Encore un effort, Nicolas Baverez ! (édito 23/10/03)

mardi 31 mars 2009

Énarque défroqué et essayiste brillant, Nicolas Baverez vient de publier un ouvrage choc : « La France qui tombe ».

Résumée dans un article du « Monde » du 16 septembre, la thèse de Nicolas Baverez est la suivante : depuis trente ans, « les trente piteuses », la France décline économiquement et souffre de croissance ralentie, de chômage fort, d'endettement croissant et d'exil de ses éléments les plus dynamiques ; la cause en est « la tyrannie molle du statu quo » et l'absence de réforme du secteur public.
Pour Nicolas Baverez, ce n'est pas une fatalité mais le résultat d'un choix politique, ou plutôt la conséquence de l'incapacité de la classe politique à offrir une « offre » réformatrice.

Jusqu'ici l'analyse est juste, mais elle ne va pas assez loin : les dirigeants politiques ne s'auto-proclament pas eux-mêmes, ils sont sélectionnés par les électeurs qui les choisissent par leur vote, et surtout par les médias qui les font connaître aux électeurs par les faits dont ils rendent (éventuellement) compte et surtout par les images qu'ils véhiculent

Or force est de constater que jusqu'ici les ambitions « réformatrices » n'ont pas été couronnées de succès : Alain Madelin qui aurait pu recueillir la voix de Nicolas Baverez a réuni à la dernière présidentielle 3 % des suffrages : il y avait bien une « offre » politique réformatrice et libérale, mais la « demande » était bien réduite ! Dans un autre registre, Alice Saunier-Seïté, Alain Devaquet ou Claude Allègre sont politiquement morts d'avoir voulu réformer l'Éducation nationale. Lionel Jospin, François Bayrou et Jack Lang se sont, eux, plutôt bien portés de n'y avoir rien fait.
Car quiconque agit se voit inéluctablement accusé de maladresse et se heurte aux chiens de gardes des droits acquis, puissants dans les syndicats, et aux vigiles du politiquement correct, dominants dans les médias.

Nicolas Baverez en est d'ailleurs conscient puisque pointant les dangers politiques à venir, il cite l'extrême droite et le Front National. Or Nicolas Baverez est trop intelligent pour imaginer que Le Pen qui a reculé entre les deux tours de la dernière présidentielle puisse présenter un danger pour quiconque. Mais Nicolas Baverez est aussi un homme poli, il sait qu'il serait mal venu de pointer la responsabilité des trotskistes dans la défense violente du statu quo quand on obtient la une du journal d'Edwy Plenel ! « Le Monde » étant malgré tout plus enclin à s'ouvrir à un essayiste qui critique un gouvernement de droite qu'à vanter les mérites d'un gouvernement de droite qui ferait des réformes de droite !

La vérité c'est que personne n'échappe à l'instrumentalisation médiatique et que depuis près de 40 ans les principaux pouvoirs - judiciaires, syndicaux, médiatiques - ont toujours échappé aux gouvernements de droite : ces pouvoirs-là sont d'ailleurs les seuls pouvoirs - à la différence du pouvoir économique ou du pouvoir politique - à avoir échappé aux « affaires ». Par innocence ou par connivence ?

Ceci étant, la plume acérée de Nicolas Baverez, si elle reste prudente, sait aussi prendre de la hauteur : il est juste de dire « que le déclin français ne se limite pas à la dislocation de la production mais correspond à un traumastisme politique aigu ». Et Nicolas Baverez a raison d'affirmer « que la crise n'est pas seulement économique, elle est intellectuelle, morale voire spirituelle, car touchant au plus profond de l'identité, des valeurs et du destin historique de la France ».

Mais là aussi il faut en comprendre les raisons : depuis plusieurs décennies, pour faciliter la mondialisation à marche forcée ou l'accueil d'immigrés sans cesse plus nombreux, venus de toujours plus loin, le sentiment national a été ringardisé, culpabilisé et assimilé au « racisme », au « fascisme », au « vychisme », au « colonialisme »...

Il y a là une des causes majeures de la crise de la conscience française.

Pour en sortir, il faudra procéder à une révision déchirante des valeurs dominantes des trente dernières années et retourner aux sources culturelles, politiques et civilisationnelles de l'identité française. Encore un effort Nicolas Baverez !


Jean-Yves Le Gallou
23/09/2003
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