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L’Humanisme c’est la guerre (IV/VI)

L’Humanisme c’est la guerre (IV/VI)

par | 1 février 2017 | Politique, Société

♦ Cette longue étude est présentée par Frédéric Villaret en six parties, qui sont publiées au jour le jour afin de rester dans les normes générales de Polémia. Voici, la quatrième partie.

IV / VI – L’humanisme, c’est la guerre ! – L’entropie pour penser la métapolitique.

Frédéric Villaret, chercheur indépendant, essayiste

L’entropie est un concept-clé pour saisir les enjeux métapolitiques actuels.


L’entropie au cœur de la pensée écologique

 Dans la pensée écologiste, l’entropie, variable d’état issue de la thermodynamique, est devenue un concept central. En effet, la crise environnementale est envisagée consécutive à la croissance de l’entropie dans nos écosystèmes due au recours à des énergies cachées via la techno-science, alors qu’elles seraient inaccessibles dans un cadre naturel. Il en est ainsi du pétrole, du gaz et surtout du nucléaire ayant permis la société industrielle énergivore. Mais l’écologiste est alors confronté à une difficulté de taille vis-à-vis des scientifiques. En effet, l’entropie, essentielle aux thermodynamiciens, ne se définit pas, ni ne se mesure, condamnant ses thuriféraires au rang de philosophe, mais dans un sens plutôt négatif, et donc inéligible au statut de scientifique.

Pourtant, l’entropie est au cœur des discours sur l’énergie et l’écologie, irriguant aussi celui de sociologues, d’économistes, de biologistes, etc. C’est un concept-clé pour saisir les enjeux actuels.

Initialement, l’entropie avait été assimilée à la chaleur dans le premier principe de la thermodynamique, puis au désordre dans le second. Mais ces précisions sont insuffisantes pour en rendre compte. C’est assimilable à de la chaleur, mais pas que…; c’est assimilable au désordre, mais pas que… Aussi, plus tard deux types d’entropie furent identifiées: l’entropie réversible; l’entropie irréversible. Les conséquences de cette dernière sont irrépressibles donc il n’y a rien à faire pour en limiter les effets. En revanche, l’entropie réversible est gérable et doit être gérée au motif que sa présence et sa croissance au sein des systèmes conformément au Second principe de la thermodynamique accélère leur déliquescence. En effet, elle se surajoute à la croissance de la composante irréversible de cette entropie bifaciale.

Je sais, on est un peu en dehors du paradigme scientifique dominant actuellement d’où la stigmatisation de ces approches sous le qualificatif de ‘philosophiques’ par ses détracteurs. En outre, dans cet espace, le principe de non-contradiction, – fondement de la pensée scientifique -, est plus que fragilisé. On nomme « principe de non-contradiction » cette assertion interdisant d’affirmer simultanément le pour et son contraire en recourant au même terme ou la même proposition : « Il est impossible qu’un même attribut appartienne et n’appartienne pas en même temps et sous le même rapport à une même chose » (Aristote, Métaphysique).

L’entropie est un concept essentiel à la compréhension des systèmes en non-équilibre thermodynamique – comme les écosystèmes -, mais encore mal sérié. Elle est irréductible, mais, maintenu en excès au sein des ces systèmes, elle les condamne à ce que les anciens appelaient ‘la mort thermique’ conformément au Second principe de la thermodynamique. Initialement, d’un point de vue écosystémique, l’entropie réunit tout ce qui ne contribuerait pas à la dynamique des écosystèmes. Mais depuis, cette entropie a été envisagée comme nécessaire à l’évolution des systèmes d’où l’expression ‘d’effet paradoxal de l’entropie’ portée par certains auteurs.

D’un point de vue pratique, évacuer l’entropie réversible est vitale pour la stabilité des écosystèmes. C’est, sans en maîtriser alors cette notion issue de la thermodynamique que les premiers écologistes comprirent cela. Ainsi, les écologues américains observèrent que les grands feux de forêt avaient vocation à éliminer les arbres âgés ou morts en surnombre dont la présence étouffait la dynamique écosystémique. Depuis, on laisse brûler car c’est nécessaire à la vitalité écosystémique.

