L’après-présidentielle : le choc du réel !

samedi 17 mars 2007

La vocation de Polémia n’est pas de commenter les émissions de « politique réalité » qui tiennent lieu de campagne présidentielle. Elle n’est pas davantage de dire pour qui voter. Elle est d’éclairer les grands enjeux. Or, quel qu’il (elle) soit, le président élu le 6 mai subira le choc du réel.

Explications :

1 100 milliards de dette publique ; 350 000 entrées annuelles d’étrangers ; 9,8 % de chômeurs ; 25 % d’élèves ne maîtrisant pas les savoirs élémentaires ; 434 000 actes de violence physique : telles sont les grandes données chiffrées qui résument la situation française.

1. 1 100 milliards de dette publique

« 1 100 milliards » de dette publique : c’est la première donnée financière à prendre en compte ; tel est le résultat désastreux d’une succession ininterrompue de déficits publics depuis 25 ans. Malgré la baisse de l’investissement public, la stagnation de l’effort de recherche et d’enseignement supérieur et la vente de nombreux actifs (actions d’entreprises dénationalisées, biens immobiliers), la dette s’élève aujourd’hui à plus de 1 100 milliards d’euros, représentant plus de 60 % du produit intérieur brut (PIB). La France fait partie des cinq pays les plus endettés de l’Europe des Quinze. Et chaque année les dépenses de l’Etat excèdent de 16 % ses recettes (38 milliards de déficit en 2006).

Fort de ce constat, le rapport de la mission Pébereau (composée de manière transpartisane, à la notable exception du Front national qui en était exclu) a établi une série de mesures à prendre pour redresser la situation : stabiliser en euros courants les dépenses de l’Etat, y compris ses dotations aux collectivités territoriales ; poursuivre la réforme des retraites ; garantir le retour à l’équilibre de l’assurance maladie ; utiliser l’opportunité des départs à la retraite pour réduire les sureffectifs des trois fonctions publiques (Etat, collectivités locales, hospitalières).

Mais comment le nouveau président élu après une campagne aussi catégorielle que compassionnelle pourra-t-il s’engager dans de telles voies ?
http://www.finances.gouv.fr/notes_bleues/nbb/nbb301/pebereau.pdf
http://www.polemia.com/contenu.php?iddoc=1390&cat_id=22

2. 350 000 entrées annuelles d’étrangers

« 350 000 » : c’est le nombre d’étrangers qui entrent chaque année en France, soit, compte tenu de 150 000 sorties, un solde net de 200 000 personnes, selon Maxime Tandonnet, chef du service des relations internationales au ministère de l’intérieur. Cette masse importante, qui a doublé en dix ans, pose des problèmes majeurs : sociaux, éducatifs et d’hébergement ; c’est notamment l’une des causes du retour de la crise du logement http://www.polemia.com/contenu.php?cat_id=36&iddoc=1426.

Or cette immigration est difficile à maîtriser car elle est devenue, selon l’expression de Maxime Tandonnet, une « immigration identitaire » liée au fait que beaucoup de Français d’origine étrangère se marient (puis font venir la famille du nouvel époux) avec des étrangers issus de leur communauté d’appartenance. Or comment limiter ces mariages arrangés, voire forcés ou fraudés, sans remettre en cause des pans entiers de notre droit sur le mariage, le séjour ou la nationalité ? Au risque, bien sûr, d’avoir à affronter le lobby immigrationniste disposant d’une grande caisse de résonance médiatique. Au point que le simple fait d’associer les mots d’ « immigration » et d’ « identité nationale » ait été jugé par une bonne part de la classe politico-médiatique comme « incompréhensible », « inacceptable » ou « scandaleux » : qualificatifs qui révèlent non seulement une grande intolérance mais aussi un véritable déni de réalité !
http://www.amazon.fr/Immigration-sortir-chaos-Maxime-Tandonnet/dp/208210592X

3. 9,8 % de chômeurs

« 9,8 %, c’est le chiffre du chômage selon les critères du Bureau international du travail (BIT) tel qu’il ressort de l’enquête annuelle emploi de l’INSEE ; chiffre que l’autorité statistique a trouvé mais n’a pas, pour des raisons conjoncturelles, officialisé en mars 2007. Mauvais chiffre qui illustre l’échec de deux ans d’agitation médiatico-législative du tandem Borloo/Villepin et rappelle le caractère profondément structurel du sous-emploi français. Comment s’en étonner, d’ailleurs, dans un pays qui cumule libre échange commercial non régulé et marché du travail rigide, ainsi qu’immigration non maîtrisée et filet social extrêmement protecteur ? Mais comment échapper à la tyrannie du statu quo ? Comment affronter les forces financières favorables à la mondialisation sans limites des flux d’hommes et de marchandises ? Comment affronter les forces syndicales et associatives favorables à la société d’assistance étendue au monde entier ?
http://www.insee.fr/fr/ffc/chifcle_fiche.asp?ref_id=NATFPS03306&tab_id=312

