EDITO Antilles : la « mémoire » de l'esclavage instrument d'exploitation des métropolitains et des immigrés

lundi 16 février 2009

Les mouvements de protestation aux Antilles ont des causes économiques et sociales mais aussi, et surtout, des causes raciales et idéologiques.

Le mouvement « Liyanna Kont Pwofitasyon » (LKP) est parti de Guadeloupe le 20 janvier 2009, jour de l’investiture d’Obama. La première rencontre des manifestants avec le secrétaire d’Etat à l’outre-mer, Yves Jégo, a été fixée au 4 février, jour où, en 1794, la Convention avait aboli l’esclavage ! Les agitateurs savent choisir leurs dates et utiliser les symboles.

Cent soixante ans après son abolition définitive en 1848, c’est encore la « mémoire » de l’esclavage qui sert de socle idéologique aux revendications antillaises. Le chef syndical guadeloupéen, Elie Dumata, surnommé Moïse, porte un tee shirt (1) ainsi libellé : « Sé neg ki libéré neg ».

Selon le discours dominant, la majorité noire serait exploitée par la minorité blanche des métropolitains et des békés qui contrôlent la grande distribution. Qu’il puisse y avoir dans une situation insulaire, donc de semi-monopole, des abus de position dominante de la part des pétroliers et des épiciers, c’est incontestable. Que cela rende pleinement compte de la situation économique et sociale des Antilles, assurément pas ! Et la mise en avant de « l’esclavage » comme facteur justificatif des revendications n’est pas intellectuellement recevable.


La « mémoire » de l’esclavage : une arnaque idéologique

Une première remarque chronologique s’impose. L’esclavage a été aboli aux Antilles françaises il y a 160 ans : six générations plus tard, l’idée qu’il puisse y avoir un peuple « bourreau » et un peuple « martyr » (2) n’est pas acceptable.

Elle n’est pas acceptable moralement puisqu’elle suppose une responsabilité collective, de surcroît transmissible de génération en génération.

Elle n’est pas acceptable historiquement, car si presque tous les peuples ont pratiqué l’esclavage (y compris les Africains qui en faisaient commerce), seuls les Européens l’ont aboli.

Elle n’est pas acceptable génétiquement : l’immense majorité des métropolitains, y compris ceux implantés aujourd’hui aux Antilles, n’ont jamais eu d’ancêtres maîtres ou négociants d’esclaves ; en revanche – et ce n’est pas le moindre des paradoxes – l’immense majorité des Antillais qui sont des métis ont souvent pour souche originelle l’union d’un maître blanc et d’une esclave noire. « Le Monde » (3) souligne à l’envi que le chef agitateur guadeloupéen Elie Damota est un « chabin » – affectueux terme créole pour désigner un Afro-Caribéen de carnation… claire. Elie Damota a donc, selon toutes probabilités, des ancêtres maîtres d’esclaves… ; ce qui n’est pas le cas de l’immense majorité des métropolitains qui subventionnent les Antilles avec leurs impôts.


Les Antilles : une économie de transferts en provenance de la métropole

L’Institution d’émission de l’outre-mer, l’IEDOM, équivalent local de la Banque de France, publie des bilans économiques pour chacun des DOM. Il apparaît clairement à travers leur analyse que ces départements vivent essentiellement des transferts financiers effectués depuis la métropole : traitement de fonctionnaires nationaux et locaux, retraites, allocations chômage, RMI.

L’exemple de la Guadeloupe (4) est à cet égard éclairant.

En 2007, sur une population de 450.622 habitants, il y avait 167.306 actifs dont 39.786 chômeurs ; il y avait aussi 32.052 allocataires du RMI.

En 2006, le PIB s’élevait à 7,750 milliards. La consommation finale (des ménages et des administrations), considérée comme « moteur de la croissance », en représentait près de 100%. Signe du transfert massif de biens venus de l’extérieur, les exportations ne représentent que 3,2% du PIB contre 30,9% pour les importations. Le déficit commercial s’élève à 28% du PIB. Et même en tenant compte des dépenses des touristes (tourisme affinitaire ou tourisme de loisir), le déficit commercial reste à la hauteur de 25%.

