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Sur la censure et l’homme américain

Sur la censure et l’homme américain

par | 15 janvier 2011 | Société

Il y a peu, Polémia, sous la signature de Claude Lorne, présentait la traduction française du livre de Tomislav Sunic, paru en anglais aux États-Unis en 2007, Homo americanus. Rejeton de l’ère postmoderne.

Georges Feltin-Tracol, rédacteur en chef d’Europa Maxima, qui connaît bien l’auteur, apporte aujourd’hui des compléments sur l’avènement du nouveau totalitarisme occidental qui se répand à une vitesse grand V en Europe. Dans la ligne du récent édito de Polémia, mis sur site le 6 décembre dernier, La France, pays le moins démocratique de l’Europe de l’ouest, il conclut : « Il en résulte une glaciation des libertés réelles au profit d’une “liberté” incantatoire et fantasmatique. Les libertés d’opinion et d’expression se réduisent de plus en plus sous les actions criminogènes d’un “politiquement correct” d’émanation américaniste.»

On trouvera ci-après de nombreux extraits de cette longue analyse philosophique de Georges Feltin-Tracol, que nous remercions de nous permettre de les reproduire, et on attirera plus particulièrement l’attention du lecteur sur l’alinéa sous-titré « Un despotisme en coton » et sur les quelques lignes qui le précèdent.

De la postmodernité en Amérique

En 1835, après un long séjour aux États-Unis où il avait l’intention d’étudier le système carcéral, Alexis de Tocqueville accéda vite à la gloire littéraire avec son essai sur De la démocratie en Amérique. Dans une remarquable biographie intellectuelle qui lui est consacré, Lucien Jaume propose l’hypothèse que Tocqueville regarde en creux la France de son époque (1).

Ancien dissident anticommuniste du temps de la Yougoslavie, réfugié politique aux États-Unis dont il a acquis la citoyenneté, ex-diplomate de la jeune Croatie indépendante et penseur anticonformiste reconnu, Tomislav Sunic publie enfin en français son Homo americanus. Saluons la belle traduction de Claude Martin et l’excellente initiative des courageuses éditions Akribeia de faire paraître cet ouvrage.

Rédigé directement en anglais et sorti en 2007, Homo americanus pourrait s’adresser en premier lieu aux Étatsuniens (2). Néanmoins, du fait de l’expansion planétaire de l’« American way of life », voire aux nouveaux États développés, son propos concerne aussi les autres peuples dont les Européens.

La problématique postmoderne

Tomislav Sunic scrute la société étatsunienne en prise avec la postmodernité. Toutefois, le concept conserve une grande ambiguïté. « Dans un monde en mutation, un nouveau mot est entré dans l’usage à la fin du XXe siècle, celui de “ postmodernité ”. Ce mot imprécis, mais aussi quelque peu snob, est de plus en plus utilisé pour décrire l’Amérique et l’américanisme (pp. 59 – 60). » L’auteur donne au terme une réelle connotation négative. Il reconnaît que « la postmodernité est à la fois une rupture avec la modernité et son prolongement logique dans une forme hypertrophiée (p. 226) ». Il ajoute aussitôt que « la postmodernité est l’hypermodernité, dans la mesure où les moyens de communication rendent méconnaissables et disproportionnés les signes politiques (p. 227) ».

Qu’est-ce que l’américanisme ?

Afin de correctement saisir l’objet de sa recherche, Tomislav Sunic utilise les expressions d’américanisme et d’Homo americanus. (…)». Mais qu’entend-il par américanisme ? Ce mot « a un sens légèrement péjoratif et est plus souvent utilisé en Europe qu’en Amérique du Nord. En général, le mot “ américanisme ” désigne un ensemble de croyances quotidiennes et de modes de vie ainsi que le langage américain – qui tous pourraient être décrits comme des éléments de l’idéologie américaine (p. 41) ». (…)

Oui, « l’américanisme est un système idéologique fondé sur une vérité unique; un système décrit dans l’Ancien Testament et dans lequel l’ennemi doit être assimilé au mal (…)». L’auteur insiste en outre sur le fait que « l’américanisme n’a jamais été le fondement administratif du système politique américain, pas plus qu’il ne s’est implanté uniquement parmi les membres des élites politiques de Washington. L’américanisme, en tant que dénominateur commun de l’égalitarisme parfait, transcende les différents modes de vie, les différentes attaches politiques et les différentes confessions religieuses (pp. 86 – 87) ».

