Récession en L et dé-mondialisation

samedi 28 mars 2009

Münchau estime que « nous sommes à l’heure actuelle quelque part au milieu de la barre verticale du L. » Mais, avertit-il, « c’est l’horizontale qui est la plus effrayante. » La liquidation de la dette américaine va se traduire par une phase d’atonie prolongée de plusieurs années, le temps d’apurer les bilans, nous dit-il. Dans le grand livre de comptes de l’économie mondiale, les déficits des uns sont les excédents des autres. Le désendettement des ménages et la réduction des déficits US se traduiront donc par une baisse symétrique de l’activité des pays exportateurs, au premier rang desquels la Chine, l’Allemagne et le Japon. Faute de pouvoir tabler sur un redémarrage proche, ceux-ci n’auront d’autre choix que de réorienter leur économie vers la demande intérieure, juge Münchau.


Les États-Unis traînent des pieds pour s’attaquer aux problèmes du secteur financier. L’Union Européenne fait de même, et échoue également à adopter les mesures susceptibles de la protéger d’ une attaque spéculative de plus en plus probable. Et à en juger par l’état des préparatifs, le prochain sommet du Groupe des 20 sera un désastre. Il semble donc que cela soit un L - et non pas un V ou un U. Je veux dire une récession en forme de L, celle qui débute par une forte baisse, suivie par une croissance très faible durant de nombreuses années.

Dans une récession en forme de V, la reprise est instantanée. Dans le type en U, elle finit par se produire au bout d’un temps. Je pense que nous sommes à l’heure actuelle quelque part au milieu de la barre verticale du L. Mais c’est l’horizontale qui est la plus effrayante. L’histoire ne se répète jamais exactement, mais l’histoire économique nous enseigne que les crises financières sont étonnamment similaires. Cette situation ressemble à celle qu’a connue le Japon dans les années 1990. Sans restructuration financière, l’économie ne va pas redémarrer. Et le Japon avait eu de la chance : durant cette crise l’économie mondiale était en forte expansion.

Le meilleur moyen de lutter contre une telle catastrophe consiste à restructurer le système bancaire et à fournir un stimulation économique à court terme par le biais des politiques monétaire et budgétaire. S’exprimant lors d’une récente conférence à Rome, Martin Feldstein, ancien conseiller économique de Ronald Reagan et président du National Bureau of Economic Research américain, estime que les dépenses de consommation devraient baisser de 500 milliards de dollars ( 395 mld euros) par an, et celles du secteur de la construction de 250 milliards. Face à ce déficit de 750 milliards, la stimulation est malheureusement insuffisante. En d’autres termes : nous sommes devant un L. Une récession en forme de L rendra l’ajustement encore plus douloureux. Le chômage va continuer à augmenter. Le prix de l’immobilier va continuer à chuter.

Les consommateurs américains et les banques passeront les cinq prochaines années ou plus à se désendetter, et à remettre de l’ordre dans leurs bilans respectifs. Au cours de cette période, le déficit de la balance courante des États-Unis diminuera, de même que celui du Royaume-Uni, de l’Espagne et de plusieurs nations d’Europe centrale et orientale. Ce processus peut prendre beaucoup de temps, et plus encore durant une récession en forme de L.

Mais l’effet de ce désendettement sera également brutal pour le reste du monde. La baisse du déficit de la balance courante sera en partie compensée par la baisse des excédents des exportateurs de pétrole et de gaz, tels que les pays du Moyen-Orient et la Russie. Mais l’essentiel de l’ajustement sera assuré par les plus grands pays exportateurs : l’Allemagne, la Chine et le Japon.

Globalement, les déficits et les excédents des balances courantes forment une somme nulle - mis à part certaines erreurs statistiques. Vous pouvez faire les calculs vous-même. Si les Etats-Unis cessent d’acheter des voitures allemandes, l’Allemagne finira par cesser d’en produire. Si nous avions une simple récession en forme de U, nous aurions malgré tout une récession douloureuse en Allemagne et au Japon. Mais dans ce scénario, ces deux pays seraient parmi les premiers à bénéficier de la reprise.

Dans une crise en forme de L, la récession laisse place à la dépression, et ce bien que ces pays exportateurs estimeront pourtant avoir accompli leur « devoir ». Si personne ne peut se permettre de maintenir un déficit important sur une longue période - ce qui est effectivement impliqué par une récession en L - les modèles économiques de l’Allemagne et le Japon ne fonctionnent plus. L’Allemagne a eu un excédent de sa balance courante de plus de 7% l’an dernier. C’est le plus grand exportateur mondial. Les exportations représentent environ 41% du produit intérieur brut - chiffre extraordinaire, étant donné la taille du pays.

Alors que devraient faire ces pays ? La bonne réponse serait de réduire la dépendance sur les exportations et à entreprendre des réformes structurelles qui facilitent la transition vers la production de biens non échangeables.

Wolfgang Münchau
9 mars 2009
Publication original Financial Times, via syndication Peninsula On Line
Source : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2574

Correspondance Polémia
20/03/09

Wolfgang Münchau : ancien correspondant du Financial Times à Washington et à Bruxelles, membre de l’équipe fondatrice du Financial Times Deutschland en 2000.


 

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