics. Lindzen, R.S., and Choi, Y.S., 2009. On the determination of climate feedbacks from ERBE data, Geophys. Res. Lett., 36, doi: 10.1029/2009GL039628. Scafetta, N., and Willson, R.C., 2009. ACRIM-gap and TSI trend issue resolved using a surface magnetic flux TSI proxy model, Geophys. Res. Lett., 36, L05701, doi: 10.1029/2008GL036307.
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I/3 En France, comment verrions-nous, dans notre vie quotidienne, les effets éventuels d’un réchauffement climatique ? (p. 15-16-17-18)
Jean-Louis Le Mouël (Membre de l’Académie des sciences) et Vincent Courtillot (Membre de l’Académie des sciences)
« Pour ce qui est de la France, ou (parce que la réponse climatique y est voisine) de l’Europe occidentale, regardons d’abord le passé récent, jusqu’à la période actuelle. Les courbes en noir de la partie haute de la Figure 1 montrent l’évolution de la température moyenne en Amérique du Nord (à gauche) et en Europe (à droite) d’après le rapport du GIEC (fondées sur les données du Hadley Research Center). Ces courbes sont assez semblables, avec une croissance jusqu’en 1940, une décroissance de 1940 à 1970 et une forte croissance ininterrompue depuis. Les données brutes étant hélas inaccessibles, nous avons recalculé ces courbes moyennes en partant des données de température minimale, moyenne et maximale journalières de 44 stations en Europe et 150 aux Etats-Unis. Ces données plus complètes (Figure 1 en bas) ne donnent pas vraiment la même image que celles du GIEC. En Amérique du Nord, par exemple, le refroidissement de 1940 à 1970 a eu la même ampleur que les deux périodes de réchauffement qui le précèdent et le suivent. On comprend pourquoi les articles de journaux évoquaient au début des années 1980 (de manière alarmiste, comme souvent) la crainte d’un retour vers un nouvel âge glaciaire (démenti rapidement, et dont les temps caractéristiques ne sont pas les mêmes...). Après 30 ans de réchauffement, on comprend que certains extrapolent et s’inquiètent d’une terre surchauffée... En Europe, la courbe n’a pas du tout la même allure. La tendance qu’on décèle derrière des variations plus rapides et assez amples (avec par exemple un refroidissement considérable mais bref en 1940), c’est l’absence de toute évolution entre 1910 et 1987 (ni réchauffement, ni refroidissement), puis un saut brusque d’environ un degré Celsius vers 1987, et depuis un nouveau plateau. Cette courbe en marche d’escalier ne ressemble guère à celle du GIEC, ni à celle des Etats-Unis, ni à celle de l’évolution du CO2. Quel seuil critique a donc été franchi vers 1987 qui fait sauter le climat européen d’un état stable à un autre, certes plus chaud ? La signature du réchauffement est donc régionale. Pour ce qui est de la France, des indicateurs agricoles confirment cette évolution. C’est ainsi que la date de floraison des poiriers a été stable (avec de fortes variations autour de cette moyenne stable, comme la courbe de température de la figure 1 en bas à droite) jusqu’en 1987, et a avancé de deux semaines vers cette période, mais n’a plus évolué sensiblement depuis, en bon miroir de la température européenne moyenne (ou de celle de la France qu’on peut trouver sur le site de Météo-France ; voir Figure 2). Pour ce qui est des causes de ces évolutions, on se reportera à notre réponse à la question I-2. Nous y expliquons qu’à notre avis l’influence du CO2 a été surévaluée et celle du Soleil sous-évaluée, sans qu’il soit encore possible d’en donner des estimations quantitatives précises. Nous pensons que les incertitudes restantes dans l’étude de ce problème complexe qu’est l’évolution du climat ont été très sousévaluées. Les prévisions sont d’autant plus incertaines. Il faut souligner l’extrême variabilité du climat dans l’espace et dans le temps. Et naturellement les prédictions dépendent de la compréhension que l’on a des causes du phénomène. Si le Soleil est bien (comme il l’a été depuis des milliards d’années et à toutes les échelles de temps) un déterminant majeur du climat de la Terre, on comprend mieux la décroissance de la température à l’échelle globale depuis une dizaine d’années, en liaison avec une décroissance de l’activité solaire. Certains physiciens du Soleil pensent qu’il vient de passer dans un mode de fonctionnement plus modéré qu’au cours des dernières décennies, et la baisse des températures pourrait se poursuivre quelques décennies, pour nous ramener peut-être (à l’échelle globale) aux températures des années 70... Quant à l’évolution à l’échelle de la France, elle est très difficile à évaluer, au vu de la variabilité régionale observée au cours du siècle qui vient de s’écouler. Bref, le climat devrait continuer à évoluer, avec des constantes de temps d’une à quelques dizaines d’années, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas.
Savoir si l’accumulation poursuivie du CO2 déclenchera un réchauffement anormal dans les années qui viennent est un sujet de recherche important. Mais dire que ce réchauffement anormal a déjà commencé, et ce avec un seuil de confiance de 90% comme le dit le rapport du GIEC aux décideurs politiques, ne nous semble compatible ni avec la complexité du problème , ni avec les nombreuses observations qui semblent indiquer d’autres causes. Savoir si les évolutions climatiques sont une bonne ou une mauvaise chose, où et pour qui, est un problème distinct, qu’il vaudrait mieux ne pas mélanger sans précaution avec l’analyse scientifique de faits. »
Figure 1 : en haut, en noir, températures moyennes « observées », en bleu prédictions des modèles en l’absence de gaz à effet de serre, en rose prédictions avec effet de serre ; en bas nos courbes moyennes correspondantes. (d’après Le Mouël et al, 2008).
Figure 2 : Température moyenne annuelle en France de 1950 à 2005 (source Météo-France). Deux tendances multi-décennales sont indiquées grossièrement. Celle en rouge correspond à la représentation commune du réchauffement climatique (type « GIEC »), celle en bleu à l’interprétation « en marche d’escalier » suggérée par la moyenne européenne de la figure 1. Il n’est pas simple de trancher « mathématiquement » entre les deux
Pour ces deux figures, voir dossier PDF, page 17, que l’on peut ouvrir à partir de l’adresse suivante :
http://www.cdurable.info/Libres-points-de-vue-d-Academiciens-sur-l-environnement-et-le-Developpement-Durable,2155.html
Références (voir question I-2)
Image : Institut de France
Polémia
07/12/2009