(…)

Des frères jumeaux égalitaristes

Nonobstant leurs nombreuses grandes fortunes, les États-Unis se réclament toujours de l’égalité et de ses succédanés contemporains (la discrimination positive, l’antiracisme). (…). Pire, « après la disparition de l’Union soviétique, des traits cryptocommunistes, qui étaient latents au sein de l’américanisme ou avaient été soigneusement dissimulés durant la guerre froide, commencèrent subitement à apparaître. Il fallait s’y attendre, étant donné que l’Amérique, tout comme l’ex-Union soviétique, s’ancre juridiquement dans les mêmes principes égalitaires (pp. 79 – 80) ». Fort de son vécu dans le monde communiste, Tomislav Sunic attribue à Homo americanus et à Homo sovieticus une gémellité irréfragable (…).

Quitte à soulever l’indignation des bien-pensants, Tomislav Sunic estime que « les deux systèmes s’efforcèrent de créer un “ homme nouveau ”, délesté de son encombrant passé et prêt à entrer dans un monde insouciant et blasé à l’avenir égalitaire radieux (p. 80) ». (…) Ces millions d’immigrés, (…) qui arrivent aux États-Unis restent fascinés par l’image qu’on leur en donne à travers les feuilletons télévisés et autres « soaps » sous-culturels. On arrive au moment crucial « que l’Amérique bien qu’elle soit une utopie qui s’est réalisée au début du XXIe siècle, demeure une utopie bancale, uniquement destinée aux immigrants du tiers-monde (p. 99) ». Il existait naguère une autre utopie réalisée quoique imparfaite qui se fracassa finalement sur la réalité : l’U.R.S.S. (…)

L’Amérique-monde

L’expression « Amérique-monde » revient à l’essayiste néo-conservateur, ultra-libéral et ancien gauchiste hexagonal Guy Millière (8). Comme naguère l’U.R.S.S., les États-Unis véhiculent un messianisme séculier profondément puritain.

(…)

Contrairement aux sempiternels clichés, l’isolationnisme et l’interventionnisme ne sont que les deux facettes d’une seule et même finalité dans les relations internationales : la suprématie mondiale et la promotion du « modèle américain ». Les États-Unis se pensent comme nouveau « peuple élu » à l’échelle du monde ! Tomislav Sunic rappelle que « les mythes fondateurs américains s’inspirèrent de la pensée hébraïque (p. 157) » et que « l’américanisme postmoderne n’est que la dernière version laïque de la mentalité juive (p. 162) ». (…)

(…)

Depuis 1945, l’antifascisme et le soi-disant multiculturalisme contribuent de façon consubstantielle au renouvellement permanent de l’américanisme. Les États-Unis virent dans la fin subite du bloc soviétique le signe divin de leur élection au magistère universel. Désormais, la fin de l’histoire était proche et l’apothéose de l’« Amérique » certaine. Pour Sunic, « il n’est pas exagéré de soutenir, à l’instar de certains auteurs, que le rêve américain est le modèle de la judaïté universelle, qui ne doit pas être limitée à une race ou à une tribu particulière en Amérique, comme elle l’est pour les Juifs ethnocentriques, lesquels sont bien conscients des sentiments raciaux de leur endogroupe. L’américanisme est conçu pour tous les peuples, toutes les races et les nations de la Terre. L’Amérique est, par définition, la forme élargie d’un Israël mondialisé et n’est pas réservé à une seule tribu spécifique. Cela signifie-t-il, partant, que notre fameux Homo americanus n’est qu’une réplique universelle d’Homo judaicus ? (p. 158) ». Serait-ce la raison que « le sens actuel de la postmodernité trouve en partie sa source dans ce que nous a légué la Seconde Guerre mondiale (p. 245) » ?

Il en résulte une glaciation des libertés réelles au profit d’une « liberté » incantatoire et fantasmatique. Les libertés d’opinion et d’expression se réduisent de plus en plus sous les actions criminogènes d’un « politiquement correct » d’émanation américaniste.

