Population musulmane en France : 9 % des habitants, 16 % des naissances

samedi 11 mars 2006
1. La connaissance des phénomènes migratoires a fait l’objet en France depuis plus de trente ans d’une véritable omerta statistique. Les experts officiels de l’INED et de l’INSEE et du ministère des affaires sociales ont constamment relayé la double thèse suivante :

– L’immigration est arrêtée et la population étrangère est stabilisée à un peu moins de 4 millions ;
– Les immigrés présents s’intègrent.

Ces affirmations reposaient sur un double mensonge :

– Un mensonge sociologique, s’agissant de l’intégration des immigrés alors que les revendications communautaires (lieux de culte, repas spéciaux, prise en compte des coutumes d’origine) ne cessaient de se développer ;
– Un mensonge statistique, s’agissant du nombre des étrangers dont la stabilité apparente s’expliquait par trois données :

– la sous-estimation des recensements (reconnue aujourd’hui par l’INSEE) et la sous-estimation des statistiques officielles des titres de séjour (reconnue aujourd’hui par Patrick Stefanini, secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l’immigration et le ministère de l’intérieur) ;
– le remplacement dans les données statistiques d’étrangers issus des pays européens par des étrangers venus des pays en développement en particulier, des pays d’Afrique noire, du Maghreb et de Turquie ;
– l’accès juridique massif à la nationalité française pour les étrangers et/ou enfants d’étrangers par attribution ou acquisition (double jus soli, jus soli simple, naturalisation, puis jus sanguinis à la génération suivante).

2. La montée des revendications musulmanes – sous forme pacifique ou plus agressive – et les émeutes du ramadan 2005 ont déchiré le voile statistique et fait émerger les réalités sociologiques. La presse étrangère notamment a présenté la France comme le pays d’Europe où la présence musulmane était la plus importante. Le « Wall Street Journal » a donné le chiffre de 8 % de la population française. Plus récemment il a circulé sur Internet une estimation du cardinal Alfonso Lopez Trujillo, président du Conseil pontifical de la famille, estimant qu’ « en France, une naissance sur trois provient d’une famille musulmane ».

3. La nécessité d’y voir clair s’impose donc. En l’absence de toute enquête de l’INSEE ou de l’INED sur les ménages se déclarant de culture musulmane, Polémia a recouru aux remarquables travaux de l’Institut de géopolitique des populations. Animé par Yves?Marie Laulan, cet organe de recherche s’adosse notamment sur les travaux du professeur Jacques Dupâquier, membre de l’Institut et auteur d’une remarquable somme sur « L’Histoire des populations françaises » (PUF), et du polytechnicien Philippe Bourcier de Carbon, statisticien.

A partir de leurs travaux, il est possible d’approcher la réalité statistique des populations musulmanes en France, en étudiant les agrégats concernant les populations issues du Maghreb, du reste de l’Afrique et de la Turquie. Cet ensemble géo-démographique pèche à la fois par excès (certains Africains noirs ne sont pas musulmans) et par défaut (il ne prend pas en compte d’autres immigrations, asiatiques et musulmanes, celle des Indo-Pakistanais notamment) ; mais, en ordre de grandeur, il est possible de retenir pour chiffre de l’immigration musulmane en France les chiffres qui se rapportent aux populations issues d’Afrique, Maghreb compris, et de Turquie. Trois séries de chiffres sont disponibles, dans les études de l’INSEE et de l’INED, et ont été mises en évidence par Philippe Bourcier de Carbon dans « Ces migrants qui changent l’Europe » (L’Harmattan).

3.1. La population née étrangère de nationalité africaine ou turque, existant sur le sol métropolitain, serait en 2004 de 3,7 millions, soit 6 % de la population métropolitaine totale. Elle fournirait de l’ordre de 96 000 naissances en métropole, soit 13 % des naissances métropolitaines totales.

3.2. La population née d’au moins un parent étranger de nationalité africaine ou turque résidant sur le sol métropolitain serait de plus de 4 millions en 2004, soit 7 % de la population métropolitaine totale et fournirait près de 14 % des naissances métropolitaines.

3.3. La population des ménages immigrés originaires d’Afrique et de Turquie résidant sur le sol métropolitain serait de 5 millions environ en 2004, soit 9 % de la population métropolitaine totale et fournirait près de 16 % des naissances. Il convient de préciser qu’un « ménage immigré » est un ménage dont la personne de référence ou son conjoint est immigrée au sens de l’INSEE, c'est-à-dire né étranger à l’étranger, quelle que soit sa nationalité actuelle. Ces chiffres – 9 % de la population, 16 % des naissances – sont sans doute les plus proches de la réalité, même si eux aussi pèchent à la fois par excès et par défaut :

– par excès, car la personne de référence et son conjoint n’ont pas toujours la même origine ;
– a contrario, par défaut, car les immigrés de la 2e et 3e génération, lorsqu’ils se marient entre eux ou a fortiori avec un Français d’origine (et non avec un conjoint venu d’ailleurs) n’apparaissent pas ; mais il est vrai que dans ce cas ils ont manifesté une certaine rupture avec leur famille, leur culture et souvent leur religion d’origine, signes d’une forte intégration.

En fait, compte tenu du nombre très important de mariages arrangés par les familles avec une femme ou un homme né au pays d’origine, le chiffre de la population des ménages immigrés est celui qui approche le mieux la réalité statistique de l’islam en France (non compris les « convertis » qui restent encore peu nombreux, moins de 100 000, semble?t?il).

4. Ces chiffres que Polémia retiendra donc comme meilleure approximation sont forts : 9 % de la population, 16 % des naissances ; d’autant plus que sous réserve de la constance des niveaux de fécondité et des soldes migratoires, cette population « pourrait approcher, en 2030, 9,6 millions, soit 15 % de la population métropolitaine totale et donner le jour à 200 000 enfants, soit 30 % des naissances métropolitaines », selon les estimations de Philippe Bourcier de Carbon. Bien sûr ces données peuvent évoluer dans le temps mais elles reflètent deux réalités contemporaines fortes :

– l’accélération des flux migratoires depuis 1999 ; accélération que tous les gouvernements ont été jusqu’ici impuissants à maîtriser ;
– le maintien – depuis 1990 – d’un taux de fécondité élevé pour les femmes étrangères musulmanes arrivées en France ; le taux moyen de 2,9 étant plus élevé que le taux de fécondité moyen des pays d’origine, ce qui s’explique par l’avantage de revenu relatif dont les immigrés présents en France disposent vis-à-vis de leurs compatriotes restés dans les pays d’origine.

5. Enfin, il faut noter que ces chiffres relèvent des moyennes nationales mais que d’ores et déjà les populations musulmanes tendent à devenir majoritaires, non seulement dans de nombreuses écoles, mais aussi dans de nombreuses villes, ce qui ne manquera pas, notamment, d’avoir des effets politiques majeurs aux élections municipales et départementales de 2013 ou 2019.

© Polémia
09/03/06


Pour en savoir plus :
– Groupe X-Démographie-Economie-Population :
http://x-dep.polytechnique.org/boursier04.

– « Ces migrants qui changent l’Europe », L’Harmattan (2004) :
http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2747564150/403-0645779-7172419

– « Histoire de la population française », Jacques Dupâquier, PUF (1988) :
http://www.amazon.fr/exec/obidos/external-search/403-0645779-7172419?tag=populationdem-21&keyword=dupaquier+population+fran%E7aise&mode=books-fr

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