4. 25 % des élèves entrant en sixième ne maîtrisent pas les savoirs élémentaires

Selon Laurent Lafforgue, mathématicien titulaire de la médaille Fields et observateur critique du système scolaire : « A la fin du CM2, le quart des élèves ne savent pas lire couramment, la majorité d’entre eux ne maîtrisent pas l’orthographe, la grammaire, les conjugaisons, la rédaction, le calcul, les règles de trois ou les rudiments de l’histoire, de la géographie ou des sciences. On entre au collège sans que ces bases soient acquises. Pour ne donner qu’un exemple, l’évaluation nationale d’entrée en sixième de 2005 a révélé que 60 % des élèves échouent à diviser mentalement 60 par 4. » Il ne s’agit pas là d’un discours catastrophiste mais de la reprise d’évaluations émanant de personnalités officielles : selon Danielle Manesse, professeur en sciences du langage, proche de Philippe Meirieu, « en orthographe les collégiens de cinquième sont tombés au niveau des élèves de CM2 de 1987 ».

Selon l’enquête PISA de l’OCDE, les élèves français sont au 17e rang des pays développés en mathématiques, au 13e rang en sciences et au 14e rang en littérature.
 
Or, contrairement à l’antienne constamment répétée des syndicats d’enseignants, ce n’est pas une question de moyens !

Ainsi le Rapport Pébereau rappelait que depuis 1980 la dépense d’éducation par élève a augmenté de 2,4 % par an dans le secondaire en euros constants et de 2,2 % par an dans le primaire. Depuis 1990, le nombre d’enseignants dans le primaire et le secondaire a augmenté de 12 % alors que dans le même temps le nombre d’élèves diminuait de près de 5 %.

C’est donc un problème de société lié au changement du comportement des élèves (81 000 actes de violence grave répertoriés chaque année dans les écoles selon le logiciel SIGNA) et/ou un problème de méthode : la succession des réformes pédagogiques étant accompagnée d’une dégradation de l’apprentissage des savoirs. Cela signifie que pour redresser la situation il faut convaincre (ou vaincre) les lobbys pédagogiques d’abandonner leurs revendications quantitatives et d’accepter la remise à plat des méthodes d’enseignement des savoirs fondamentaux. Ou alors permettre aux parents de sortir librement de l’Education nationale en créant leurs propres écoles pour leurs enfants. Quelle que soit la branche de l’alternative choisie, cela ne peut être une mince affaire !
Mais, finalement, ce problème de société ne serait-il pas le résultat d’une dégradation généralisée et continue du principe d’autorité (à ne pas confondre avec l’autoritarisme dénué de tout sens démocratique), dégradation à laquelle la société française est confrontée, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat ?
http://www.languefrancaise.net/news/index.php?id_news=410
http://appy.ecole.free.fr/articles/20061023a.htm
http://www.creer-son-ecole.com/index.php?page=17

5. 434 183 atteintes volontaires à l’intégrité physique

Selon l’Observatoire national de la délinquance (OND), la police et la gendarmerie ont enregistré, en 2006, 434 183 atteintes volontaires à l’intégrité physique, soit près du double du chiffre – 223 030 – de 1996. Et ce sont surtout les violences physiques non crapuleuses dont le nombre explose. Cela revient à poser le problème du rétablissement de l’état de droit sur l’ensemble du territoire, sachant que 21 % des détenus sont étrangers et 50 % de religion musulmane.

Cela conduit aussi à poser la question des moyens répressifs, alors même que la France cumule la faiblesse de ses dispositifs alternatifs à la détention (peu ou pas de centres d’éducation fermés ; peu de recours au bracelet électronique) en même temps qu’un taux de détention, 85 pour 100 000 habitants, nettement inférieur à celui de tous ses voisins européens. En fait, tout discours répressif ou dissuasif de la délinquance se heurte à cette réalité française : l’existence d’un nombre insuffisant de places de prison : 47 306, par ailleurs sur-occupées et souvent dignes du tiers-monde. Mais le sujet est – pour des raisons opposées, d’ailleurs – idéologiquement et électoralement tabou : les uns niant la nécessité de la répression ; les autres négligeant les exigences de dignité dans l’exercice de la répression.
http://www.kcl.ac.uk/depsta/rel/icps/worldbrief/europe_records.php?code=138
http://www.inhes.interieur.gouv.fr/fichiers/OND_BulletinAnnuel06_ZoomVPCetVPNC.pdf

Il n’y aura pas d’état de grâce : quel qu’il (elle) soit, le nouveau président ne disposera d’aucune marge de manœuvre

Ainsi le nouveau président sera doublement contraint : d’un côté, par les réalités budgétaires (les déficits de l’Etat et des comptes sociaux) ; de l’autre, par les dogmes de l’idéologie dominante (les bienfaits de la mondialisation, la double culpabilisation de la France et des Français, la rupture avec les racines et les traditions).

Seule une rupture avec le politiquement correct et la logique des moyens pourrait permettre de trancher le « Nœud gordien », selon l’expression reprise dans un ouvrage posthume par le président Georges Pompidou, il y a plus de trente ans ! La question est plus que jamais d’actualité mais il est peu probable que le président qui sera élu le 6 mai 2007 en ait la capacité et la volonté. Alors son état de grâce sera de courte, très courte durée !

Polémia

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