L’immigration par escroquerie sentimentale

lundi 2 avril 2007

Audition d’une responsable associative d’aide aux victimes de l’immigration par escroquerie sentimentale, l’intervenante traitera des aspects méconnus des phénomènes migratoires.

L’expert qui intervient est la présidente fondatrice de l’association « Non aux mariages et paternités de papiers ». Créée en juillet 2004 à Antibes (Alpes-maritimes), elle s’est donné pour mission de venir en aide aux femmes et aux hommes, de toutes origines, victimes de « mariages gris » contractés dans le but exclusif d’obtenir un titre de séjour et la naturalisation française pour le conjoint étranger. L’association intervient également au service des mères françaises ayant donné naissance à un enfant né en France de père étranger (clandestin, en situation irrégulière) et ayant réalisé, après la naissance de l’enfant, que ce dernier n’avait été conçu que dans le but de régulariser la situation administrative du père et éviter l’expulsion.

Ces mariages frauduleux, par « escroquerie sentimentale », se distinguent des mariages blancs où les deux parties sont complices mais qui ne constituent que la partie émergée des fraudes au séjour des étrangers permises par le laxisme de la législation française.

Les effets pervers de la loi RESEDA

C’est la loi RESEDA (Relative aux étrangers et séjour des étrangers et des demandeurs d’asile), promulguée en 1998 par le gouvernement Jospin, qui a été à l’origine de l’explosion des mariages mixtes (deux conjoints de nationalité différente). La naturalisation française était servie sur un plateau au bout d’un an de mariage, par simple déclaration. Le nombre de mariages mixtes est, en effet, étroitement corrélé aux lois en vigueur. Si les mariages mixtes sincères existent, les mariages frauduleux ont largement profité du laxisme de cette loi. En 1997, juste avant la promulgation de la loi RESEDA, le nombre de conjoints de Français était de 14.303 ; en 2004, il est passé à 50.270. Sachant que le nombre de mariages mixtes célébrés à l’étranger est de 45.000, le total est donc d’environ 95.000 par an. Ce qui signifie qu’un mariage sur trois était mixte en 2004 et qu’il est permis de douter dans de nombreux cas de sa sincérité : seul un mariage mixte sur dix était suivi d’une maternité…

La deuxième filière générée par la loi RESEDA à la fin des années quatre-vingt dix est celle des paternités « pour les papiers ». Un étranger qui reconnaissait un enfant né en France avant l’âge de un an, qu’il en soit ou non le père biologique, qu’il soit clandestin ou non, obtenait une carte de séjour « Vie privée et familiale », et il n’était même pas obligatoire pour le père de subvenir aux besoins de l’enfant ! Le nombre de cartes de séjour délivrées au titre de parents d’enfants français est ainsi passé de 4.445 en 2000 à 10.358 en 2004. Le gouvernement Jospin avait ainsi ouvert une autoroute au dévoiement de la disposition de loi concernant la paternité d’étrangers en France. De plus, la ministre déléguée à la famille et à l’enfance du gouvernement Jospin, Ségolène Royal, est à l’origine de la loi sur l’autorité parentale du 4 mars 2002, qui stipule que le parent étranger obtient l’autorité parentale s’il reconnaît un enfant né en France avant l’âge de un an – même s’il est entré sur le territoire en infraction avec la loi sur l’entrée et le séjour des étrangers en France.

Les mariages « gris » ou les escroqueries sentimentales

On connaît bien la notion de mariages « blancs », célébrés entre deux conjoints qui se sont mis d’accord sur le principe du versement d’une somme d’argent contre l’obtention du titre de séjour.

Le mariage « gris » caractérise une fraude sentimentale, un détournement de loi qui se situe entre le mariage « blanc » et le « vrai » mariage. Le conjoint étranger joue le jeu de la séduction et se marie juste le temps d’obtenir les papiers. Loin d’être complice, le conjoint français est de bonne foi, persuadé de faire le mariage de sa vie. Le mariage ne dure pas au-delà du temps nécessaire pour obtenir titre de séjour, naturalisation, voire quelques avantages financiers. C’est le cas le plus répandu et, paradoxalement, le plus méconnu des mariages frauduleux contractés en France et dans les pays sources d’émigration.

