Transports en Ile de France : le déni de réalité

lundi 22 février 2010

Dans la vie quotidienne et professionnelle des Franciliens les transports sont devenus un problème majeur : une source de retards fréquents préjudiciables au travail et à la vie de famille. Une source de stress aussi. L’UMP et le PS (et ses alliés Verts) ont promis d’en faire un sujet de débat. Paradoxal pour des gens qui cogèrent ensemble les transports publics depuis trente ans sans avoir jamais voulu prendre en compte les réalités.

Explications.

La cogestion UMP-PS-Verts

Depuis trente ans, l’Etat, la région et les départements de la couronne parisienne cogèrent les transports au sein du syndicat des transports d’Ile de France (STIF) : or les majorités nationales ont rarement correspondu aux majorités régionales et départementales. Le pouvoir a donc presque toujours été partagé entre le PS (et ses alliés Verts) et l’UMP (ou son ancêtre RPR/UDF). Ni les uns, ni les autres n’ont fait des transports leur priorité : bien au contraire, les crédits d’Etat ont chuté et la part des dépenses de transport dans le budget de la région n’a cessé de se réduire.

Le vieillissement d’un réseau sous entretenu

La qualité d’un réseau de transports ferré, ce sont ses voies de chemin de fer et surtout leur signalisation. Or entretenir des voies et des signaux, cela ne s’inaugure pas, cela ne se présente pas sur du papier glacé, cela ne fait pas rêver. Autant dire que cela n’est ni médiatique, ni politique et que par conséquent cela n’est pas financé. Aussi une bonne partie du réseau transilien de la SNCF remonte aux années 1930. Le réseau RATP n’est pas non plus de la première jeunesse. Plutôt qu’investir dans la durée les élus courtermistes préfèrent les opérations clientélistes et les paillettes : ouverture de lignes de nuit et création de nouvelles catégories d’usagers gratuits ou semi gratuits. Mais augmenter les dépenses de fonctionnement et diminuer les recettes correspondantes n’est pas la meilleure méthode pour financer des investissements.

Les investissements nouveaux sont rares et…

Chaque campagne électorale amène son lot de promesses. En 1992, Charles Pasqua avait présenté le projet MUSE : 100 kilomètres d’autoroutes souterraines ; un projet qui n’a pas dépassé le stade du paiement… des factures du bureau d’études (Bouygues). En 2010, l’UMP sort à nouveau la carte de l’infographie avec le projet de Grand Paris et de super métro…qu’il ne reste plus qu’à financer. Lé réalité est plus prosaïque : en dehors du métro automatique de la ligne 14 (qui dessert le ministère des finances à Bercy), peu de projets structurants ont été réalisés au cours des dernières décennies à part quelques tramways. Certes certaines lignes sont utiles mais le tramway est un équipement pour ville moyenne (jusqu’à 800 000 habitants) plus que pour une mégalopole de 12 millions d’habitants. Qu’importe : il est réputé « écolo » et tendance.

…Les gaspillages fréquents

C’est pour cette raison qu’en 2003 l’UMP vota le projet de tramway des Maréchaux. Toutes les études économiques montraient le faible intérêt de ce projet. Mais André Santini et Jean-François Copé l’ont soutenu avec un argument imparable : « les médias sont pour, on ne peut pas passer pour ringard ». Sept ans plus tard le projet a une rentabilité négative : ses avantages sont inférieurs à ses inconvénients ; il rend la circulation automobile plus difficile (ce qui était l’objectif des Verts) et provoque des reports de trafics vers des transports en commun déjà saturés. Un scandale à 400 millions d’euros : chapeau les artistes !

Les mêmes acteurs (PS et Verts notamment) se sont opposés pour des raisons démagogiques au financement par le secteur privé d’une liaison ferrée nouvelle gare de l’Est/ Roissy : un projet de desserte moderne d’un aéroport qui aurait de surcroît déchargé la ligne B du RER.

Des actes de malveillance de plus en plus nombreux

La réduction de l’offre effective de transports n’est pas due uniquement à des causes techniques. Elle a aussi des causes humaines : « les incidents voyageurs » qui sont de plus en plus nombreux. Certes certains sont difficilement évitables : malaise de passagers et suicides dramatiques (160 par an). Mais la majorité des « incidents voyageurs » sont dus à des actes de malveillance : bagarres, agressions de conducteurs ou de contrôleurs, dégradations, « promenades » le long des voies, jets d’objets, etc. Et les grèves organisées pour protester par des syndicats qui n’osent jamais parler des vraies causes aggravent encore la situation. D’autres « incivilités » égoïstes (bloquer la fermeture des portes d’un train pour monter dedans) contribuent aussi à la désorganisation du réseau. Bien sur c’est dans les banlieues de l’immigration que ces actes sont les plus fréquents mais leurs conséquences se répercutent sur l’ensemble du réseau et des usagers.

Poursuite de l’immigration, « white flight » et saturation des réseaux

Dans le même temps la demande de transports (passagers-kilomètres) augmente. Chaque année, selon les chiffres officiels, 40% des étrangers s’installant en France arrivent en région parisienne : soit 60 000 à 80 000 personnes qu’il faut bien loger et transporter. Cette arrivée régulière a une conséquence : le « white flight » c'est-à-dire le départ de nombreux français de souche qui quittent le centre de l’agglomération (Seine-Saint Denis, Val de Marne, nord des Hauts de Seine et sud–est du Val d’Oise) pour la périphérie de l’Ile de France et le pourtour du bassin parisien. Toutes personnes qu’il faut bien aussi transporter. Curieusement, les partisans de l’immigration ne se sont jamais posés la question du financement du coût des infrastructures qu’elle rend nécessaire.

Bien sur, tout ceci ne joue pas dans le sens d’une meilleure compétitivité de l’Ile de France

Campagne électorale et déni de réalité.

Ce qui caractérise la gestion de l’Ile de France, c’est le courtermisme et le déni de réalité : ainsi le schéma directeur prévoit tranquillement d’augmenter le nombre des logements et de diminuer les surfaces constructibles sans jamais se poser les vraies questions car elles sont taboues ! Reste la poudre aux yeux électorale. Face au socialiste Jean-Paul Huchon qui s’apprête à renouer son accord avec les Verts, la chef de file de L’UMP, Valérie Pécresse, joue la carte de l’image : « Les Franciliens veulent voir ce nouveau visage de la politique, moderne, écologiste, numérique et sociale. » Voila qui doit rassurer les travailleurs qui attendent sur des quais bondés des trains circulant en retard sur des voies vétustes !

Jean-Yves Le Gallou

22/02/2010

Polémia

Image : Le 96

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