AIG a renfloué des banques européennes, évité leur faillite et provoqué sa propre liquidation

vendredi 20 mars 2009

L'assureur américain AIG devait verser cette année 450 millions de dollars de primes aux responsables de ses activités financières, ceux-là mêmes qui furent à l'origine de ses pertes historiques de 99,3 milliards de dollars l'an dernier, affirme dimanche 15 mars le Wall Street Journal, amplifiant les informations de plusieurs autres médias.
Ces bonus étaient destinés aux cadres de la filiale londonienne AIG Financial Products, qui ont provoqué la chute, puis la nationalisation de l'ancien numéro un mondial de l'assurance, en ayant souscrit des contrats protégeant les investisseurs contre le risque de non-remboursement d'investissements à risque.


1,2 milliard de rémunérations variables


Dans une première démarche, le secrétaire au Trésor Timothy Geithner a écrit au président d'AIG Edward Liddy, nommé par le gouvernement en septembre après la quasi-faillite du groupe, pour se plaindre de cette situation, ajoute le journal.
Edward Liddy, tout en reconnaissant que le versement de ces primes était « de mauvais goût et difficile à recommander », a souligné qu'il lui fallait aller de l'avant pour des raisons légales. L'intervention ministérielle a toutefois permis de réduire le montant des primes qui seront versées cette année.
Certains des bonus versés ne dépassent pas 1.000 dollars mais sept responsables d'AIG Financial Product devraient recevoir plus de 3 millions de dollars de primes, selon le New York Times.
Au total, en comptant les primes versées aux cadres des autres activités du groupe (en général, elles, rentables) au titre de 2008 et 2009, AIG devrait débourser cette année 1,2 milliard de dollars de rémunérations variables.
Les pouvoirs publics ont dû mobiliser plus de 170 milliards de dollars pour éviter une faillite du groupe, qui aurait pu avoir des répercussions en cascade sur l'ensemble de la finance mondiale.

Dans une deuxième démarche, sur l’insistance des autorités de l’Etat, le PDG d'AIG Edward Liddy a déclaré le 18 mars devant une commission du Congrès américain avoir demandé aux cadres dirigeants de la compagnie de rendre « au moins la moitié » des primes qu'ils ont perçues après le sauvetage de l'assureur par l'Etat. « J'ai demandé aux employés d'AIG Financial Products d'aller de l'avant et de faire la bonne démarche. J'ai demandé à ceux qui ont reçu des paiements de 100.000 dollars ou plus de rendre au moins la moitié de ces paiements », a-t-il déclaré devant les parlementaires.

Le reflouement de l’AIG, à l’aide de fonds publics, a permis de dédommager les banques européennes.

Plus de 90 milliards de dollars ont ainsi été versés entre septembre et décembre pour dénouer les positions souscrites par sa filiale financière auprès de banques telles que Société générale, Calyon (Crédit agricole), BNP Paribas, Goldman Sachs, Deutsche Bank et Barclays, entre autres.

Dans les détails, entre septembre et décembre, la Société générale a perçu 11,9 milliards et la Deutsche Bank, 11,8 milliards. D'ailleurs, dans un communiqué, la Société générale indique avoir «agi conformément à ses accords de contrepartie avec AIG». Parmi les autres grands bénéficiaires des fonds publics, on retrouve la britannique Barclays (7 milliards), la suisse UBS (5 milliards), BNP Paribas (4,9 milliards de dollars) et Calyon, la banque d'investissements du Crédit Agricole (2,3 milliards). Les banques d'affaires américaines Goldman Sachs et Merrill Lynch ne sont cependant pas en reste puisqu'elles ont reçu respectivement 12,9 milliards et 6,8 milliards de dollars.

Ainsi, si l'Etat fédéral américain n'était pas venu à la rescousse d'AIG, de nombreuses banques européennes auraient énormément perdu. AIG, qui a été sauvé de la faillite en septembre par l'Etat, a publié la liste de ses contreparties afin de «maintenir un haut niveau de transparence en ce qui concerne l'utilisation de fonds publics» et après consultation de la Réserve fédérale au sujet d'une telle annonce sur le secret des affaires.

Le scandale

Au final, face à une opinion publique qui comprend mal que les fonds versés à AIG par l’Etat aient principalement servi à dédommager d’autres banques, – y compris des banques étrangères comme la Sociéte générale ou la Deutsche Bank – et à verser d’énormes primes aux responsables de sa déconfiture, le dossier virant au scandale, le secrétaire américain au trésor Timothy Geithner se voit contraint de s’engager devant le Congrès à accélérer la liquidation d’AIG. Dans une lettre adressée à la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, publiée le 17 mars, il indiquait : « Nous allons travailler sur des mesures pour liquider AIG de manière ordonnée et pour protéger le contribuable américain, (…) et employer tous les moyens légaux pour bloquer ces primes. »

Ce matin même, les agences de presse donnent les dernières évolutions du dossier:

A Washington, la Chambre des représentants américaine a adopté jeudi 19 un projet de loi imposant à 90% les primes telles que celles octroyées, au grand dam de l'opinion publique, à des cadres de l'assureur AIG renfloué par l'Etat. Le texte a été approuvé par 328 voix contre 93.

A Paris, la Sociéte générale, qui a bénéficié d'un prêt de l'Etat de 1,7 milliard d'euros pour faire face à la crise, a annoncé sa décision d'attribuer 320.000 stock-options  (0,06% du sapital) à ses quatre principaux dirigeants, dont son président et son directeur général.

D'un côté de l'Atlantique, des parlementaires responsables, de l'autre, des banquiers cupides!

La peur du G20

Dans un domaine plus général, il est dit, aux Etats-Unis comme en Europe, que certains établissements seraient redevenus bénéficiaires dans leurs activités de marché, en janvier et février. Ces déclarations surprenantes de la part de grandes banques comme Citi-group, Bank of America ou, chez nous, comme BNP Paribas ou la Société générale, alors que la crise financière mondiale ne fait que s’aggraver, provoquent quelques questions auxquelles il est difficile de répondre. Pour certains experts : « les récentes annonces de retour aux bénéfices auraient valeur de message adressé aux marchés et aux Etats. Aux premiers, les banques voudraient montrer qu’elles n’envisagent pas de lever du capital, aux seconds qu’elles peuvent éviter la nationalisation. En montrant qu’il retrouve des couleurs, le secteur bancaire chercherait enfin à échapper à une régulation trop sévère des activités de marchés, lors du G20 du 2 avril. »

René Schleiter
Polémia
20/03/09
Sources : « Le Monde », « Le Figaro » et AFP

 

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