Les chrétiens d'Orient, « cibles légitimes » de l'impérialisme islamique

mardi 4 janvier 2011

Décembre noir que celui de 2010 pour les chrétiens d’Orient, où se sont succédé les attentats sanglants, généralement dans l’indifférence totale de la « communauté internationale », pourtant si active dès qu’il est question d’autres minorités menacées mais qui s’est en l’occurrence, et à l’instar du président Sarkozy, contentée de vœux pieux sur le « nécessaire retour à la paix ».

Dans la nuit de la Saint-Sylvestre à Alexandrie, un attentat à la bombe commis par un kamikaze faisait plus de vingt morts parmi les fidèles venant s’assister à la messe de minuit en l'église copte d'Al Kidissine, et près d’une centaine de blessés. Dont plusieurs ont succombé depuis à leurs blessures.

L’Irak, de la coexistence à la purification religieuse

Ainsi s’achevait une année particulièrement meurtrière pour les chrétiens vivant ou plutôt subsistant en terre d’islam, de l’Irak à l’Egypte.

C’est à Mossoul, dans l’Irak si heureusement libéré de la tyrannie de Saddam Hussein par les croisés du très pieux George W. Bush (« In God we trust ») que l’offensive avait été déclenchée, avec l’enlèvement le 29 février de l’archevêque chaldéen Paulos Faraj Rahho, retrouvé mort quelques jours plus tard. Puis, toujours dans la région de Mossoul, des dizaines de maisons de chrétiens avaient été attaquées et leurs habitants abattus ou saignés à blanc avant que la ville ne soit tout récemment le théâtre de nouvelles tragédies. Le 22 décembre dernier, en effet, deux bombes éclataient, l’une dans l’église chaldéenne de Saint-Georges, la seconde dans l’église orthodoxe Syriaque St. Thomas, faisant trois morts et de nombreux blessés. Un bilan relativement modeste, il est vrai, à côté du massacre (60 tués dont deux prêtres et 80 blessés) commis la veille de la Toussaint à la cathédrale syro-catholique Notre-Dame du Perpétuel Secours, prise d’assaut par neuf hommes armés portant des ceintures d’explosifs.

Un commando se revendiquait de l’« État islamique d’Irak », groupe sunnite étroitement lié au réseau Al-Qaïda. Lequel devait ensuite désigner les chrétiens comme « cibles légitimes », à éliminer par tous les moyens. Mot d’ordre entendu puisque, juste avant Noël, quatorze maisons appartenant à des chrétiens bagdadis étaient visées par des bombes.

Alors que le nettoyage ethnique qu’avait tenté les Serbes au Kossovo, leur ancien foyer national envahi par les albanophones, avait soulevé d’indignation tous les démocrates et conduit à la guerre lancée par l’OTAN en mars 1999, l’épuration par une terreur organisée des chrétiens d’Irak ne suscite que des protestations de pure forme. Au-delà des invocations à Allah, qui ne voit pourtant qu’en contraignant les chrétiens à l’exode, les islamistes entendent aussi, voire surtout, se débarrasser d’une élite qui leur fait de l’ombre sur les plans économique et culturel ?

Et le même processus est en marche, depuis des lustres déjà, à l’encontre des coptes. Certes, leur grandiose cathédrale d’Assouan est désormais achevée après maintes entraves mises à son édification (qu’a suivie aussitôt celle d’une mosquée au gigantesque minaret). Cependant, chroniquement attaqués et persécutés dans la région d’Assiout, en Haute-Egypte, puis à Louxor où leur église fut attaquée le soir de Noël 2009 (6 morts), ils le sont maintenant au Caire, où des incidents ont éclaté tout au long du mois de décembre, et, on l’a vu à Alexandrie, pourtant l’une des premières villes du monde à avoir abrité une communauté chrétienne organisée — et même un concile !

Egypte : l’exode via la terreur

Certes précaire, la situation des coptes est toutefois très différente de celle des chrétiens d’Irak. D’abord, ceux-ci, très minoritaires (sans doute moins d‘un million depuis la chute de leur protecteur Saddam Hussein, qui lança le signal de l’exode) sont atomisés en une multitude de confessions, rattachées ou non à Rome et souvent antagonistes. Forts de 6 à 8 millions d’âmes, les coptes qui se rattachent au rite byzantin sont au contraire hégémoniques au sein des chrétiens égyptiens, soudés autour de leur « pape » Chenouda III. Mais, leur démographie étant très inférieure à celle des musulmans, surtout dans les villes, leur communauté jadis puissante et influente ne cesse de décroître. D’autant que cette communauté, qui compte beaucoup de diplômés, compte aussi beaucoup d’émigrés, ses éléments les plus brillants trouvant de moins en moins de débouchés au pays des pharaons — dont ils se considèrent comme les vrais descendants mais où ils n’ont pratiquement plus de représentation politique.

Si les attentats comme celui de l’église Al Kidissine se multiplient, ainsi que les provocations et les pogroms, sans doute l’exode s’accélérera-t-il. Comme c’est le cas en Irak où est décidément bien loin le temps (février 2003) où le régime laïque autorisait et protégeait la procession solennelle des reliques de sainte Thérèse de Lisieux à Bagdad, mais aussi au Liban où les chrétiens âgés ne vivotent que grâce aux largesses de la diaspora dont les largesses se sont élevées en 2010 à 8,2 milliards de dollars, soit 20 % du Produit intérieur brut du pays des Cèdres (cf. Présent du 31/12/2010).

Qui veut la fin de l’exeption syrienne ?

