« Le couple Giscard-Chirac /Deux années de plomb qui amorcent le déclin : 1974–1976 »
Par Yves-Marie Laulan

jeudi 29 janvier 2009

La France s’est profondément transformée au cours des quarante dernières années : sa population a changé et les valeurs dominantes qui la gouvernaient ont été inversées.

Bien des réformes mises en œuvre par tous les gouvernements successifs ont puisé leur inspiration dans la matrice idéologique de Mai 68.

Il suffit d’ailleurs de relire les slogans des affiches ou des graffitis de 1968 pour constater qu’ils sont devenus programmes : « Il est interdit d’interdire », « Le respect se perd, n’allez pas le chercher ! », « Tout enseignant est enseigné, tout enseigné est enseignant », « Professeur, vous êtes aussi vieux que votre culture », « Oubliez tout ce que vous avez appris », « Mon corps m’appartient », « Avortement libre et gratuit », « Français/immigrés : même combat », « Nous sommes tous des juifs allemands ».

Il y a incontestablement là le germe des politiques familiales et démographiques, éducatives et migratoires, culturelles et sociétales poursuivies avec constance depuis quatre décennies.

Certes, l’effet de Mai 68 ne fut pas immédiat. La Chambre des députés élue en juin 1968 fut une « chambre introuvable », la plus conservatrice depuis la Chambre « bleu horizon » de 1919. Et de 1969 à 1974, les tentations « réformatrices » du premier ministre Jacques Chaban-Delmas furent freinées par le conservatisme tranquille du président Pompidou. Le livre posthume de ce dernier, « Le Nœud gordien », montre d’ailleurs son attachement aux valeurs traditionnelles.

L’un des nombreux mérites du nouveau livre d’Yves-Marie Laulan est de souligner le basculement politique qui va suivre l’élection de Valéry Giscard d’Estaing. Dans « Le couple Giscard-Chirac/ Deux années de plomb qui amorcent le déclin : 1974-1976 », l’essayiste montre que, élu sur « le changement », Valéry Giscard d’Estaing engage la rupture avec la société traditionnelle. Avec des gestes symboliques d’abord : lors de la cérémonie d’investiture, puis en visitant une prison et en recevant des immigrés maliens à l’Elysée. Et surtout avec des bouleversements législatifs.

Yves-Marie Laulan identifie ainsi les quatre principales mesures qu’il juge « adoptées à la légère au nom de la “modernité” et sans aucune vision de leurs funestes conséquences à long terme — car elles ont profondément et durablement provoqué le déclin de la France. (…) Toutes ont été prises entre 1974 et 1976, lorsque Valéry Giscard d’Estaing était président de la République et Jacques Chirac son premier ministre ». Il s’agit de :

– la loi Veil sur l’avortement, acquise avec les voix de gauche ;
– la loi Haby portant création du collège unique, « qui a dévasté durablement l’enseignement secondaire » ;
– du décret sur le regroupement familial, qui a permis l’entrée sur le territoire national de quelque deux millions de personnes, au moins quatre millions avec leurs descendants, provenant majoritairement du Maghreb et d’Afrique noire et de pays de tradition ou d’influence musulmane ;
– des dispositions élargissant les compétences du Conseil constitutionnel, « ce qui, du gardien de la Constitution qu’il était à l’origine, en a fait un instrument confiscatoire de la démocratie parlementaire et un obstacle permanent à toute réforme ».

Yves-Marie Laulan a raison d’insister sur ce « déni de démocratie parlementaire ». En effet, sous couvert d’interpréter la constitutionnalité des lois au regard des grands principes, le Conseil constitutionnel s’est érigé en gouvernement des juges imposant au législateur la tyrannie du politiquement correct. Et concrètement le Conseil constitutionnel n’a cessé de s’opposer plus ou moins ouvertement à toute politique visant à maîtriser les flux migratoires.

Le verdict d’Yves-Marie Laulan est sans appel. Le voici :

  • la loi Veil et la dégradation de la politique familiale qui l’a accompagnée ont privé la France de huit millions de naissances qui ne sont jamais venues au monde. Le regroupement familial, avec l’immigration légale, les a remplacées par environ huit millions d’immigrés dont l’intégration dans la société française reste largement problématique ;
  • la loi Haby a brisé le moule scolaire qui avait, dans le passé, joué un rôle capital pour l’intégration de communautés étrangères ;
  • et la loi sur le droit de saisine du Conseil constitutionnel a créé une institution à caractère pseudo-politique qui censure systématiquement tout projet de réforme non conforme à l’idéologie dominante.

Et l’auteur de conclure : « Il était difficile de faire pire en aussi peu de temps. »

Fermez le ban !

Mais non le livre, qui rassemble énormément d’informations factuelles sur l’ensemble de la période 1974/2009 : tant sur l’évolution des textes législatifs (y compris les lois Hortefeux et Sarkozy) que sur les données statitisques (nombre de naissances, d’avortements, entrées d’immigrés, etc.).

En ce sens « Le couple Giscard-Chirac / Deux années de plomb qui amorcent le déclin : 1974–1976 », estbeaucoup plus qu’un ouvrage polémique, c’est un outil de travail. Et un livre de référence particulièrement utile.

Guillaume Bénec’h
Polémia
28/01/09

Yves-Marie Laulan « Le couple Giscard-Chirac / Deux années de plomb qui amorcent le déclin : 1974–1976 », Editions François-Xavier Guibert, 2009.

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