Les mariages « gris » constituent la quasi-totalité des témoignages reçus à l’association, qui connaît donc très bien le phénomène. Deux grandes caractéristiques se dégagent :

  1. Il y a presque autant d’hommes que de femmes victimes de fraude sentimentale au mariage ;
  2. La moitié des témoignages proviennent de Français issus de l’immigration qui se marient avec un conjoint de la même origine ethnique, culturelle et religieuse, dans le pays d’origine, généralement pendant les vacances.

Paternités « blanches » et paternités « grises »

Selon la même terminologie usitée pour les mariages, les reconnaissances frauduleuses de paternité en échange d’une rémunération sont appelées paternités « blanches ». Les mères clandestines viennent accoucher sur le territoire français, y compris dans un département ou un territoire d’outre-mer, et cherchent immédiatement à « acheter » un père pour leur enfant. La reconnaissance de paternité par un Français a un impact immédiat sur la situation juridique de la mère et de l’enfant. L’enfant acquiert la nationalité française et, de ce fait, protège la mère contre toute mesure d’éloignement. Le père « pour les papiers » est rémunéré en conséquence et n’a nullement l’intention d’élever un enfant qui n’est pas le sien.

Les paternités « blanches » explosent littéralement dans les départements et territoires d’outre-mer. A Mayotte, les reconnaissances de paternité sont passées de 882 en 2001 à 5.423 en 2005, c’est-à-dire qu’elles ont été multipliées par 6,5. 80 % des accouchements à la maternité de Mamoudzou sont le fait de femmes étrangères en situation irrégulière. Ce phénomène est particulièrement grave pour cette petite île, d’une superficie de 375 kilomètres carrés et peuplée de 160.000 habitants, dont près de 60.000 clandestins…

Les paternités « grises » se fondent sur le même ressort que les mariages gris. Certains étrangers, clandestins ou irréguliers, conçoivent des enfants, les reconnaissent dans le seul but de régulariser leur situation personnelle et les abandonnent par la suite. La mère de l’enfant est de nationalité française, l’enfant est donc français et la qualité de parent d’un enfant français procure les avantages qui y sont liés. La conception de l’enfant se fait entre adultes consentants mais le viol est psychique. En effet, cette fraude à la régularisation est particulièrement redoutable : quelle femme enceinte peut croire un instant que l’enfant qu’elle porte se réduira à un simple objet, pourvoyeur de carte de résident et de naturalisation ?

Polygamie transnationale

En 2005, la polygamie ne se limite plus aux familles d’immigrants venus des pays d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne ; elle devient insidieusement une réalité pour les femmes de notre pays. La polygamie existe non seulement dans le cadre de mariages célébrés dans les pays où cette pratique est légale, mais elle peut se produire en France grâce à la production de faux documents, fausses identités, fausses attestations de célibat.

La méconnaissance des règles du mariage religieux, la tromperie organisée par le clan familial, le décalage culturel et juridique, tout converge pour que les femmes occidentales, trop souvent crédules et angéliques, se retrouvent piégées dans des mariages d’intérêts administratifs dont le but inavoué est de faire venir par la suite la première femme (et les enfants) du mari polygame.

Que faire pour mettre un frein aux détournements de loi ?

Tout d’abord, il faut informer nos concitoyens sur la recrudescence des mariages et des paternités « pour les papiers ». L’immigration est un sujet tabou en France depuis des décennies et les mariages mixtes constituent le tabou des tabous. A ce jour, aucun homme politique, aucun membre du gouvernement ne s’est risqué à nommer et à caractériser le mariage « gris ». Reconnaître officiellement que certains étrangers peuvent abuser et instrumentaliser un conjoint français dans le but exclusif de régulariser une situation administrative reviendrait à avouer publiquement que la propagande insidieuse en faveur du mariage mixte dont nos concitoyens sont quotidiennement abreuvés sur fond de promotion du multiculturalisme et « l’ouverture aux autres » est en fait un cache-misère.

Une timide prise de conscience des abus semble avoir inspiré la première loi sur l’immigration du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. C’est la loi MISEFEN (Maîtrise de l’immigration, du séjour des étrangers en France et de la naturalisation), promulguée en novembre 2003. Le délai de naturalisation est passé à deux ans de vie commune. Mais les décrets d’application de cette loi ne sont partiellement sortis que deux ans et demi après la promulgation, c’est-à-dire à partir de mars 2006 ; la situation précédente a donc perduré jusqu’alors et il n’est pas encore possible de mesurer les effets de ce « durcissement » très relatif.