Un despotisme en coton

« L’hypermoralisme américain est un prêt-à-porter intemporel pour toutes les occasions et pour tous les modes de vie (p. 153). » Supposée être une terre de liberté et d’épanouissement individuel, les États-Unis en sont en réalité le mouroir dans lequel règne une ambiance de suspicion constante. « Dans le système atomisé de l’américanisme, la dispersion du pouvoir conduit inévitablement à une terreur dispersée dans laquelle la frontière entre la victime et le bourreau ne peut que disparaître (p. 268). » On atteint ici le summum de la surveillance panoptique avec un auto-contrôle mutuel idoine où tout le monde observe tout un chacun (et réciproquement !).

La mode de la « pensée conforme » se déverse en Europe où s’affirme progressivement Homo americanus. « L’Europe n’est-elle pas une excroissance de l’Amérique – quoique, du point de vue historique, de manière inversée ? Le type américain, Homo americanus, existe désormais dans toute l’Europe et a gagné en visibilité aux quatre coins de l’Europe – non seulement à l’Ouest, mais aussi à l’Est post-communiste. De là un autre paradoxe : la variante tardive d’Homo americanus, l’Homo americanus européen, semble souvent déconcentrer les Américains qui visitent l’Europe à la recherche d’un “ vrai ” Français, d’un “ vrai ” Allemand ou d’un “ vrai ” Hollandais insaisissable. À cause du processus de mondialisation et du fait que l’impérialisme culturel américain est devenu le vecteur principal d’une nouvelle hégémonie culturelle, il est de plus en plus difficile de faire la différence entre le mode de vie des citoyens américains et le mode de vie des citoyens européens (pp. 46 – 47). » Cette situation provient de l’ardente volonté de puissance géopolitique des États-Unis. Jusqu’à présent, « le grand avantage de l’Amérique est son caractère monolithique, son unité linguistique et son idéologie apatride fondée sur le concept de gouvernement mondial. C’est pour cette raison que le système américain a été jusqu’ici mieux placé que tout autre pour cultiver son hégémonie mondiale (pp. 190 – 191) ». Or, comme Samuel P. Huntington le constata avec effroi (9), la structure ethnique même des U.S.A. se brouille si bien qu’« en ce début de troisième millénaire, l’Amérique n’a d’autre choix que d’exporter son évangile démocratique universel et d’importer d’inépuisables masses d’individus non européens qui ne comprennent pas les anciennes valeurs européennes. Il est inévitable que l’Amérique devienne de plus en plus un plurivers racial (pp. 178 – 179) ». L’exemple étatsunien vire à la forme postmoderniste de totalitarisme mou ou du despotisme cotonneux inévitable pour gérer l’hétérogénéité ethno-raciale croissante sur son sol et les résistances extérieures à l’imposition de son idéologie. Dans l’histoire, les ensembles politiques trop composites sur le plan ethnique ne tiennent que par et grâce une autorité incontestée car féroce et sans pitié. « Dans une société multiraciale postmoderne comme celle de l’Amérique, tout cela était prévisible et inévitable. Il semble qu’une société multiraciale, comme la société américaine, devient vite extrêmement intolérante, pour la simple et bonne raison que chaque groupe racial ou ethnique qui la constitue veut faire prévaloir sa propre version de la vérité historique (p. 109). » On se trouve alors en présence d’une querelle des mémoires victimologiques que Tomislav Sunic développe dans La Croatie : un pays par défaut ? (10).

Legs du puritanisme et de l’Ancien Testament, l’intolérance constitue le cœur même de la société U.S. Ainsi, « en Amérique et en Europe, l’économie de marché elle-même est devenue une forme de religion laïque, dont les principes doivent être englobés dans le système juridique de chaque pays. […] L’efficacité économique est considérée comme le seul critère de toute interaction sociale. C’est la raison pour laquelle on regarde les individus qui peuvent avoir des doutes au sujet des mythes fondateurs de l’économie libérale comme des ennemis du système (p. 130). » Ensuite, assisté par les éternelles belles âmes, « l’Occident, sous la houlette des élites américaines, aime rappeler aux pays qui ne sont pas à son goût la nécessité de faire respecter les droits de l’homme. Cependant, tous les jours, des individus sont renvoyés, sanctionnés ou envoyés en prison sous l’inculpation de racisme, de xénophobie ou de “ délit motivé par la haine ” et, mystérieusement, tout cela passe inaperçu (p. 142)