Sous cet éclairage, l’entropie est ce qui va contrarier la dynamique écosystémique, qui rappelons le consiste à favoriser la perpétuation des lignées constitutive. L’entropie est alors envisagée comme ce qui empêche cette dynamique n’ayant plus aucune fonction écosystémique, mais captant toutefois des ressources inutilisables alors pour l’entretenir. L’éliminer est donc vital. Or, la conséquence ultime de la croissance de l’entropie est la mort des organismes ; mort à l’échelle individuelle, mais pas mort à l’échelle subindividuelle. En effet, les phénomènes de décomposition réintègrent ces constituants des individus dans les grands cycles bio-géo-chimiques à l’origine d’autres individus. Par ailleurs, la reproduction a permis la transmission de nos gênes. Les temporalités associées à nos gènes et à nos constituants sont donc inscrites sur des durées incomparables avec celles d’un individu.

Evacuer l’entropie est vital pour optimiser l’existence du système l’ayant produite. Idée perçue par le sens commun et formalisée par une multitude de proverbes populaires dont, par exemple “chacun chez soi et les vaches seront bien gardées” ou « la tempête fait tomber les veiux arbres »  devenus dans un discours philosophico-scientifique le théorème de production min d’entropie déjà évoqué.

Pour les écosystèmes artificiels, les principes de fonctionnement les animant sont identiques. Il n’y pas de singularité fondamentale exceptée que ceux-ci ont une dimension noosphérique singulière à l’origine des mutations et d’évolutions parfois bizarres, alors que dans les écosystèmes naturels celles-ci relèvent des phénomènes de sélection naturelle.

Mais ils possèdent aussi une composante entropique dont le maintien dans des niveaux viables garantit leur pérennité, -sous réserve des effets du Second principe de la thermodynamique-, donc des lignées les constituant. L’entropie est alors envisagée comme ce qui obère le fonctionnement de l’écosystème. Pour les écosystèmes anthropicisés, elle sera qualifiée d’entropie anthropique.Elle réunit tout ce qui ne participe pas à l’entretien et l’évolution de l’écosystème, mais toutefois en prélevant des ressources sans contre-partie écosystémique. Etant entendu que la contre-partie ultime est ce qui contribue à l’entretien des lignées constitutives.

D’un point de vue sensible, il est difficile de pointer des catégories sociales ou des individus éligibles au statut d’entropie. On ne le fera pas. Notons toutefois que dans un processus naturel, des individus incapables d’engendrer une descendance viable ou inadaptée à la nature de l’écosystème sont recyclés, c’est-à-dire pour l’essentiel mangés. C’est ainsi que circule l’énergie dans les écosystèmes naturels unis par des relations trophiques. Ils sont donc utiles sous cet angle. Mais pour les écosystèmes artificiels, cette évidence d’essence naturaliste est tabou.

L’humanisme interdit de nous envisager comme des êtres naturels. Pourtant, nous ne pouvons que déroger temporairement aux principes de fonctionnement des écosystèmes. Aussi, des cataclysmes sociaux de tous ordres surviennent régulièrement pour rétablir les équilibres organiques transgressés. En période guerre, le ‘Tu ne tueras point’ devient “Tue, tue et tue“. Les désordres sociaux que suscitent ces situations condamnent les plus inadaptés à disparaître ; les écosystèmes artificiels se recomposent sur d’autres fondements. Les anciens envisageaient la guerre comme un facteur d’hygiène sociale, se désolant que les guerres techno-industrielles modernes affectent des individus ‘normaux’ ne relevant pas de l’entropie anthropique.

Frédéric Villaret
27/01/2017

Correspondance Polémia – 1/02/2017

Image : « A l’aube de la révolution informatique du XXe siècle, l’entropie a été entièrement redéfinie à partir de la notion d’information et d’incertitude ».

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Frédéric Villaret
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