LOPPSI 2 - Le plan Sarkozy se réalise - La censure sur Internet progresse

lundi 15 juin 2009

On a vu avec quelles difficultés la loi Hadopi a finalement été votée sur injonctions renouvelées du président Sarkozy et malgré l’opposition d’une partie de la majorité et de certains groupes de pression influents.

Ce succès au forcing, pour Nicolas Sarkozy, aura été de courte durée puisque par décision du 10 juin le Conseil constitutionnel a censuré dans les articles 5 et 11 de la loi « Création et Internet » toute disposition accordant un pouvoir de sanction à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet.


En d’autres termes, cette décision annihile pratiquement la loi en la rendant inapplicable :

– la Haute Autorité ne peut avoir autorité pour sanctionner un internaute et donc lui couper l'accès à Internet, considéré comme un droit fondamental. Seule une juridiction peut être habilitée à suspendre cet accès ;

la présomption d’innocence, principe fondamental du droit français, est respectée : il n’appartiendra pas à l’internaute de prouver son innocence et de démontrer que, en cas de téléchargement, l’accès à Internet avait été utilisé à son insu.

Mais le plan Sarkozy, même si le président de la République vient de se voir infliger un sérieux revers, n’est pas encore à son terme. Après les lois DADVSI (23/03/2006) et HADOPI (13/05/2009), reste le troisième volet du triptyque « cybersécurité » : le projet LOPPSI2 (loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure). Ce dernier dispositif, qui devrait voir le jour à l’automne, est encore plus ambitieux, axé sur l’ensemble de la cybercriminalité.

Le projet LOPPSI 2  est un projet de loi fourre-tout. Il vise à modifier les moyens juridiques et sécuritaires afin de renforcer la lutte contre la délinquance et la criminalité. La nouvelle loi doit privilégier « le redéploiement de moyens existants et le renforcement de la police technique et scientifique », comme le soulignait le président de la République en juillet 2007. Parmi les actions, on trouve pêle-mêle : « conforter la réduction du nombre d’accidents [de voiture] », « renforcer la lutte contre le terrorisme » et « combattre l’immigration clandestine » et, bien entendu, lutter contre la cybercriminalité avec, par exemple, « l‘installation de mouchards électroniques sans vérification de leur légalité par les services de l'Etat, la légalisation des chevaux de Troie comme mode d'écoute à distance, la création d'un super-fichier “Périclès” regroupant de nombreuses données personnelles (numéros de carte grise, permis de conduire, numéros IMEI des téléphones mobiles, factures…), la création d'un délit d'usurpation d'identité, le pouvoir de géolocaliser les internautes », l’établissement par le ministère d’une « liste noire » de sites à caractère pédophile que les fournisseurs d’accès Internet seront obligés de bannir ou l’autorisation donnée à la police sur commission rogatoire de pénétrer des ordinateurs sensibles pour capter en temps réel des messages liés à la grande criminalité, au terrorisme ou à la pédophilie.

C’est donc le retour des contenus à caractère pédo-pornographique présentés comme épouvantails et prétextes à tout (et n’importe quoi) et qui donneront forcément lieu à l’arbitraire pour lancer des investigations contre tout ce qui pourrait déplaire ou contrevenir au politiquement correct autodéfini.

La pornographie et la pédophilie existaient bien avant Internet. La poste n’a jamais été inquiétée pour l’acheminement de courriers contenant des publicités, des annonces ou des sollicitations de toute sorte à caractère pornographique ou pédophile. La lutte contre ces fléaux sociaux doit certainement pouvoir se trouver ailleurs, par exemple dans une répression plus vive : des condamnations plus sévères, des exécutions de peines et des contrôles judiciaires plus rigoureux ou encore des suivis médicaux plus approfondis, etc. Combien de crimes sexuels sont-ils commis par des récidivistes relâchés avant terme ?

On le constate une nouvelle fois, le champ des libertés individuelles se rétrécit. Le peuple doit se soumettre et, sous la contrainte et la menace, courber l’échine ! Ces dispositions sont le marchepied d’une censure plus généralisée de l’Internet. Déjà la police de la pensée fait son œuvre dans d’autres domaines, comme le révisionisme historique : la loi Gayssot n’a pas suffi, des sites français ont été fermés autoritairement et il est impossible matériellement d’accéder à certains sites étrangers. LOPPSI favorisera les abus : la HALDE, dans sa lutte contre la discrimination, n’en commet-elle pas ?

Comme le démontre avec beaucoup de justesse Guillaume Champeau, fondateur et animateur du site numerama, dans son « Décryptage : Sarkozy et son œuvre de contrôle du net » (*), on peut considérer que le président de la République a son plan qu’il mènera à bout quels que soient les obstacles qu’il rencontrera et, dans la lignée de la ratification du Traité de Lisbonne, sans nullement se soucier des préoccupations des Français ni du respect de leurs aspirations.

René Schleiter
13/06/2009
Polémia

Note :
(*) http://www.numerama.com/magazine/12948-Decryptage-Sarkozy-et-son-oeuvre-de-controle-du-net.html

Voir  également :
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/05/18/apres-la-dadvsi-et-hadopi-bientot-la-loppsi-2_1187141_651865.html#xtor=RSS-3208



 

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