Tomislav Sunic établit un parallèle entre la Reconstruction, cette période qui fait suite à la Guerre de Sécession de 1865 à 1877, et l’occupation anglo-saxonne de l’Allemagne après 1945. Avec près de cent ans d’écart, il remarque, horrifié, que « le Sud, après la guerre de Sécession, fut contraint de subir une rééducation semblable à la rééducation et au reformatage que les Américains firent subir aux esprits européens après 1945 (p. 254) ». ». Les Européens ignorent souvent que l’après-Guerre civile américaine fut terrible pour les États vaincus du Sud. Si le Tennessee ré-intègre l’Union dès 1866, les anciens États confédérés vivent une véritable occupation militaire. Dans le sillage des « Tuniques bleues » arrogantes déboulent du Nord des aventuriers yankees (les tristement fameux Carpetbaggers) et leurs supplétifs locaux, les Scalawags, alléchés par l’appât du gain et les possibilités de pillage légal. Ces réactions de résistance aux brigandages des Nordistes souvent liés au Parti républicain s’appellent le premier Ku Klux Klan, la Withe League et les Knights of the White Camelia. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fort du précédent sudiste, l’U.S. Army, cette fois-ci assisté par l’École de Francfort en exil et les universitaires marxistes, entreprend de laver le cerveau des Allemands et aussi des Européens. Certaines opinions cessent de l’être pour devenir des « délits » ou des « crimes contre la pensée » en attendant d’être assimilées à des « maladies mentales » et d’être traitées comme à l’époque soviétique par des traitements psychiatriques, le tout de manière feutrée, parce qu’« il est difficile de repérer la police de la pensée moderne, que ce soit aux États-Unis ou en Europe. Elle se rend invisible en se dissimulant sous des termes rassurants comme “ démocratie ” et “ droits de l’homme ” (p. 117) ». Pourtant, la discrétion répressive est moins de mise aujourd’hui et le soupçon se généralise… Ainsi, « le mot “ démocratie ” a acquis à la fin du XXe siècle une signification sacro-sainte; il est considéré comme le nec plus ultra du discours politique normatif. Mais il n’est pas exclu que, dans une centaine d’années, ce mot acquière un sens péjoratif et soit évité comme la peste par les futurs meneurs d’opinion ou la future classe dirigeante de l’Amérique (p. 10) » surtout si se renforcent les connivences entre microcosme politicien et médiacosme. La médiacratie postmoderne américaine agit de plus en plus de concert avec le pouvoir exécutif de la classe dirigeante. Il s’agit d’une cohabitation corrective au sein de laquelle chaque partie établit les normes morales de l’autre (p. 223). » Faut-il après se scandaliser que politicards et journaleux convolent en justes noces ?

Sous l’égide des penseurs de l’École de Francfort, on encense une nouvelle religion séculière, le patriotisme constitutionnel qui « est désormais devenu obligatoire pour tous les citoyens de l’Union européenne [et qui] comprend la croyance en l’État de droit et à la prétendue société ouverte (p. 129) ». Une véritable chape de plomb s’abat en Europe. Il paraît désormais évident que « les dispositions constitutionnelles sur la liberté de parole et la liberté d’expression dont se vantent tant les pays européens sont en contradiction flagrante avec le code pénal de chacun d’entre eux qui prévoit l’emprisonnement pour quiconque minimise par l’écrit ou par la parole l’Holocauste juif ou dévalorise le dogme du multiculturalisme (pp. 126 – 127) ». Plutôt que pourchasser les trafiquants de drogue, les agresseurs de personnes âgées, les bandes de violeurs, flics, milices privées sous l’égide des ligues de petite vertu dites « antiracistes » et tribunaux préfèrent traquer écrits et sites Internet mal-pensants. « Une des caractéristiques fondamentales de l’américanisme et de son pendant, le néolibéralisme européen, est d’inverser le sens des mots, qui peuvent à leur tour être utilisés avec à-propos par les juges de chaque État européen pour faire taire ses hérétiques (p. 118) ». Il en est en outre inquiétant de lire que « le “ politiquement correct ”, type singulier du contrôle de la pensée, ne disparaîtra pas du jour au lendemain de la vie politique et intellectuelle de l’Amérique et de l’Europe postmoderne. En fait, en ce début de nouveau millénaire, il a renforcé son emprise sur toutes les sphères de l’activité sociale, politique et culturelle (p. 141) ». Son emprise déborde des médias, de l’État, de la politique et de l’école pour se répandre dans le sport et le monde de l’entreprise. On est sommé de suivre ces injonctions où qu’on soit !

