Repentance : la nouvelle classe contre le peuple Les Flagellants

samedi 22 décembre 2007
Le président Sarkozy a déclaré à Alger que le système colonial était « profondément injuste et contraire aux trois mots fondateurs de notre République » (« Les Echos » du 04/12/08). Le propos, destiné, semble-t-il, à complaire aux Algériens et à répondre à certaines allégations, n’est pas que de circonstance.

Les Flagellants étaient une secte millénariste dont les membres se flagellaient ostensiblement en rémission de leurs péchés et pour hâter la fin des temps. Mais, même s’ils se veulent les prophètes d’une ère nouvelle, nos modernes Flagellants ne se flagellent pas : ils frappent avant tout les autres. Du haut de leur citadelle surprotégée ils s’arrogent le droit de condamner, avec force formules sans appel, notre passé, notre histoire, c'est-à-dire notre identité et notre fierté. J.Chirac, en rupture avec la tradition gaullienne et mitterrandienne, avait décidé de reconnaître la culpabilité de la France dans les persécutions antisémites durant la seconde guerre mondiale. Pour ne pas être en reste, N. Sarkozy a décidé de condamner sans appel la colonisation française en Algérie, ce que n’avait pourtant jamais fait publiquement le général De Gaulle.

On n’insistera pas sur les incongruités de la formulation présidentielle qui semble ignorer que la colonisation a aussi, sinon surtout, été conduite par des républicains qui souhaitaient apporter les Lumières de la civilisation aux peuples de l’Afrique et de l’Extrême-Orient, souvent en opposition avec la droite qui préférait le développement de la Corrèze à celui du Zambèze, ni sur le caractère partial d’un acte d’accusation uniquement dressé à charge. Mais on s’arrêtera sur la signification idéologique et sociologique de cette déclaration.

Elle traduit, en effet, l’arrogance de la nouvelle classe qui se coupe chaque jour un peu plus de sa base populaire.

On pourrait se demander quelle disposition constitutionnelle confie au président le droit de juger souverainement de la valeur du passé de la nation. Avec la loi Gayssot, on a instauré une sanction judiciaire à la vérité historique ; avec J. Chirac puis N. Sarkozy, elle devient visiblement aussi une nouvelle prérogative présidentielle sur laquelle les Français n’ont jamais été appelés à se prononcer. Cette propension à condamner l’histoire des Français et donc à condamner les Français au travers de leur histoire est justement la marque idéologique de la nouvelle classe dominante.

La nouvelle classe croit incarner par principe la vertu puisqu’elle sacrifie au culte des droits de l’homme et au cosmopolitisme. Par construction toute l’histoire des nations est donc à ses yeux un tissu d’horreurs sans fond, « d’exclusion » ou de non « respect » des « autres ». Elle prétend aussi incarner la raison puisqu’elle a fait du marché la fin ultime de la société : tout ce qui n’est pas négoce et commerce lui est donc incompréhensible.

La relecture critique du passé national est ainsi au service de la promotion des anti-valeurs dominantes : pas de fierté nationale ni, ici, d’œuvre accomplie en Algérie. Cosmopolite, la classe dominante a les nations en horreur et tout particulièrement la nation française. La précédente épouse du président Sarkozy disait sa fierté de ne pas posséder une goutte de sang français.

Le propos présidentiel n’a rien d’original et il s’inscrit en réalité dans une longue continuité de flagellation de la nation par la nouvelle classe : les Français ne sont-ils pas coupables pour Vichy, pour l’esclavage, pour le colonialisme, pour leur psychose sécuritaire, pour leur xénophobie obtuse et leur refus de voir dans l’immigration et la mondialisation une « chance pour la France » ou pour leur volonté puérile de défendre leur langue face à l’anglais ? Bref, ne sont-ils pas coupables d’être français et non « divers » ?

Tout ce discours traduit le profond mépris dans lequel la nouvelle classe tient le peuple français. Elle se sent d’ailleurs plus d’affinités avec ses pareils de par le monde qu’avec son propre peuple. Elle est plus à l’aise à New York, à Shanghaï (prononcez Shanraï, bien sûr…) ou à Rio qu’à Paris, à Reims ou à Villiers-le-Bel.

Accessoirement cette condamnation du passé national est profondément lâche et antidémocratique car elle ne résulte d’aucun réel débat national. Elle est seulement imposée d’en haut. Et pour cause : la nouvelle classe s’est dotée d’un arsenal répressif très efficace pour empêcher tout libre débat. Qui veut aujourd’hui défendre le bilan de la colonisation européenne ou émettre des doutes publics sur les bienfaits de l’immigration de peuplement court le risque de la diabolisation voire de poursuites judiciaires.

Ce révisionnisme qui consiste à projeter sur notre passé l’idéologie dominante et à juger nos ancêtres à cette aulne est évidemment ridicule de prétention. Confortablement installée aux affaires, la nouvelle classe des « moralistes » historiques décerne les récompenses et, plus souvent encore, les punitions collectives. Comme ces antifascistes ou ces anticommunistes mondains qui pourfendent avec d’autant plus de vigueur médiatique au XXIe siècle la « bête immonde » qu’ils ne se sont jamais confrontés aux vrais fascistes et aux vrais communistes. La nouvelle classe s’arroge ainsi à bon compte le rôle du procureur et du juge. Elle va chercher ainsi dans le passé lointain la légitimité qui lui fait défaut aujourd’hui.

Nos ancêtres agissaient donc en contradiction avec l’idéologie des droits de l’homme ? Quelle horreur ! Pourtant leur monde se compare plutôt favorablement à celui qu’en ont fait nos nouveaux maîtres.

On juge l’arbre à ses fruits, dit un dicton français (on pardonnera cette référence désuète). Ceux de la nouvelle classe sont particulièrement amers : destruction programmée des identités, réduction de l’existence à la seule perspective marchande, progression des inégalités de la pauvreté, de l’insécurité et de la violence, effondrement de la natalité européenne, réduction permanente des libertés…

Il serait temps que les peuples administrent la fessée aux Flagellants !

Michel Geoffroy
© Polémia
20/12/07
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