Immigration de peuplement : Polémia fait le point

samedi 14 mars 2009

Les politiques d’immigration font beaucoup de bruit : beaucoup de bruit pour… rien. Récemment publié, le rapport 2008 au Parlement sur l’immigration fait le point pour 2006 et 2007 et annonce les grandes tendances pour 2008. La situation est la suivante :

- 180.000 étrangers nouveaux obtiennent chaque année un titre de séjour ; ils viennent d’abord du Maghreb (et de Turquie), d’Afrique noire et de Chine ;

- « l’immigration nuptiale », qui a le plus de conséquences démographiques, se maintient à un niveau élevé : chaque année 40.000 jeunes femmes rejoignent en France leur mari (généralement un binational franco-maghrébin ou franco-africain) ; leur taux de fécondité est voisin de trois enfants par femme ; de 1994 à 2005 la « nuptialité mixte » a progressé de 731% pour le Maghreb et la Turquie, de 288% pour l’Afrique noire ; près d’un tiers des mariages unissent un Français (généralement binational) et un étranger.

- le nombre des demandeurs d’asile, qui s’était stabilisé de 2003 à 2007, a repris sa progression ; en 2008 il a concerné plus de 40.000 personnes, le pourcentage des femmes, en progression, s’approchant de 40% du total ;

- chaque année 180.000 personnes bénéficient de l’aide médicale d’Etat (AME) ; il s’agit de ceux des étrangers clandestins qui se font rembourser des soins médicaux ;

- le taux d’échec des reconduites de clandestins à la frontière dépasse toujours 80% ; résultat : chaque année 30.000 clandestins supplémentaires sont régularisés.

Voilà les faits, tous tirés de statistiques officielles, sur lesquels le dossier de Polémia fait le point

Polémia





Immigration nuptiale, demande d’asile, clandestinité : les flux d’immigration se poursuivent

Le rapport annuel 2008 au Parlement (1) sur l’immigration vient d’être rendu public. Officiellement « il confirme la maîtrise retrouvée par notre pays de ses flux migratoires (2) ». En réalité, l’immigration se poursuit à hauteur de près de 200.000 entrées par an. Alors que la vague maghrébine et turque se renforce, une vague africaine et chinoise se forme et se développe.

Explications :


2007 : 180.000 titres de séjour supplémentaires

En 2007, 180.736 titres de séjour ont été délivrés à des ressortissants de pays tiers et des nouveaux Etats membres de l’Union européenne. Les principaux blocs de pays concernés (3) sont le Maghreb et la Turquie (68.489), la Chine (12.060) et l’Afrique noire (12.286, pour seulement les trois principaux pays concernés : Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire).

Sur la période 2003/2007, l’accroissement le plus notable (4) de résidents étrangers sur le territoire français concerne les nationalités chinoise et camerounaise (plus de 30% d’augmentation) ; les populations sénégalaises et maliennes sont aussi en plein essor.


L’immigration nuptiale se poursuit à hauteur de 45.000 cas par an

Malgré les lois de 2003, 2006 et 2007 réprimant les fraudes au mariage pour éviter que cet acte d’état civil ne serve qu’à obtenir un droit au séjour ou à la nationalité, l’immigration nuptiale se poursuit.

Le rapport 2008 au Parlement rappelle que : « le mariage avec un Français » est devenu la première source d’immigration légale en France. Globalement le nombre de mariages de ressortissants français à l’étranger, la plupart du temps avec un ressortissant du pays où est célébré le mariage (environ 95% des cas), a pratiquement doublé au cours des douze dernières années, passant de 23.546 en 1995 à 47.869 en 2007 (5). En 2007, ces mariages ont été suivis de l’entrée en France de 38.654 « conjoints (6) de Français ».

Ce chiffre de 2007 est en léger recul par rapport à 2006 ; un recul manifestement provisoire puisque sur les 6 premiers mois de 2008 par rapport aux 6 premiers mois de 2007, le chiffre des entrées de « conjoints français » repart à la hausse de +25% (7). Sur la base des 6 premiers mois de l’année 2008, il faut donc s’attendre à 45.000 entrées de « conjoints français » sur l’ensemble de l’année. Or ceux-ci sont à « 85% de sexe féminin (8) » : ce sont généralement des hommes qui ramènent en France des femmes du pays d’origine de leurs parents. Le rapport officiel au Parlement pour 2007 (9) rapportait qu’en 2005 les zones géographiques les plus concernées par l’immigration nuptiale étaient :

- le Maghreb et la Turquie : pour 24.547 cas, en progression de 731% depuis 1994 ;
- l’Afrique noire : pour 2.718 cas (chiffre partiel ne portant que sur quatre pays : Cameroun, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal), en progression de 288% depuis 1994.