A l’est de la Méditerranée, seule la Syrie, qui a accueilli tant de chrétiens irakiens, notamment dans la région d’Alep où les monumentales coupoles dorées des églises grecques et arméniennes illuminent les nuits, semble encore attentive au bien-être et à la sécurité de ses (innombrables) minorités « latines » ou orthodoxes. Nul doute pourtant que, venue d’Israël ou des Etats-Unis, une attaque contre le régime de Bachar al-Assad — régulièrement critiqué et ostracisé par les néo-conservateurs américains qui continuent à l’inclure dans l’«axe du mal » —, réveillerait un antichristianisme latent et provoquerait comme en Irak une violente réaction islamiste contre les « roumis », présentés à tort bien plus qu’à raison comme des suppôts de l’ennemi et donc du Grand Satan.

Le Kossovo désormais monoethnique… et monoislamique

Mais, en Europe même, les roumis sont-ils à l’abri de toute agression ? Istanbul dont, il y a un siècle, le tiers de la population était chrétien, s’est depuis les années 80 donné un maire islamiste, le premier du genre étant le futur (et inamovible) Premier ministre Erdogan qui, en 1997, avait choisi pour slogan : « Les mosquées sont nos casernes, les minarets nos baïonnettes, les dômes nos casques et les croyants nos soldats. » Résultat : il reste moins d’un pour cent de chrétiens en Turquie, où deux prêtres catholiques Italiens ont été assassinés, et la cathédrale d’Antioche, construite sur le lieu même où prêcha saint Paul, est un désert.

Au Kossovo, les admirables monastères orthodoxes médiévaux tel celui de Decani (construit par des franciscains au XIVème) ont été maintes fois attaqués au mortier et les moines dépendent pour leur survie du maintien de la Force d’interposition (la Kfor). Comme le confiait fin décembre le Père Slava Janic, archimandrite de Decani, au Figaro-Magazine, « les Serbes ne disposent que d'une liberté très relative en dehors des enclaves où ils sont regroupés. Leurs droits sont limités et ils subissent toujours des harcèlements verbaux et parfois physiques. Surtout, il nous est impensable de vivre sans protection internationale, car rien ne garantit que ne se reproduise une flambée de violences comme celle de mars 2004, quand 35 églises ou cimetières orthodoxes ont été détruits en deux jours. A l'époque, la situation paraissait calme et la ville de Prizren était un modèle de tranquillité et un symbole de société multiethnique : en quarante-huit heures, tous les Serbes de la ville ont été expulsés, la résidence de l'évêque et les églises brûlées... Si certains sanctuaires sont en cours de reconstruction, trois monastères sont toujours en ruines. Et des centaines de cimetières ont été dévastés… Malgré les grands discours officiels sur le Kossovo multiethnique, la vérité est que le pays est un Etat de plus en plus monoethnique et une société monoreligieuse : en dix ans, 150 sites sacrés chrétiens ont été détruits ou endommagés. »

France : « Silence coupable » devant les profanations et provocations

Et la France connaît à son tour son lot d’« incivilités », particulièrement dans le Midi. Le 8 décembre, une centaine de catholiques niçois participant à une procession entre la place Sainte-Claire et la Vierge du Malonat (réputée avoir protégé le Vieux Nice d'une épidémie de choléra en 1854) ont été ainsi conspués par des Maghrébins hurlant « Allahou Akbar », certains n’hésitant pas à cracher sur les fidèles sans que les policiers municipaux présents, mais postés il est vrai en tête de la procession, ne réagissent.

Même insécurité pour les catholiques à Avignon, où le père Gabriel Picard d’Estelan, curé du secteur paroissial Saint-Jean, n’hésite plus devant la cadence des attaques à parler de « profanation » dont les auteurs, contrairement à ce qu’affirment les pouvoirs publics (toujours soucieux d’éviter les vagues), ne sont pas selon lui « de simples gamins désœuvrés » mais suivent une véritable stratégie d’intimidation : « Des semaines de pétards dans les jambes de ceux qui se rendent à la Messe ou qui viennent entretenir notre église. Des tags et autres graffitis dessinés à la peinture rouge sur toute une façade. Des inscriptions vantant les mérites de telle ou telle communauté… Une entrée d’église prise pour un urinoir et qu’il faut nettoyer chaque matin. Des jets d’excréments contre les murs de l’église et ce régulièrement, une fois par semaine environ, avec ce que cela représente en tant que symbole, mais aussi en tant que difficulté pour faire disparaître une telle souillure… Ils ne savent pas ce qu’ils font ? Mais bien sûr, ils le savent. Et ils le font en riant parce que personne ne dit rien, le silence est de mise de la part des autorités et de la presse. » Et le curé d’exiger que « soient respectés notre lieu de prière et notre foi » : « Nous demandons à ce qu’on ne ferme pas systématiquement les yeux sur des actes de profanation qui ne sont pas anodins, loin de là. Nous demandons à ce que le silence coupable qui entoure ces actes soit rompu… La situation de nos quartiers est dramatique et si l'on ne met pas ce sujet sur la table en toute vérité avec son aspect culturel et religieux qui est posé par l'islam, nous serons les premiers responsables de la violence qui tôt ou tard embrasera la France entière. »

Un avertissement qui mérite d’être médité. Même si le pire n’est jamais sûr, il se produit trop souvent. Certes, en France, l’islam est actuellement minoritaire. Mais qui sait qu’il l’était encore au XIVème siècle en Egypte, soit sept siècles après la prédication de Mahomet ? Aujourd’hui, les chrétiens y sont devenus les « cibles légitimes » des fondamentalistes coraniques. Avec l’accélération ce l’histoire (et de l’«immigration-invasion »), qu’en sera-t-il demain en France, jadis fille aînée de l’Eglise ?

Claude Lorne.
02/01/2011

Correspondance Polémia – 04/01/2011

Image : Assouan – Cathédrale copte

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