Les races existent-elles ? (Polémia 03/09)

mardi 24 mars 2009

Audition d’un journaliste scientifique, spécialiste de l’évolution des idées dans le domaine de la biologie


La question des races est un sujet tabou, pollué par sa proximité avec la question du racisme – comme si le fait de reconnaître l’existence des races devait inéluctablement conduire à une interprétation raciste des rapports humains. Tel n’est bien évidemment pas le propos.

Pour essayer d’y voir clair, il convient de distinguer trois questions de nature et de portée différentes.


1. Existe-t-il des différences entre les races ? Que la réponse soit affirmative ou négative, on reste ici dans le domaine des faits, de l’analyse et de l’interprétation de données scientifiques.

2. Est-on favorable à ce que les différences raciales soient réduites ou au contraire maintenues, voire accentuées ? On est ici déjà dans la conception du monde, de la dialectique entre systèmes de représentation du monde, dont on a une vision plus ou moins égalitaire ou au contraire différenciée. Le débat oppose également les « héréditaristes » et les « environnementalistes » à propos de la détermination des aptitudes mentales et des traits de caractère humains, sans que cette dichotomie ne croise exactement la précédente. Notons ici, d’entrée de jeu, que si la gauche représente cette vision égalitaire du monde, cette aspiration à l’égalité, les militants de gauche devraient être les premiers à reconnaître l’existence des races ou de diverses inégalités puisque cela constituerait une justification de leur combat (si les différences n’existent pas, il ne sert à rien de chercher à les combattre).

3. Est-on raciste ? C’est-à-dire, très concrètement, voulons-nous du mal à ceux qui ne sont pas du même groupe racial que nous ? Comme on le voit, la question est toute différente. Nous ne sommes plus dans le champ de la science, ni même des idées, mais de la pratique sociale et de la politique.

La division sommaire entre les tenants de l’existence des races et, au contraire, de l’anti-race (a fortiori entre racistes et antiracistes) ne permet pas de comprendre tous les aspects de la problématique. L’évolution historique de l’approche illustre cette complexité : si le poids de l’idéologie dominante, de nature égalitariste, s’est progressivement imposé, le développement parallèle de la technologie a mis en place une mécanique productrice d’hétérotélie, dans la mesure où les découvertes scientifiques permises par les avancées technologiques finissent par remettre en cause l’approche strictement idéologique pour réhabiliter la notion de race.

I. Les facteurs historiques

Trois périodes peuvent être identifiées dans cette évolution intellectuelle :

1. Jusque dans les années 1970, la notion de race n’est discutée que marginalement. Elle n’est pas niée, contestée dans son évidence : les points de vue contraires sont extrêmement minoritaires. C’est pourtant la période la plus proche de la Seconde Guerre mondiale, qui avait illustré les dérives d’une idéologie de type « raciste ». En 1969 éclate l’ « affaire Jensen », du nom de ce célèbre professeur de l’éducation à l’université de Berkeley (USA), qui affirme que la différence moyenne enregistrée depuis longtemps entre les races, dans les performances aux tests de quotient intellectuel (QI), s’explique vraisemblablement par des facteurs génétiques. La polémique fait rage : ce sera l’une des dernières fois, avant longtemps, que le débat pourra, malgré sa violence, se tenir de façon équilibrée sur ce sujet.

2. A partir des années 1970 et jusqu’au tournant du siècle, on assiste à un mouvement de balancier inverse : c’est une phase de contestation et finalement de négation de l’existence même des races. A l’origine de ce mouvement se situe Richard Lewontin, un autre universitaire américain, pour qui le facteur génétique n’est pas pertinent pour différencier les individus, au prétexte que 85% des différences entre les individus s’observent au sein d’un même groupe ethnique, et donc seulement 15% entre groupes différents (dont 6% du fait du seul facteur racial). Cette analyse est contestable, et a d’ailleurs été contestée, car elle repose sur l’examen de différences entre les gènes sans tenir compte de leur combinatoire. En réalité si on tient compte non d’un gène déterminé, mais d’un ensemble de gènes, on peut attribuer un individu à son groupe racial sans connaître autre chose de lui. Et sur les mêmes bases scientifiques, il est également possible de mettre en valeur la faible différence génétique entre les hommes, cette fois en général, et les singes par exemple (1), sans pour autant en déduire une appartenance à la même espèce.
Toujours est-il qu’au début du XXIe siècle la notion de « race » a quasi totalement disparu du vocabulaire scientifique – au moins de langue francophone (les pays anglo-saxons, et notamment les Etats-Unis, continuant à se préoccuper de « Race studies » – le terme de « ethnicity » lui étant cependant parfois préféré, mais ceci concerne plutôt le champ des sciences sociales, non celui de la biologie).
Il convient ici de souligner le rôle particulièrement militant de l’UNESCO, qui depuis les années 1950 tentait de faire prévaloir à l’échelle internationale le concept d’unicité de la « race humaine », ce qui souligne l’influence particulière des OIG [Organisations intergouvernementales], surtout lorsqu’elles trouvent avec les ONG autant de « caisses de résonance » et autres « courroies de transmission », mais il s’agit d’un autre débat.

