Hommage à un éveilleur de peuple : Karel Dillen

vendredi 18 mai 2007
Les élections législatives en Belgique se dérouleront, comme en France, le 10 juin prochain. L’un des enjeux forts de ces élections viendra de la Flandre. Le score qu’y fera le Vlaams Belang, mouvement identitaire flamand, qui avait rassemblé 18% des suffrages aux précédentes élections, sera suivi de près.
Il nous a paru intéressant de faire connaître aux lecteurs de Polémia l’article d’hommage au fondateur de ce mouvement, Karel Dillen, que vient de publier le bimensuel « Monde et Vie », sous la signature de l’ancien député européen Jean-Yves Le Gallou.
Polémia

Hommage à un éveilleur de peuple : Karel Dillen

Le 5 mai 2007, à 11 heures, sur la Place du Marché-aux-gants d’Anvers, des centaines de drapeaux jaune et noir, frappés du Lion des Flandres, claquent au vent du nord ; des milliers d’hommes et de femmes se pressent pour emplir, au milieu des Rubens, la nef et le transept de la cathédrale, l’une des plus grandes d’Europe. L’heure de rendre un dernier hommage à l’ancien président du mouvement flamand est venue. A 81 ans, Karel Dillen a rejoint sur l’autre rivage la lumineuse cohorte des éveilleurs de peuple.

En cinquante ans de vie publique, Karel Dillen a eu un parcours exemplaire au service de l’identité de son peuple.

Militant dans des associations culturelles et communautaires, il participe dans le courant des années 1950 à la création du mouvement autonomiste Volksunie. Il s’en séparera lorsque – comme pour beaucoup de mouvements comparables –ses dirigeants crurent habile de se rallier à l’idéologie dominante, universaliste et mondialiste pour tenter de faire mieux avancer leur cause régionale.

Mais, pour Karel Dillen, le souverainisme institutionnel et linguistique perdait son sens si la substance du peuple n’était pas protégée d’une immigration incontrôlée. Adepte d’une conception charnelle de la patrie, pour lui, il ne suffisait pas d’être résident en Flandre pour être flamand : être flamand, c’est d’abord être européen de langue néerlandaise et de culture flamande. A rebours d’un nationalisme étriqué, il a d’ailleurs inscrit son action dans une perspective européenne.

C’est ce combat identitaire qu’il mena et qu’il dirigea au Vlaams Blok, partant de presque rien pour porter ce mouvement à 2%, puis 10%, puis 12 à 15%, malgré les embûches innombrables d’un système politique retors.

Au Parlement européen où il siégeait quand je l’ai rencontré en 1994, il était un exemple de sérieux, d’austérité et de rigueur : présent à tous les votes, participant au maximum de débats, il estimait devoir cela à ses électeurs.

Avec ses collègues français du Groupe technique des droites européennes, plus turbulents, il faisait preuve de patience et de tolérance, qualités qu’il accompagnait de son humour pince-sans-rire.

En 1996, à 70 ans, il était en pleine possession de son métier et de son art. Son parti progressait à chaque élection et nul ne le contestait. Homme prudent, il avait placé sur un compte d’épargne l’équivalent de trois ans de subventions publiques pour assurer l’indépendance de son mouvement en cas de coup dur. Président fondateur, président à vie du Vlaams Blok, il aurait pu le rester : il a choisi d’organiser tranquillement sa succession et de passer le flambeau à son jeune collègue Frank Vanhecke.

Onze ans plus tard, celui-ci est toujours à la tête du parti et la même équipe, renforcée d’éléments nouveaux, l’entoure.

Malgré les divisions inévitables dans une formation politique, malgré la difficulté de certains choix stratégiques, malgré les lois liberticides qui ont conduit le Vlaams Blok à changer de nom pour devenir le Vlaams Belang, le mouvement flamand a su rester fort et uni, comme l’a voulu son ancien président et comme l’illustre un Rubens du Musée des beaux-arts d’Anvers : Minerve a su terrasser la discorde !

Aujourd’hui le Vlaams Belang est un parti puissant : il est présent dans toutes les assemblées législatives de Belgique et au Parlement européen ; il est implanté sur tout le territoire à travers un maillage de 87 conseillers provinciaux et 800 conseillers municipaux (plus que le Front national pour la France entière) ; avec 33,5% des suffrages exprimés (38% sans les « nouveaux Belges ») il est, sous la direction locale de Filip Dewinter, la grande force politique d’Anvers, l’un des premiers ports du monde.

Et c’est avec vigueur et sans amodiations que le Vlaams Belang aborde les prochaines élections législatives du 10 juin prochain où il sera, pour la première fois, concurrencé sur son terrain par des dissidents de la droite classique. « La force flamande » y fera campagne sur ses fondamentaux, les trois « V » : Vlaanderen (les Flandres), Veiligheid (la sécurité), Vreemdelingen (les étrangers).

Le vieux Lion de Flandres, Karel Dillen, peut être fier de son œuvre : il en a assuré la pérennité.

Jean-Yves Le Gallou
Ancien député français au Parlement européen
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