Mon expulsion d'Israël

vendredi 9 janvier 2009

Le 14 Décembre, je suis arrivé à l'aéroport Ben Gourion à Tel Aviv, en Israël pour m’acquitter de mon rôle auprès de l'ONU en tant que rapporteur spécial sur les territoires palestiniens.
J'étais à la tête d'une mission qui avait l'intention de visiter la Cisjordanie et Gaza pour préparer un rapport sur le respect par Israël des standards des droits de l'homme et du droit international humanitaire.

De nombreuses réunions avaient été programmées au cours des six jours, commençant avec Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité Palestinienne, le lendemain.

Je savais qu'il pourrait y avoir des problèmes à l'aéroport. Israël s’était fermement opposé à ma nomination quelques mois plus tôt et son Ministère des Affaires Etrangères avait publié une déclaration selon laquelle il interdirait mon entrée si je venais en Israël en ma qualité de représentant de l'ONU.

En même temps, je n'aurais pas fait le long voyage depuis la Californie, où je vis, si je n'avais pas été raisonnablement optimiste quant à mes chances d'y entrer. Israël avait été informé que je conduirais la mission et avait reçu une copie de mon itinéraire, et il avait délivré des visas aux deux personnes qui m’accompagnaient : un membre du personnel de sécurité et une assistante, qui travaillent tous les deux au bureau du Haut-Commissaire des droits de l'homme à Genève.

Pour éviter un incident à l'aéroport, Israël aurait pu soit refuser d'accorder des visas ou informer l'ONU que je ne serais pas autorisé à entrer, mais aucune de ces mesures n’a été prise. Il semble qu’Israël voulait me donner une leçon, et de façon plus significative, à l'ONU : il n'y aura pas de coopération avec ceux qui critiquent vivement la politique d'occupation d’Israël.

Après avoir été refusé d’entrer, j'ai été mis dans une salle d’attente avec environ 20 autres personnes qui faisaient l’expérience de problèmes d'entrée. À ce moment-là, j'ai été traité non pas comme un représentant de l'ONU, mais comme une sorte de menace pour la sécurité, soumis à une fouille corporelle et à une inspection des bagages la plus minutieuse que j'aie jamais vue.

J'ai été séparé de mes deux compagnons de l'ONU qui ont été autorisés à entrer en Israël et j’ai été emmené au centre de détention de l'aéroport situé à 1 kilomètre. On m’a demandé de mettre tous mes sacs et mon téléphone portable dans une pièce et j’ai été emmené dans une pièce minuscule fermée à clé qui sentait l'urine et la saleté. Elle contenait cinq autres détenus et était une mauvaise invitation à la claustrophobie.
J'ai passé les 15 heures suivantes ainsi confiné, ce qui équivaut à un cours intensif sur les misères de la vie carcérale, y compris les draps sales, les aliments non comestibles et les lumières trop vives ou l’obscurité qui étaient contrôlées par un garde du bureau.

Bien sûr, ma déception et mon dur confinement étaient des choses insignifiantes, et par elles-mêmes pas dignes d’y prêter attention, étant donné le genre de graves difficultés que des millions de gens dans le monde subissent chaque jour. Leur importance est largement symbolique. Je suis une personne qui n'avait rien fait de mal sauf exprimer une forte désapprobation des politiques d'un État souverain. Plus important encore, l'intention évidente était de m’humilier en tant que représentant de l'ONU et ainsi d'envoyer un message de mépris aux Nations Unies.

Israël m’a depuis le début accusé de parti pris et de faire des accusations inflammatoires au sujet de l'occupation des territoires palestiniens. Je nie être partial, mais plutôt j’insiste sur le fait que j'ai essayé d'être honnête dans l'évaluation des faits et des lois appropriées. C’est la nature de l'occupation qui donne lieu à de vives critiques de l'approche d'Israël, en particulier de son blocus sévère de la bande de Gaza, entraînant la punition collective de 1,5 million d'habitants. En attaquant l'observateur plutôt que ce qui est observé, Israël joue un habile jeu de l'esprit. Il éloigne l'attention de la réalité de l'occupation, en pratiquant en fait une politique de distraction.

Le blocus de la bande de Gaza n'a pas de fonction valable pour les Israéliens. Il est censé être imposé en représailles de quelques roquettes du Hamas et du Jihad islamique tirées de l’autre côté de la frontière sur la ville israélienne de Sderot. L'illicéité de ces tirs de roquettes est incontestable, mais cela ne justifie nullement des représailles israéliennes aveugles contre l'ensemble de la population civile de Gaza.

Le but de mes rapports est de documenter pour le compte de l'ONU l'urgence de la situation à Gaza et ailleurs en Palestine occupée. Ce travail est particulièrement important maintenant puisqu’il y a des signes d'une nouvelle escalade de la violence et même d’une menace de réoccupation par Israël.

Avant qu'une telle catastrophe se produise, il est important de rendre la situation aussi transparente que possible, et c'est ce que j'avais espéré faire dans l'accomplissement de ma mission. Bien que mon entrée ait été refusée, je continuerai à utiliser tous les moyens disponibles afin de documenter les réalités de l'occupation israélienne aussi honnêtement que possible.

Richard Falk
Professeur de droit international à l'Université de Princeton et rapporteur spécial sur les territoires palestiniens de l'ONU
USA - 19-12-2008
Source :  http://www.guardian.co.uk/c

 Traduction : MG pour ISM
 http://www.ism-suisse.org

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