En clair, le phénomène majeur de l’immigration nuptiale est le suivant : ce sont des hommes de binationalité franco-étrangère qui vont chercher leur femme dans le pays d’origine de leurs parents et qui reviennent avec elle en France.


L’immigration nuptiale : une colonisation de peuplement ?

Ces données sont déterminantes. Elles signifient que, par cette seule voie d’immigration, près de 40.000 jeunes femmes, en âge d’être mères, arrivent chaque année en France en provenance principalement de pays musulmans et/ou africains. Et ce dans le contexte d’une stratégie matrimoniale qui conduit généralement les hommes qui les ont choisies à les maintenir à la maison ; alors même que pour ces femmes l’arrivée en France signifie une amélioration de leur niveau de vie absolu et relatif. Deux facteurs qui expliquent que leur taux de fécondité (près de trois enfants par femme) soit nettement plus élevé que celui des Françaises mais aussi de celui de leurs compatriotes restées dans leur pays d’origine (10).

L’immigration nuptiale est donc un élément majeur d’expansion des populations étrangères sur le territoire français : elle peut s’interpréter comme une forme de colonisation de peuplement.


Le mariage, moyen d’accès à la nationalité française pour le Maghreb et l’Afrique noire

Le désir d’acquérir la nationalité de l’autre conjoint concerne peu de couples formés entre Européens. Une Britannique mariée à un Français ou un Allemand marié à une Française éprouve rarement le besoin d’accéder à la nationalité française, en renonçant à la sienne. Ainsi parmi les dix nationalités les plus concernées par l’accès au statut de ressortissant français par le mariage, on ne trouve qu’un seul pays de l’Union européenne (le Portugal pour 1527 cas, en 2007) et un seul pays européen hors Union européenne (la Russie pour 540 cas, en 2007).

Et pourtant de 2003 à 2007, 141.498 (11) personnes ont accédé à la nationalité française par le mariage : 68.138, soit près de la moitié du total, sont issues de l’ensemble Maghreb/Turquie ; et 13.989 des quatre pays d’Afrique noire les plus concernés (Madagascar, Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire).


La reprise de l’immigration d’asile : 40.000 demandes par an

A côté de sollicitations qui peuvent paraître légitimes, la demande de droit d’asile est fréquemment utilisée comme moyen de séjourner provisoirement ou définitivement sur le territoire métropolitain. C’est pour tenter de dissuader ces abus que, depuis plus de vingt ans, les gouvernements se sont attachés à améliorer la qualité et la rapidité des procédures d’examen de la situation des demandeurs d’asile.

Toutefois le nombre des nouveaux demandeurs d’asile, qui était stabilisé, voire en régression, au cours des années 2004/2007, a repris sa progression en 2008 : « Sur les dix premiers mois de 2008, le nombre total de demandes reçues par l’OPFRA (Office de protection des réfugiés et apatrides) s’est élevé à 34.314, contre 29.800 sur la même période en 2007, soit une progression de 15,4% (…) S’agissant des pays d’origine la progression la plus forte concerne les Comores (x15) et le Mali (x5,6) ainsi que la Guinée (x1,27) et le Bangladesh (x1,15) (12). »

Le nombre total de décisions accordant le statut de réfugié est passé durant les mêmes périodes de 7.222 à 9.268, soit une progression de 28%.

Reste le cas des étrangers déboutés du droit d’asile qui, faute de mesure efficace de reconduite à la frontière, s’installent souvent dans la clandestinité : vraisemblablement à hauteur de 25.000 personnes au cours de 2008.

Un phénomène d’autant plus significatif, d’un point de vue démographique, que les demandes d’asile se féminisent ; le taux de féminisation passant de 29,6% en 2001 à 36,5% en 2007 : « une augmentation (qui) peut être mise en rapport avec l’attention croissante accordée par l’OFPRA aux problématiques relevant de la protection subsidiaire (excision, violences conjugales, prostitution) (13) ». Une « problématique » potentiellement lourde de conséquence puisqu’elle concerne des centaines de millions de femmes dans le tiers-monde !