Bien sûr, « l’atmosphère d’inquisition actuelle dans l’Europe postmoderne est due aux propres divisions idéologiques européennes, qui remontent à la Seconde Guerre mondiale et même à la Révolution française. Le climat de censure intellectuelle est devenu frappant après l’effondrement du communisme et l’émergence de l’américanisme, désormais seul référent culturel et politique (p. 193) ». Dans la perspective de briser cette « pensée en uniforme » (11), il ne faut pas négliger « d’examiner les origines judaïques du christianisme et la proximité de ces deux religions monothéistes qui constituent les fondements de l’Occident moderne. Il n’y a que dans le cadre du judéo-christianisme que l’on peut comprendre les aberrations démocratiques modernes et la prolifération de nouvelles religions civiques dans la postmodernité. Lorsque, par exemple, un certain nombre d’auteurs révisionnistes américains appellent l’attention sur les contradictions qui existent dans le récit historique de la Seconde Guerre mondiale ou examinent d’un œil critique l’Holocauste juif, ils semblent oublier les liens religieux judéo-chrétiens qui ont modelé la mémoire historique de tous les peuples européens. Les propos de ces historiens révisionnistes auront par conséquent très peu de cohérence. Le fait de dénoncer le mythe présumé de l’Holocauste juif, tout en croyant à la mythologie de la résurrection de Jésus-Christ, est la preuve d’une incohérence morale (p. 170) ».

Adversaires et partisans de l’américanisme possèdent bien souvent un fond intellectuel commun, d’où l’âpreté des conflits internes et des convergences avec le communisme. Il n’est pas paradoxal que les libéraux-libertaires défendent « sans relâche l’idéologie du multiculturalisme, de l’égalitarisme et du mondialisme, c’est-à-dire toutes les doctrines qui étaient autrefois destinées à constituer le système communiste parfait. La seule différence est que l’adoption du capitalisme des managers et de l’historiographie judéocentrique moderne a rendu plus efficace la variante américanisée du politiquement correct (pp. 141 – 142) ».

Le communisme, assomption de l’américanisme !

Pour paraphraser Marx, le spectre du communisme continue à hanter l’Occident, en particulier les États-Unis. Sunic constate que « le communisme a beau être mort en tant que religion programmatique, son substrat verbal est toujours vivant dans l’américanisme, non pas uniquement chez les intellectuels de gauche, mais aussi chez les Américains qui professent des opinions conservatrices (p. 105) ». À ce sujet, un conservatisme étatsunien est-il vraiment possible ? L’auteur répond que « le conservatisme moderne américain ne va pas jusqu’à constituer un oxymore historique et, d’ailleurs, on se demande s’il reste encore quelque chose à conserver en Amérique. L’américanisme, par définition, est une idéologie progressiste qui rejette toute idée d’une société et d’un État traditionnel européen. (…)

(…)

Dans un contexte de crise mondiale et de pénurie à venir, « le communisme est aussi un modèle social idéal pour les futures sociétés de masse, qui seront confrontées à une diminution des ressources naturelles et à une modernisation rapide (p. 88) ». L’hyper-classe oligarchique mondialiste n’est finalement qu’une nouvelle Nomenklatura planétaire…

Le recours néo-sudiste

S’« il s’agit surtout d’attaquer l’idéologie du progrès, qui est la clé de voûte de l’américanisme et du monde américanisé dans son ensemble, en particulier depuis 1945 (pp. 243 – 244) », les pensées conservatrices actuelles, trop mâtinées de libéralisme, n’ont aucune utilité. (…) « Historiquement, souligne Sunic, le tissu social de l’Amérique est atomisé; cependant, avec l’afflux d’immigrants non européens, la société américaine risque de se balkaniser complètement. Les affrontements interraciaux et le morcellement du pays en petites entités semblent imminentes (p. 218). » N’est-ce pas une bonne nouvelle ? Non, parce qu’« il se peut que l’Amérique et sa classe dirigeante disparaissent un jour ou que l’Amérique se morcelle en entités américaines de plus petites dimensions, mais l’hyperréalité américaine continuera de séduire les masses dans le monde entier (p. 232) » comme Rome a séduit les peuples germaniques à l’aube du Haut Moyen Âge !

