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« Pétain » de Gérard Bedel

« Pétain » de Gérard Bedel

« Il ne reste plus de programmes ni de professeurs d’histoire pour remettre l’histoire à l’endroit. »

Le 15 janvier, Bertrand Delanoë, maire sortant de Paris, donnait le coup d’envoi des commémorations de la Grande Guerre en inaugurant à l’Hôtel de Ville de Paris l’exposition « Fusillés pour l’exemple, 1914-2014 » à la mémoire des mutinés et des déserteurs du premier conflit mondial. Cette expo se tient salle des Prévôts, rebaptisée « salle de sidération » pour exprimer l’état dans lequel se trouverait un soldat « face au poteau d’exécution ».

N’est-ce pas plutôt à la sidération du public que tendrait Laurent Loiseau, commissaire de cette exposition calquée sur le parcours des visites d’Auschwitz puisque l’on n’y accède que par « un dédale de silhouettes de poilus et de photos de scènes de tranchées grandeur nature, imprimées sur des panneaux fragmentés » afin que, d’emblée, l’émotion prenne le pas sur la réflexion ?

Car, aujourd’hui, déserteurs (25.000) et mutinés sont les véritables héros de la Grande Guerre comme nous l’a assuré l’actuel chef de l’État le 11 novembre dernier : « Tous furent des héros, même ceux qui, après avoir affronté avec un courage inouï, les plus terribles épreuves, refusèrent un jour d’avancer parce qu’ils n’en pouvaient plus. » Mais ne jetons pas la pierre au seul François Hollande puisque son prédécesseur Nicolas Sarkozy avait proclamé le 11 novembre 2008 à Douaumont :

« Je veux dire au nom de notre Nation que beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches mais que, simplement, ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces. »

Réhabiliter « le plus humain de nos chefs militaires » ?

Ce qui est en partie vrai. Mais puisque l’on réhabilite ces « Malgré-eux », pourquoi ne pas en profiter pour réhabiliter aussi celui qui, le premier des grands chefs militaires, avait compris leurs souffrances et s’était efforcé d’y remédier ? Soit Philippe Pétain dont l’universitaire Gérard Bedel, dans une émouvante et érudite biographie (*) retrace l’itinéraire tourmenté, de sa naissance, à Cauchy-les-Tours, à son interminable incarcération à la citadelle de l’île d’Yeu après son inique procès qui s’acheva le 15 août 1945 par sa condamnation à mort, à l’indignité nationale et à la confiscation de ses biens, ce qui obligea longtemps la Maréchale, qui avait suivi son mari à l’île d’Yeu, à « vivre de la charité publique ». En effet, leur appartement des Invalides avait été remis au gaulliste de gauche Capitant et sa demande d’une modeste pension lui avait été retournée à Mme Pétain, précise M. Bedel, avec cette mention : « Refusé. Signé Pleven ». Le même René Pleven, un démocrate-chrétien, qui, garde des Sceaux sous Georges Pompidou, fit voter les lois liberticides de 1972, socle des lois Gayssot, Perben puis Lellouche instituant la police de la pensée et interdisant le libre examen de l’actualité et de l’histoire.

Or, on ne peut expliquer l’adhésion et l’attachement de nos compatriotes à l’Etat Français et à son chef (encore acclamé en avril 1944 à Paris par une foule vibrante) si l’on fait abstraction de son attitude tout au long de la « Der des Der ». Toujours soucieux de ménager le sang de France, le général Pétain n’avait cessé de déplorer les « offensives à outrance » si prisées par certains de ses pairs. Aussi, quand, devant le sanglant échec de celles-ci et la révolte des sacrifiés, l’insubordination gagna les tranchées en avril 1917, « avec 110 corps touchés, appartenant à 54 divisions différentes », le gouvernement le nomma-t-il général en chef des armées françaises avec mission d’y rétablir l’ordre.

500 condamnations à mort mais moins de 60 exécutions

« Pétain, raconte son biographe, prit des mesures d’urgence. Il releva de leurs fonctions deux généraux et une trentaine d’officiers qui avaient fait preuve d’une indigne faiblesse. Il obtint du gouvernement la restauration des moyens de répression mais il en usa avec sagesse. Il y eut environ 500 condamnations dont 50 à 60 furent exécutées. […] Les nombreux graciés furent discrètement envoyés au Maroc, en Algérie ou en Indochine. »

Après avoir ainsi « exercé la sévérité au minimum », « le général en chef entreprit de surmonter la crise en améliorant la vie des soldats et en restaurant la confiance dans le commandement. Des échos de sa Directive n° 1 du 19 mai filtrèrent jusqu’à la troupe : on ne lancerait plus des offensives folles, sanglantes et stériles. Pétain visita en quelques semaines 90 divisions. […] Il s’asseyait au milieu des soldats […], interrogeait et surtout écoutait. Les hommes constatèrent une amélioration rapide de leur vie quotidienne : une meilleure alimentation, plus de confort dans les centres de repos, une organisation raisonnée des permissions. La crise était surmontée fin août. Pétain avait sauvé l’armée française. »

Ainsi le vainqueur de Verdun s’était-il aussi montré « le plus humain de nos chefs », ce que les Poilus ne devaient jamais oublier.

Mais les derniers Poilus ont rendu l’âme et il ne reste plus de programmes ni de professeurs d’histoire pour remettre l’histoire à l’endroit. Ce livre y remédie utilement.

 Jacques Langlois
14/03/2014

Gérard Bedel, Pétain, éd. Pardès, collection Qui suis-je ?, 2014, 128 pages illustrées avec chronologie et bibliographie.

Professeur de Lettres classiques, Gérard Bedel quitta pendant quelques années l’enseignement pour travailler dans la librairie et l’édition. Il enseigne la littérature latine et la littérature grecque à l’Université et collabore à plusieurs revues littéraires et historiques.

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