Le compte de l’Etat en Guadeloupe affiche, lui aussi, un déficit massif. En 2007, les recettes fiscales de l’Etat s’y élevaient à 594 millions d’euros et ses dépenses à 1.400 milliards dont 854 millions pour les charges de personnel. L’Union européenne apporte aussi sa contribution aux investissements réalisés en Guadeloupe.

L’Etat fait bénéficier les Antilles de nombreux allégements, sociaux et fiscaux : cotisations sociales allégées, abattement sur les impôts sur les revenus et les bénéfices des sociétés, taux de TVA exceptionnellement bas. La « vie chère » évoquée par les Antillais n’est donc pas la conséquence des impôts d’Etat. Elle s’explique, en revanche, en partie par la fiscalité des collectivités territoriales : communes, groupements de communes, départements et régions prélèvent en effet une taxe spéciale sur les produits pétroliers ainsi que l’octroi de mer : ce droit de douane, issu du régime colonial, est peu protecteur d’une production locale souvent inexistante, mais c’est une vraie source d’augmentation des prix. Ce prélèvement sur le consommateur est versé aux collectivités territoriales ; celles-ci le redistribuent localement sous forme de salaires et de prestations sociales selon des logiques souvent « clientélistes ». A titre d’exemple, en Guadeloupe, les charges de personnels des communes se sont élevées, en 2006, à 265 millions d’euros et les dépenses d’intervention sanitaire et sociale du département à 393 millions d’euros (en 2007).


La « mémoire » de l’esclavage, alibi commode de l’exploitation de l’immigration caribéenne ?

Alors que la situation économique et sociale de la Guadeloupe se caractérise par un pourcentage exceptionnellement fort de chômeurs et d’assistés, ce département français est pourtant de plus en plus concerné par l’immigration étrangère.

Selon les statistiques officielles, la Guadeloupe comptait, en 2004, 27.800 immigrés : venus pour moitié de Haïti et pour le reste de Saint-Domingue et de la Dominique. A ce chiffre il convient d’ajouter 3.680 demandeurs d’asile. Et selon l’IEDOM : « La population vivant en situation irrégulière était estimée entre 10.000 et 20.000 clandestins ». Cette situation peut s’expliquer de différentes manières.

D’abord, par l’attrait d’un département français pour les habitants des îles voisines indépendantes.

A cet égard le cas de Haïti est exemplaire : cette île, entrée dans l’histoire avec la révolte de Toussaint Louverture, est indépendante depuis plus de deux siècles. Mais à Haïti (5) le revenu par tête en 2007 est de 1.900 dollars (contre 17.721 euros en 2006 en Guadeloupe, soit dix fois plus !) ; l’espérance de vie est de 57 ans à Haïti (79 ans en Guadeloupe). Il est facile dans ces conditions de comprendre pourquoi beaucoup de Haïtiens se tournent vers le paradis antillais : cet « enfer colonial » où il y a un distributeur automatique de billets de banque pour… 1.534 habitants. Pour les mêmes raisons les Haïtiens se tournent aussi vers la Martinique et la Guyane.

Toutefois, l’arrivée en Guadeloupe de nombreux immigrés des pays voisins n’est pas due seulement au système sanitaire et social français. Elle s’explique aussi par la répugnance de certains Guadeloupéens, protégés par le filet de l’Etat providence, à accomplir certaines tâches matérielles. Pourtant réputé « progressiste », le voyagiste Jacques Maillot a déclaré de manière un peu abrupte : « Il y a quelque chose qu’il faut faire remarquer : on ne trouve pas de barman guadeloupéen parce que cela leur rappelle l’esclavage. Je n’ai jamais trouvé un Guadeloupéen compétent pour être directeur d’hôtel et, quand je proposais à certains de le devenir, ils ne voulaient pas » (6).
 
Il n’est d’ailleurs pas rare que certains Guyanais, Guadeloupéens ou Martiniquais que la « mémoire » de l’esclavage conduit à délaisser les métiers de service et les tâches manuelles, jugées dévalorisantes, recourent pour les effectuer, chez eux, dans leur jardin ou leur entreprise, à une main-d’œuvre étrangère souvent clandestine sinon… quasi servile !