La deuxième loi Sarkozy, dite de l’immigration et de l’intégration, a été promulguée le 26 juillet 2006. Elle porte l’obtention de la carte de résident à trois ans de vie commune et la naturalisation à quatre ans de vie commune. En cas de divorce ou de rupture de la vie commune avant ces délais, le conjoint étranger ne pourra obtenir le titre de séjour – sauf si un enfant est né de l’union…

Les failles de cette nouvelle loi sont criantes :

  1. Elle n’a en rien simplifié la procédure d’annulation du mariage. Pour une victime de mariage frauduleux, c’est le parcours du combattant pour obtenir l’annulation du mariage. La très grande majorité des avocats préfèrent d’ailleurs plaider un divorce plutôt que l’annulation du mariage, qui est une procédure longue, coûteuse et complexe. Mais les conséquences ne sont pas les mêmes pour le conjoint français, qui se voit privé de la reconnaissance officielle de la non-validité du mariage ;
  2. L’instrumentalisation des enfants nés en France d’un parent étranger devient l’ultime filière permettant une régularisation quasi automatique ; les associations d’extrême gauche, et avec elles la gauche tout entière, comme l’a laissé supposer récemment Ségolène Royal, militant pour que la seule scolarisation ouvre droit à régularisation ; dans les deux cas, ce sont les enfants qui sont pris en otages par les fraudeurs.

Il faudrait à tout le moins renforcer les contrôles administratifs quant à la sincérité du rôle parental ; par exemple : versement régulier d’une pension alimentaire, sincérité de son rôle éducatif. Face à une demande de carte de séjour « Vie privée et familiale », il faudrait s’assurer que les liens sont véritablement durables, stables et intenses, pendant une durée de cinq ans par exemple ; sinon, on favorise la recrudescence de pères à durée déterminée, en l’espèce juste le temps de garantir leur régularisation.

Même en cas de violation manifeste de la législation française, les expulsions sont rarissimes et les délinquants bien conseillés pratiquement certains d’obtenir gain de cause.
En effet, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme protège la vie privée et familiale : la règle est de ne pas séparer un enfant de son père, et une femme ou une compagne de son époux ou de son compagnon. L’application extensive de l’article 8 de la CEDH constitue un véritable tunnel pour l’immigration irrégulière et prime sur les lois nationales. De plus en plus de juges français invoquent ainsi les conventions européennes auxquelles ils confèrent une force exécutoire. Sans la promulgation d’un texte par le parlement français marquant une réserve d’interprétation de cet article 8, la nouvelle loi de l’immigration et de l’intégration du 25 juillet 2006 restera, comme les lois précédentes, sans effet sur les flux migratoires.

Il ne s’agit en rien d’une proposition utopique. La constitution de 1958 reconnaît le droit de chacun de mener une vie familiale normale, mais le Conseil constitutionnel a reconnu que le législateur pouvait subordonner l’exercice de ce droit à des conditions. La Convention européenne autorise les Etats, pour assurer le bien-être économique du pays, à promulguer des lois qui leur permettent de se protéger. Les autres pays de l’UE le font, pourquoi pas la France ?

En outre, les mesures de lutte contre les mariages fictifs seraient conformes à la CEDH. Celle-ci interdit les empêchements disproportionnés au droit au mariage consacré à l’article 12 mais ne protège pas les mariages fictifs : là encore, les législations nationales peuvent limiter le droit au mariage par des mesures de contrôle de l’immigration.

Les études menées au sein de la Commission internationale de l’état-civil (CIEC), dont font partie la plupart des Etats européens, confirment que la conclusion des mariages simulés est un phénomène en constante augmentation. Les mariages « pour les papiers » participent, en effet, de manière substantielle aux flux migratoires ; il faudrait développer à l’échelle européenne une position et une stratégie communes pour éviter les détournements de loi.

© Polémia
Mars 2007

Pour approfondir : « L’immigration par escroquerie sentimentale », de Marie Annick Delaunay, TATAMIS, novembre 2006.
Voir la recension de cet ouvrage par Polémia :
http://www.polemia.com/contenu.php?cat_id=43&iddoc=1373

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