Rapport de la Commission sur la dette publique

lundi 15 janvier 2007
A l’approche des élections présidentielles et surtout des campagnes engagées par les candidats, il paraît intéressant de se plonger dans le rapport déposé en janvier 2006 par Michel Pébereau, président de BNP-Paribas, à qui Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, avait confié la lourde tâche de disséquer la dette publique et de trouver les remèdes efficaces pour la réduire.

Comme le disent les spécialistes, la situation est très préoccupante. La dette, aujourd’hui, se chiffre à plus 1 100 milliards d’euros, après avoir été multipliée par cinq en vingt-cinq ans.

Ce rapport, dans sa première partie, analyse les causes. Il est stupéfiant par la description qu’il donne, avec beaucoup de lucidité et sans complaisance, semble-t-il, des failles et des carences de nos administrations tout comme des pratiques politiques qui sont à l’origine des déficits publics grandissants depuis plus de deux décennies.

Hélas, les préconisations énoncées dans la deuxième partie ne font pas l’objet d’un développement aussi étendu et ne sont surtout pas à l’échelle du problème. Toutefois il ne s’agit que d’un rapport d’audit et non pas d’une circulaire ministérielle ! On apprend néanmoins par « Le Monde » du 11/01/07 que, depuis dix-huit mois, le ministre délégué au budget et à la réforme de l’Etat, Jean-François Copé, devancé par Laurent Fabius dès 2000 lorsque ce dernier était le patron de Bercy, s’applique à moderniser l’administration et que, depuis octobre 2005, 127 audits ont été effectués, portant sur 130 milliards d’euros, près de la moitié des dépenses de l’Etat. Il ne reste qu’à souhaiter que la parole de Jean-François Copé soit d’or : « On ne pourra pas enterrer les audits. Ils font partie du débat public. J’ai tout fait en tout cas pour que l’on ne puisse pas les arrêter sans en faire un choix politique à assumer devant l’opinion », a-t-il souligné. Mais ne faudrait-il pas tempérer l’optimisme du ministre Copé, en citant le professeur Christian Saint-Etienne, membre du Conseil d’analyse économique, toujours dans « Le Monde » du 11/01/07 : « De fait, l’UMP ne s’engage que sur une baisse très limitée des déficits et de la dette publique. »

Le rapport de Michel Pébereau est consultable sur le site de la Documentation française (sous le titre « Rompre avec la facilité de la dette publique ») chez qui on peut se procurer la version papier. Toutefois on trouvera ci-après la transcription d’un support, succinct mais complet, d’une présentation qui en a été faite au club ENA, le 18/12/06, par Michel Pébereau lui-même.

http:/www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/9782110061027/index.shtml

Rapport de la commission de la dette publique

1/ Des finances publiques au service de notre avenir – Rompre avec la facilité de la dette publique pour renforcer notre croissance et notre cohésion sociale.

A) Le choix de la facilité depuis vingt-cinq ans est la principale explication du niveau très préoccupant de notre dette publique.

B) La dette en euros constants : multiplication par 5 en 25 ans ; 1980 : 206 milliards ; 2004 : 1067 milliards.

C) L’évolution de la dette depuis 10 ans : la France se situe au dernier rang de l’Europe des quinze.

D) L’explosion de la dette : 25 ans de déficit.

E) Cette situation ne nous a pas été imposée : nous n’avons cessé de l’accepter.

F) L’endettement : un moyen pour financer un niveau de dépenses parmi les plus élevés des pays industrialisés.

G) La dette n’est pas le résultat d’un effort structuré pour la croissance et la préparation de l’avenir :

• Le financement de dépenses courantes de l’Etat par déficit ;
• La stagnation de l’effort en matière de recherche et d’enseignement supérieur ;
• Le report de nos dépenses de santé et d’indemnisation du chômage sur les génération futures ;
• L’appauvrissement des administrations : un patrimoine net divisé par 3 en 25 ans.

H) Le recours à l’endettement a été le choix de la facilité :

• Le recours à l’endettement a permis de compenser une gestion insuffisamment rigoureuse des dépenses publiques.

I) Les lourdeurs et les incohérences de notre appareil administratif expliquent en premier lieu la gestion peu rigoureuse des dépenses :

• L’organisation de nos administrations pousse à l’augmentation permanente de la dépense publique ;
• Les procédures budgétaires aboutissent encore trop souvent à reconduire automatiquement les dépenses ;

J) Nos pratiques politiques et collectives sont à l’origine de la situation financière actuelle.

2/ Les pouvoirs publics ne se sont pas donné les marges d’action nécessaires pour faire face aux défis futurs.

A) Nos ambitions de croissance et de solidarité vont dès aujourd’hui être mises à l’épreuve :

• Croissance et emploi : des performances largement inférieures à nos attentes ;
• Niveau de vie : l’interruption de la convergence avec les économies les plus riches :
• Démographie : un atout qui va disparaître ;
• Régimes obligatoires de retraite : l’apparition d’un besoin de financement croissant ;
• Assurances maladie : l’augmentation du déficit.

B) Les administrations publiques ne peuvent pas compter sur une augmentation substantielle de leurs ressources :

• Prélèvements obligatoires : un niveau déjà très élevé ;
• Les transferts entre administrations : des perspectives limitées.
C) La poursuite de l’endettement ne résoudrait rien et nous exposerait à un risque d’asphyxie financière

: • La poursuite de la tendance actuelle : un scénario impossible ;
• Le scénario le plus probable : la perte de la maîtrise de la dette.

3/ De notre volonté de restaurer une véritable capacité d’action publique dépendront nos perspectives de croissance et de solidarité. Préconisations :

A) La remise en ordre des finances publiques doit être l’objectif des cinq prochaines années :

• L’Etat devrait renverser la tendance à l’augmentation de sa dette financière ;
• Les collectivités territoriales doivent être mieux associées à la maîtrise des finances publiques ;
• Les conditions d’équilibre des régimes sociaux doivent être garanties :

– poursuivre la réforme des retraites en 2008 ;
– garantir le retour à l’équilibre de l’assurance maladie en 2009 ;
– garantir, à partir de 2009, l’absence d’endettement de l’assurance maladie ;
– garantir l’équilibre de l’assurance chômage.


B) Une modification en profondeur de la gestion des administrations permettra d’équilibrer rapidement nos finances publiques et de mieux orienter les dépenses :

• La réduction des dépenses inefficaces doit être la priorité du gouvernement et du parlement ;
• La recherche d’une plus grande efficacité des dépenses passe par une politique de ressources humaines profondément modernisée ;
• Le changement de la logique de nos politiques de croissance et de cohésion sociale.


René Schleiter
© Polémia
10/01/07
Archives Polemia