De même, le contrôle par des familles blanches des grands réseaux de distribution n’explique pas la mise en place, d’abord en Guyane puis progressivement en Guadeloupe et en Martinique, de nombreux petits commerces de dépannage et de restaurants tenus par des… Chinois.


Vers un dénouement de la crise à un milliard d’euros ?

Nul ne sait encore comment se dénouera la crise dans les Antilles françaises. Mais il est probable qu’elle se terminera par de nouveaux transferts de fonds de la part des contribuables métropolitains. Alors même que le calme était loin d’être en voie d’être rétabli, le gouvernement avait déjà accepté, au 12 février 2009, tout ou partie de 132 revendications : mise en place généreuse et accélérée (dès 2009) du revenu de solidarité active (RSA), amélioration de l’allocation logement, aide à la restauration scolaire ; au passage en caisse, le « caddie » du gouvernement valait déjà au bas mot 190 millions d’euros, soit 2.000 euros par ménage.

Etendu à l’ensemble de l’outre-mer (Guyane, Martinique, Réunion, en particulier) c’est 1 milliard d’euros supplémentaires (et plus peut-être) qui pourrait peser sur le budget de l’Etat et grever un peu plus le déficit public.


« La Danseuse des Caraïbes » abuse de la culpabilité métropolitaine

Bien entendu, cette manne supplémentaire ne contribuera pas plus que les aides précédentes au développement autocentré des départements concernés. C’est simplement la poursuite d’une politique finement analysée, en 1998, par un haut fonctionnaire d’inspiration démocrate chrétienne. Dans « La Danseuse des Caraïbes aime trop son père » (7) Nicolas Delahaye écrivait : « Le conflit-séduction trouve son origine dans l’acte fondateur de la société antillaise : la colonisation. Elle a installé chacun des partenaires dans un rôle dont il ne parvient plus à sortir. L’un s’autoflagelle pour une défaite dont il n’est pas responsable mais qu’il revendique en victime. L’autre, par mauvaise conscience, cherche le pardon dans une attitude de laisser-faire qui irrite les frustrations (…) Les relations Antilles françaises/métropole sont typiques d’un rapport parent/enfant. Tous les aspects de la vie sociale et politique ramènent à cette analyse. »

Rien n’a changé depuis, ou plutôt si : de nouveaux transferts ont aggravé les effets pervers de l’Etat providence. Et l’idéologie de la culpabilisation, véritable fonds de commerce de la classe politique et syndicale antillaise et des associations noires en France, s’est encore renforcée. L’agitation des années 1960 et des années 1980 se faisait sur fond d’indépendance. L’agitation d’aujourd’hui s’adosse à un fond de repentance et de demande de « réparation ». C’est moins… risqué et plus… rentable.

Car dans la France multiculturelle et multiraciale du début du XXIe siècle, les Français blancs de souche européenne sont déclarés toujours plus coupables : coupables de la défaite de 1940 comme de l’Occupation et de la Collaboration qui l’ont suivie, coupables de la colonisation, coupables de l’esclavage. Coupables, coupables, coupables !

Et pour cela les Français blancs doivent payer tribut. Tribut moral et tribut financier. Jusqu’où ? Jusqu’à quand ? Jusqu’à ce qu’à leur tour ils se révoltent et brisent les grands tabous de l’idéologie dominante que leur impose la cléricature médiatique !


Polémia
16/02/09

Notes :
(1)    Selon Le Monde du 12 février
(2)    Idée dérivée du chaudron idéologique de la fin de la seconde guerre mondiale, qui a fondé la culpabilité allemande, qui s’est étendue ensuite à l’ensemble de l’Europe.
(3)    Op.cit.
(4)    http://www.iedom.fr/doc/RA2007_Guadeloupe.pdf; sauf mention contraire l’ensemble des chiffres cités dans cet article sont issus du rapport de l’IEDOM consacré à la Guadeloupe ; le même type d’analyse pourrait être valablement appliqué à la Martinique et à la Guyane.
(5)    http://www.statistiques-mondiales.com/haiti.htm
(6)    http://www.lepost.fr/article/2009/02/12/1421349_on-ne-trouve-pas-de-barman-guadeloupeen-parce-que-cela-leur-rappelle-l-esclavage_1_0_1.html
(7)    Triades éditions.

 

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