Identité française et identité juive : le point de vue du CRIF

mardi 1 décembre 2009

Le Conseil représentatif des institutions juives de France, le CRIF, se définit comme « l’organe politique de la communauté juive de France ». Son président Richard Prasquier a publié, dans Le Monde du 19 novembre 2009, une importante tribune libre sur : « identité française et identité juive ».

Décryptage.

1- Le CRIF, une organisation communautaire très importante.

Le point de vue du CRIF est à prendre en considération pour au moins trois raisons :
 
a)- Le CRIF rythme la vie officielle française : son diner annuel, en janvier, est le seul moment, avec la Fête nationale du 14 juillet, où se retrouvent ensemble le président de la République, le premier ministre, la quasi totalité du gouvernement, les plus hauts magistrats, les chefs de la police et de la gendarmerie, les hauts représentants du Quai d’Orsay et les ambassadeurs présents en France, les chefs syndicaux et patronaux, les dirigeants des grands médias.

b)- Le CRIF est la seule association reçue au plus haut niveau, et plusieurs fois par an, par les principaux ministres : Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Finances, Education. Et ses revendications sont généralement rapidement satisfaites.

c)- Le mode de fonctionnement du CRIF a été repris comme modèle par d’autres communautés et organisations tels que le Conseil français du culte musulman (CFCM) et le Conseil représentatif des associations noires (CRAN). Ainsi les diners de rupture de jeûne du Ramadan deviennent le pendant des diners régionaux du CRIF.

Or ce que dit le président du CRIF sur « l’identité française et l’identité juive » est riche d’enseignements.


2- L’identité juive : un universalisme et un peuple

« Je tiens à dire deux vérités, avec la plus grande clarté.

Premièrement, pour en revenir aux mots de Clermont-Tonnerre, les Français juifs ne sont pas, et ne prétendent pas être, une nation dans la nation. Ils sont français, enfants de Marianne, héritiers des Lumières et de cette patrie des philosophes éclairés et des tolérances équitables qui a fait ce que nous sommes.

Deuxièmement, et c'est là le plus difficile sans doute à entendre aujourd'hui, les juifs, par-delà les frontières, sont un peuple ; certes pas un peuple fondé sur le sang, les gènes ou l'enracinement dans un sol. Ce qu'ils ont en commun est un héritage, symbolique et prégnant, fondé sur une loi morale, des textes et des pratiques, héritage parfois accepté partiellement, mais héritage de choix, forgé par des siècles d'histoire tourmentée, maintenu à travers les dispersions et affirmé malgré les persécutions.(…).

Les juifs ont une langue, vénérable et ancienne, qu'ils ont ressuscitée. Et ils ressentent aussi, pour la plupart, la force spirituelle d'un foyer commun vers lequel tournent leurs pensées et leurs tendresses, Israël, Etat non pas juif, car ouvert à tous ses citoyens, mais Etat du peuple juif. »

3- L’identité française : un universalisme sans peuple ?

Et le président du CRIF de poursuivre : « Ce que je voudrais exprimer ici, c'est la force complémentaire de ces deux identités, française et juive. C'est la rencontre de deux universalismes, celui des droits de l'homme et celui des Dix Commandements. »

Ce qui surprend dans le texte du président du CRIF, c’est qu’à aucun moment la notion de « peuple français » n’est mentionnée. Or celle-ci apparaît pourtant comme premier mot du préambule de la Constitution de 1958 : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004 ». Bref le peuple précède l’attachement aux droits de l’homme et il y a quelque contradiction à se réclamer des droits de l’homme en niant, au moins par omission, le peuple français qui leur préexiste. Et selon l’article 2 de la Constitution, c’est au peuple français qu’appartient la « souveraineté nationale ».

4- Le « peuple français qui vient du fond des âges » (Charles De Gaulle).

Un « peuple français » qui selon le général de Gaulle « vient du fond des âges ». Faut-il rappeler au président Prasquier et à tant d’autres que la France a existé avant 1789 et les Lumières ? Que la France et son peuple portent en eux un héritage européen, gallo-romain, chrétien, capétien qu’il n’est légitime ni de nier ni même d’oublier.

Le président du CRIF parle de l’hébreu comme un élément de l’identité du peuple juif. Il a sans doute raison, mais comment oublier la langue française comme élément de l’identité française alors même que l’article 1 de la constitution en fait : « la langue de la République ».

En clair et n’en déplaise aux négationnistes de l’identité française, il y a bien, indépendamment d’affluents historiques divers, une identité française, une identité du peuple français, un socle français, qui ne se réduit pas à l’universalisme des droits de l’homme. Et pour une raison simple : c’est qu’il le précède. Le peuple français n’a pas commencé en 1789.

Jean-Yves Ménébrez
30/11/2009
Polémia

Voir : Identité française : relire Renan (lien)
http://www.polemia.com/article.php?id=2556

« Qu’est ce qu’être français » :
http://www.polemia.com/article.php?id=2475

Image : Couverture du livre Costumes des provinces françaises


 

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