Maurice Allais : face au mur de l'argent international

mercredi 13 octobre 2010

Avec Maurice Allais, c’est un monument de l’intelligence et du courage français qui disparaît. Loin des éloges funèbres grandiloquents, Philippe Bourcier de Carbon, président de l’Association des amis de Maurice Allais, a présenté une lumineuse synthèse de sa vie, de son œuvre et de son action, lors d’un déjeuner du Cercle des libertés républicaines (*). Polémia en donne le résumé à ses lecteurs.
Polémia

Maurice Allais a été unique en économie. Il a aussi été unique en physique (**) (mais on s’en apercevra plus tard). Dans les deux domaines, il a toujours privilégié les faits. Il a toujours repensé les théories à la lumière des faits. C’est précisément pour cette raison qu’il a été ostracisé très tôt. Car rappeler des faits, c’est prendre le risque de déplaire à des intérêts ou de bousculer des habitudes intellectuelles. Maurice Allais ne pliait devant personne quand il s’agissait d’établir des faits.

Sans cesse à contre-courant par respect des faits

Maurice Allais a sans cesse été à contre-courant. Quand dans les années cinquante tous les intellectuels encensaient l’empire communiste et annonçaient que sa production allait dépasser celle de l’Occident, il a démontré que les statistiques soviétiques étaient fausses. Plus tard, il appliquera la même méthode à la critique du libre-échangisme mondial, restant toujours attaché au marché libre mais à condition que celui-ci soit encadré de règles strictes.

Maurice Allais obtient le prix Nobel d’économie en 1988 pour ses théories sur les marchés efficients. Mais cela ne s’accompagnera pas de sa médiatisation : rendant compte de la distinction dans Le Figaro, l’économiste Jean-Jacques Rosa qualifiera Maurice Allais « d’économiste pour les économistes », alors même que Maurice Allais dans la deuxième partie de son œuvre devenait plus accessible au grand public.

Mais il est vrai que son livre de 1976, L'Impôt sur le capital et la réforme monétaire, développait des thèses contraires à de puissants intérêts, bancaires en particulier. Sa dissidence s’amplifiera dans les années qui suivront avec notamment Erreurs et impasses de la construction européenne (1992), La Crise mondiale aujourd’hui (1999), L'Europe en crise. Que faire ? (2005), La Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance, l'évidence empirique (2007).

Maurice Allais estimait que la mondialisation et le libre-échange international avaient détruit le tiers des revenus des Français (chômage, baisse des salaires) et qu’ils se faisaient au profit des multinationales.

A partir de 1999 les médias, déjà peu ouverts, se fermeront complètement. Le mur de l’argent international aura raison de Maurice Allais. En 2005, il tente vainement de passer un article sur le traité constitutionnel dans la grande presse : tour à tour Le Monde, Le Figaro et Libération refuseront. Finalement L’Humanité publiera intégralement l’article. Commentant cette étrange situation le libéral Maurice Allais dira : « Je ne pensais qu’on en était déjà rendu là en France. »

Correspondance Polémia -  13/10/2010
D’après une communication de Philippe Bourcier de Carbon, président de l’Alliance internationale pour la reconnaissance des apports de Maurice Allais en physique et en économie.

(*) Le Cercle des libertés républicaines est présidé par Yves-Marie Laulan, par ailleurs président de l’Institut de géopolitique des populations. Le déjeuner s’est tenu à Paris le 12 octobre 2010.
(**) Maurice Allais s’est aussi beaucoup intéressé aux insuffisances de la théorie de la relativité et aux faits qui ne cadraient pas avec.

Voir : Le pouvoir financier au coeur de la crise de 2008 : Les analyses prophétiques de Maurice Allais

Image : remise de l’épée d’Académicien à Maurice Allais le 19/10/1993

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