Puisque « en raison de son rejet radical des dogmes égalitaires, Nietzsche pourra être un moteur important de la renaissance des Américains d’origine européenne et de leur renouveau spirituel, une fois qu’ils se seront libérés du dogme puritain de l’hypermoralisme (p. 244) », la réponse ne viendrait-elle pas dans l’invention d’« un système américain qui, tout en rejetant la forme égalitaire de la postmodernité, pourrait remettre à l’honneur les idées et les conceptions des penseurs antipuritains américains antérieurs à l’ère des Lumières (p. 244) » ? (…) Sunic invite les Étatsuniens à recourir au Sud. Mais attention ! « Le Sud n’était pas une simple partie géographique de l’Amérique du Nord; c’était une civilisation autre (p. 256). » Maurice Bardèche l’avait déjà proclamé dans son célèbre Sparte et les sudistes (13). Or un tel réveil relève de l’impossibilité. Du fait de la rééducation des esprits après 1865, le Sud est devenu une annexe du puritanisme le plus fondamentaliste (la fameuse Bible Belt) qui vote massivement pour les candidats républicains. Dixie est bien oubliée ! (…)

(…)

Cette ré-orientation nécessaire de l’« Américain » permettrait-il enfin aux Boréens des deux rives de l’Atlantique de se retrouver et d’affronter ensemble les défis de leur temps ? L’auteur en imagine les conséquences : « Homo americanus, dans un contexte différent et dans un système de valeurs différent, pourrait être vu comme un type positif, c’est-à-dire comme le prototype d’un nouvel homme prométhéen dont les valeurs antimercantiles, anticapitalistes et anti-égalitaires diffèrent de celles qu’afficha l’homme qui débarqua du Mayflower et dont les descendants finiront à Wall Street. Si, comme le soutiennent les postmodernistes, l’Amérique devrait être une entité pluraliste et hétérogène, c’est-à-dire un pays formé de millions de récits multiculturels, alors il faut aussi accepter l’héritage de l’eugénisme et du racialisme et, surtout, l’incorporation des cultures traditionnelles européennes en son sein. Selon cette définition, l’Amérique pourrait conjuguer traditionalisme et hypermodernisme; elle pourrait devenir le dépositaire des valeurs traditionnelles et des valeurs postmodernes européennes (p. 245) ». (…).

Georges Feltin-Tracol
14/01/2011
Europa Maxima

Notes

  • 1 : Lucien Jaume, Tocqueville. Les sources aristocratiques de la liberté, Fayard, Paris, 2008.
  • 2 : Suivant une habitude lexicale généralisée au monde occidental, Tomislav Sunic parle de l’« Amérique » et des « Américains » pour désigner les États-Unis et leurs habitants. Or les États-Unis d’Amérique ne coïncident pas avec l’entièreté du continent américain puisqu’il y a les Antilles, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, ni même avec le subcontinent nord-américain qui comporte encore le Canada et le Mexique. C’est un réductionnisme regrettable que d’assimiler un État, aussi vaste soit-il, à un continent entier.
  • 8 : Guy Millière, L’Amérique monde. Les derniers jours de l’empire américain, Éditions François-Xavier de Guibert, Paris, 2000.
  • 9 : Samuel P. Huntington, Qui sommes-nous ? Identité nationale et choc des cultures, Odile Jacob, Paris, 2004.
  • 10 : Tomislav Sunic, La Croatie : un pays par défaut ?, Avatar Éditions, coll. « Heartland », Étampes – Dun Carraig (Irlande), 2010.
  • 11 : Bernard Notin, La pensée en uniforme. La tyrannie aux temps maastrichtiens, L’Anneau, coll. « Héritage européen », Ruisbroek (Belgique), 1996.
  • 13 : Maurice Bardèche, Sparte et les Sudistes, Éditions Pythéas, Sassetot-le-Mauconduit, 1994.

• Tomislav Sunic, Homo americanus. Rejeton de l’ère postmoderne, avant-propos de Kevin MacDonald, Éditions Akribeia, 2010, 280 p., 25 € (+ 5 € de port). Acommander à Akribeia, 45/3, route de Vourles, F – 69230 Saint-Genis-Laval.

Le texte intégral de Georges Feltin Tracol, avec l’ensemble des notes, est consultable en cliquant ici

Correspondance Polémia – 15/01/2011

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