Séjours clandestins : plus de 180.000 bénéficiaires de l’aide médicale d’Etat

Le rapport au Parlement observe de manière optimiste quoique prudente : « En tenant compte des précautions méthodiques d’usage, il est possible d’indiquer que le nombre de personnes en situation irrégulière en France a connu une légère diminution (14). »

Un chiffre vient à l’appui de cette affirmation : celui des demandeurs de l’aide médicale d’Etat (AME). Y sont inscrits, durant un an, les étrangers en situation irrégulière ayant obtenu de se faire rembourser des soins sans avoir droit ni à la Sécurité sociale, ni même à la Couverture médicale universelle (CMU). L’inscription à l’Aide médicale d’Etat est renouvelée chaque année. Le nombre des bénéficiaires a évolué ainsi (15) :

31 décembre 2000 : 74.919

30 juin 2001 : 102.282
30 juin 2002 : 165.480
30 juin 2005 : 170.184
30 juin 2007 : 190.819
30 juin 2008 : 186.253

En clair chaque année, il y a près de 200.000 étrangers en situation irrégulière qui font valoir une ou plusieurs demandes de remboursement de soins.


Autour de 30.000 régularisations annuelles

La maîtrise par l’Etat du nombre des étrangers résidant irrégulièrement en France reste d’ailleurs difficile. En effet, les décisions administratives et judiciaires ordonnant leur départ sont rarement appliquées. Ainsi au 1er semestre 2008, 83,03% des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) et d’obligations de quitter le territoire (OQRF) restaient inappliqués (16).

Certes, le rapport gouvernemental se félicite d’une légère amélioration de la situation, le taux de réussite de l’action de l’Etat progressant, entre 2007 et 2008, de 14,13% à… 16,97%. Une différence plus médiatique que significative.

Dans ces conditions, la régularisation des clandestins reste la pratique habituelle ; même si le nombre des régularisations apparaît en légère diminution en 2007 : 31.741 étrangers entrés irrégulièrement en France ont obtenu un titre de séjour en 2006 ; 27.511 en 2007 (17).


Les mesures Sarkozy n’ont rien changé à la réalité des flux migratoires

Au cours des années récentes de nombreuses dispositions ont été prises pour mieux réguler l’immigration : des lois nouvelles visant à limiter les fraudes à l’identité et au mariage ont été votées ; une Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a été mise en place et les consulats implantés dans les pays les plus sensibles délivrent désormais des visas biométriques.

Ces mesures ont suscité de vives protestations du lobby immigrationniste et… séduit la partie de l’opinion la plus attachée à l’identité nationale. De fait ces dispositifs ont eu une efficacité à la marge en rendant plus difficiles les détournements de la loi mais n’ont pas changé la nature de l’immigration : le séjour clandestin reste une voie commode pour l’immigration de travail et finit presque toujours par déboucher sur une régularisation ; et surtout l’immigration nuptiale et familiale se poursuit et devient une immigration de peuplement.


Rompre avec les tabous de l’idéologie dominante

A rebours de la politique suivie, le principe de précaution devrait conduire à éviter toute immigration supplémentaire tant que les immigrations précédentes ne sont pas pleinement intégrées. Mais pour cela il faudrait rompre avec les tabous de l’idéologie dominante.


Notes :
1.    Rapport adopté le 9 décembre 2008 par le Comité Interministériel de contrôle de l’immigration :
http://www.france-terre-asile.org/images/stories/pdf/orientations-politique_immigration_10_02_2009.pdf

2.    Op. cit. p. 13.
3.    Op. cit. p. 13.
4.    Op. cit. p. 48.
5.    Op. cit. p. 58.
6.    Op. cit. p. 56.
7.    Op. cit. p. 34.
8.    Op. cit. p. 56.
9.    Immigration : l’illusion de l’intégration :
http://www.polemia.com/article.php?id=1730
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/074000232/0000.pdf
10.    Selon Philippe Bourcier de Carbon :
http://www.polemia.com/article.php?id=1272
11.    Op. cit. p. 59.
12.    Op. cit. p. 18.
13.    Op. cit. p. 126.
14.    Op. cit. p. 97.
15.    Op. cit. p. 96.
16.    Op. cit. p. 95.
17.    Op. cit. p. 97.

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