Cependant, parallèlement à ces évolutions sémantiques et pour tout dire idéologiques, la recherche scientifique a permis d’affirmer que les différences d’intelligence entre les individus d’une même race sont liées à des facteurs génétiques. Non pas exclusifs, mais en grande partie explicatifs. Tandis que la sociobiologie, cherchant à retracer l’origine biologique du comportement social, finissait par constituer l’ossature centrale de la vision commune des comportements tant animaux qu’humains.

3. Depuis l’entrée dans le nouveau millénaire, les choses changent, par la conjonction de deux facteurs principaux :
     - Les avancées continues de la connaissance scientifique permises par les progrès techniques et technologiques ;
    - La poursuite d’une certaine évolution idéologique, tendant à davantage de réalisme ainsi qu’à l’affirmation progressive du « droit à la différence » (entre les peuples comme entre les individus).

II. Et maintenant ?

La situation actuelle est donc paradoxale.
Sans être frontalement remis en cause, le discours officiel se fissure pour l’essentiel en raison des avancées d’une science décomplexée.
Les recherches génétiques ont été réhabilitées par la volonté d’approfondir notre connaissance du développement cérébral afin de rechercher les causes de certaines maladies, soit rares, soit au contraire courantes du fait du vieillissement accéléré des populations.
De nombreux projets de recherche se développent dans ce domaine, axés sur les éléments de variation qui permettraient, en étudiant les fondements des différences entre les individus, de déceler les causes de la maladie.

Ainsi s’affirme notamment une marque d’intérêt pour le traitement des populations non blanches. Les médicaments développés, par exemple, à destination des Noirs américains contre l’hypertension et les maladies cardiovasculaires en particulier attestent des avancées de cette médecine « racialement différenciée ».
Des voix commencent à s’élever dans le monde médical pour réclamer le retour à la reconnaissance académique des races, par principe de réalité et surtout, désormais, d’utilité médicale. C’est notamment le cas du généticien californien Neil Risch. Après le décodage du « Human genome », décodage d’un génome unique, l’heure est à l’étude des différences entre les génomes, ce que l’on appelle les SNPs (prononcer « snips »). On a déjà identifié plus de 2 millions de SNPs (des différences élémentaires au niveau de la séquence d’ADN). Ces variants jouent un rôle essentiel dans les pathologies et ils expliquent au moins en partie le fait que les maladies (ou l’effet des médicaments) puissent différer en fonction des groupes ethniques. On a ainsi découvert tout récemment qu’un variant du gène de la lipoprotéine lipase appelé S447X explique les différences de profil lipidique entre Blancs et Noirs et sans doute le fait que certains antihypertenseurs soient peu efficaces chez les Noirs américains. A ces différences dans les séquences génétiques s’ajoutent celles concernant l’expression des gènes car des gènes identiques peuvent s’exprimer différemment selon les moments et selon les individus. On vient en particulier d’observer une différence majeure et inattendue entre les Blancs et les Jaunes portant sur 25% des gènes !

Par ailleurs, les progrès dans l’imagerie médicale (IRM fonctionnelle) ont permis de relever, par l’étude du cerveau, la constance de réactions négatives des sujets blancs confrontés à des photos de Noirs, ce qui en fait des victimes au sein de sociétés multiraciales. Une autre étude psychosociologique a également relevé que le préjugé racial était lié à une absence d’évaluation, une mauvaise interprétation des situations.
Sans être dupes de l’orientation idéologique et sociale des conclusions de ce type de travaux, il n’en demeure pas moins qu’est aujourd’hui attesté, et admis, un substrat pour la reconnaissance des races dans le cerveau humain.

III. Oui, les races existent… et alors ?

Il est désormais possible de répondre par l’affirmative à notre interrogation première. Les différences entre les races, même euphémisées sous le vocable d’ « espèce humaines », ne relèvent pas d’une approche idéologique, philosophique ou encore culturelle, c’est-à-dire finalement morale, mais tout simplement scientifique : ces différences sont liées à la phylogenèse, c’est-à-dire à l’évolution des espèces au sein de milieux spécifiques, à la généalogie. Il est d’ailleurs piquant de souligner qu’il ait fallu attendre le résultat avéré de quelques décennies de recherches scientifiques approfondies, et souvent obscures, pour corroborer l’intuition de l’homme de la rue, opérateur d’une classification ordinaire… Cela rejoint la nécessaire remise en cause de l’ « expert » – mais c’est un autre sujet.

Un autre argument tient aux conséquences sociales de cette reconnaissance par l’homme de la rue : comme cela avait été là encore souligné précédemment, par Claude Lévi-Strauss notamment, les croisements inter-raciaux sont peu fréquents. Reproduit, souvent pour des raisons culturelles, voire cultuelles, de génération en génération, ce phénomène a naturellement tendu à accentuer la différenciation entre les races. Cependant, il convient de souligner que ce phénomène peut également s’inverser : si les croisements devaient devenir massifs, le capital génétique des différents groupes raciaux serait rapidement altéré.

Ce serait un tout autre choix de civilisation. Et, au-delà, un nouveau devenir à assumer pour les hommes. Il pourrait être utile de leur poser, simplement et le plus objectivement possible, la question. Leur laisser la définition de leur avenir, en toute connaissance de cause.

IV. En réponse aux questions

Cette intervention a donné lieu à de nombreuses questions et à un débat fourni.
L’intervenant a pu à cette occasion préciser son approche sur différents thèmes abordés, et surtout en soulever d’autres.
Il en ressort les principaux points suivants :

- Tous les animaux sont essentialistes. Les choses ont un ordre, il faut leur donner un ordre, respecter un ordre (sinon le monde serait incompréhensible, et donc invivable). La variété du monde réside dans celle des espèces. Du point de vue de l’éthologie, l’homme n’échappe pas à cette règle qui, pour le coup, est universelle. Nous savons depuis les Grecs que l’aspiration de l’homme, et finalement son destin, tiennent à la transformation du Chaos en Nomos.

- Les gènes sont des « clusters » (2) fonctionnant ensemble et produisant des effets au potentiel d’imprévisibilité toujours intact. Les maladies d’origine génétique sont liées à des combinaisons spécifiques de gènes ordinaires ; les maladies génétiques rares proviennent de la combinaison de gènes non ordinaires. La recherche, aujourd’hui médiatisée, sur ces maladies relève de la génétique complexe, dont les résultats vont sans doute ouvrir de nouvelles perspectives.

- Il n’y a pas d’échelle dans l’évolution. Il convient de s’affranchir d’une vision linéaire, reflet d’une approche d’essence biblique, donc théologale, qui voudrait que N-1 (dans le temps) soit inférieur à N. L’évolution est un bruissement : chaque groupe humain développe les facultés mentales exigées par son management de son environnement ; il doit être pertinent dans sa niche écologique. Ainsi, il n’est en rien nécessaire d’envoyer des fusées sur la lune ou de développer des raisonnements abstraits pour poursuivre et assumer son évolution anthropologique…

- De l’importance du phénomène de récursivité en génétique. Il existe une forme de parallélisme entre l’évolution des langues et des cultures, d’une part, et l’évolution génétique, d’autre part. Cette relative corrélation n’est en rien un lien de dépendance : il convient d’en revenir au processus sans être aveuglé par les effets. La différence entre les races est liée à la séparation progressive des humains et, partant, des groupes humains (importance du phénomène de « dérive génétique »). Ce qui est codé génétiquement, c’est un ensemble complexe de codes et de règles, mais non un système de pensée aussi abouti que le langage par exemple – et encore moins le système politique, par exemple !


© POLEMIA
Mars 2009

Pour aller plus loin :
- John R. BAKER, « Race » (en anglais), Oxford University Press, New York – Toronto, 1974.
- Alain de BENOIST, « Vu de droite », rubriques Biologiques, Ethologiques et Psychologiques (pp. 128-181), Le Labyrinthe, Paris, 2001.
- Hans J. EYSENCK, « L’inégalité de l’homme », Copernic, collection Factuelles, Paris, 1977.
- Jean-Pierre HEBERT, « Race et intelligence », Copernic, collection Factuelles, Paris, 1977.

Notes :

(1) Ce qui est exact : le génome humain n’est différent que de 1% avec celui du chimpanzé (tandis que la différence génétique entre deux individus est de l’ordre de 1 pour 1.000)…
(2) Des gènes appartenant à la même famille peuvent dans certains cas être groupés les uns derrière les autres au niveau d'une même région chromosomique, ils forment alors un « cluster ».

 

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