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« Malaise de l’Occident. Vers une révolution conservatrice ? » de Paul-François Paoli

« Malaise de l’Occident. Vers une révolution conservatrice ? » de Paul-François Paoli

par | 14 mai 2014 | Médiathèque

« Autrement dit, le vrai clivage n’est plus tant entre droite et gauche, même si celui-ci persiste, qu’entre conservatisme et libéralisme. »

Paul-François Paoli, qui est chroniqueur au Figaro littéraire et auteur de nombreux essais, vient de publier un livre intitulé Malaise de l’Occident. Vers une révolution conservatrice ? aux éditions Pierre-Guillaume de Roux.

Conservatisme et libéralisme

L’ouvrage de Paul-François Paoli est consacré à l’opposition entre conservatisme et libéralisme qui est désormais l’opposition centrale du débat philosophico-politique contemporain ; la pseudo-opposition entre droite et gauche n’est que l’élément essentiel de la démocratie parodique et spectaculaire orchestrée par l’oligarchie : « Autrement dit, le vrai clivage n’est plus tant entre droite et gauche, même si celui-ci persiste, qu’entre conservatisme et libéralisme ».

Le libéralisme est fondamentalement et radicalement individualiste et, de ce fait, mondialiste, universaliste, hostile à tous les enracinements et favorable au nomadisme. Il admet l’égoïsme (depuis Mandeville), le désengagement à l’égard de toute forme de communauté (les libéraux nient même la société : « There is nothing such as a society », disait la Dame de fer !) et favorise le développement du narcissisme. L’obsession individualiste conduit à la négation de tous les déterminismes, qu’ils soient naturels, culturels ou historiques, et génère le fantasme de l’auto-engendrement de soi.

 « Ici encore il ne s’agit pas de verser dans l’idolâtrie particulariste mais de comprendre à quel genre de psychose la fragilité identitaire expose les individus. Distinction entre les sexes, entre les enfants et les parents, entre les éducateurs et les élèves. Distinction entre les cultures qui ne doivent pas empêcher les échanges mais au contraire leur donner du sens. Notre conviction est que ni la métaphysique républicaine, ni l’optimisme libéral ne peuvent répondre à ces défis. Seul un conservatisme éclairé et assumé le peut, un “conservatisme” auquel nous donnons un sens civilisationnel et que nous opposons à la barbarie, que nous définissons comme le règne de l’informe et de l’indistinct. »

En effet l’idéologie libérale-libertaire qui a gagné la quasi-totalité des classes politique et médiatique a pour objectif l’indistinction et, comme conséquence, l’informe. Indistinction parce qu’il n’y a plus, pour les tenants de cette idéologie, ni femmes ni hommes, ni Blancs ni Noirs, ni Bretons ni Auvergnats, mais seulement des bipèdes génériques qui prétendent se « construire » et se « reconstruire » eux-mêmes. Non seulement cette idéologie ignore les héritages naturels et culturels mais, de plus, elle s’oppose à toute « mise en forme » des humains selon des règles de vie et d’éthique propres à chaque culture particulière. Le bipède nomade et cosmopolite choisit ou établit lui-même les règles auxquelles il accepte momentanément de se plier. Le résultat de ce processus est très largement observable dans les sociétés occidentales au sein desquelles l’égoïsme, le narcissisme, l’obsession du sexe et de la richesse sont les « valeurs » montantes. La civilisation libérale-libertaire a entamé un processus entropique qui en fera une civilisation informe ; mais sera-ce encore une civilisation ou un agrégat néo-primitif constitué de bandes concurrentes utilisant tous les moyens à leur disposition pour parvenir à leurs fins ?

Puisque nous parlons de l’opposition entre libéralisme et conservatisme, il n’est pas inutile d’évoquer le cas des « conservateurs-libéraux », ces libéraux qui sentent bien que la société libérale est une société dans laquelle la révolution est permanente, ce qui interdit le maintien de toute tradition. Ils ont imaginé une société qui serait donc libérale en économie et conservatrice en matière culturelle, mais, comme le philosophe Jean-Claude Michéa l’a montré, le libéralisme est un bloc et il n’est pas possible d’établir une cloison étanche entre ses deux pôles. Le libéralisme culturel mène au libéralisme économique (c’est ce qui se passe du côté gauche de l’échiquier politique) et le libéralisme économique implique inévitablement une plongée dans le libéralisme culturel (c’est ce que nous observons du côté droit du même échiquier). Le libéral-conservatisme est une impasse parce que le libéralisme est la négation du conservatisme.

Paul-François Paoli résume très bien la nature de l’opposition entre libéralisme et conservatisme :

« En ce sens, libéralisme, socialisme, féminisme sont les progénitures d’un même projet issu des Lumières dont l’objet est de faire émerger une humanité unifiée à l’aune de l’Homme Universel. A cela s’oppose radicalement le conservateur, quel qu’il soit. Au nom de la liberté de rester soi-même, mais surtout au nom de la diversité. Diversité des races, des cultures, et des sexes. Diversité des individus. »

Il définit très justement le conservateur comme celui qui s’oppose au règne de l’Individu intégral et qui « préserve l’homme du danger de l’autonomie radicale et prétend même l’en préserver contre lui-même ».

De Gaulle : un conservateur républicain

Paul-François Paoli considère, à juste titre, que le général De Gaulle a été, parmi les hommes politiques français du siècle dernier, un des rares authentiques conservateurs. La dimension profondément conservatrice de la pensée gaullienne a été gommée par les récupérateurs de gauche mais on peut ajouter qu’elle l’a été également par ses pseudo-héritiers de droite. Les uns et les autres s’emploient à rabattre la pensée gaullienne sur l’idéologie des droits de l’homme à laquelle le Général était totalement étranger. Ce n’est pas pour défendre les droits de l’homme qu’il est parti en Angleterre mais pour tenter de libérer la nation française qui ne se résume nullement à la Révolution française et aux Lumières, contrairement à tout ce que les médias et les politiciens veulent nous faire croire. D’ailleurs, comme le fait remarquer Paul-François Paoli, le Général ne se référait pas à la Révolution française ni aux ténors révolutionnaires ; il avait intégré dès avant la guerre de 1914-1918 l’idée de république mais nous ignorons le sens qu’il lui donnait. Il est permis de penser cependant que ce n’était pas celui que lui donnent nos républicains sans-culottes qui sont les héritiers d’une pensée foncièrement libérale (faiblement teintée de républicanisme romain en général et marquée plus ou moins par l’égalitarisme selon les courants) :

« Ce qui distingue la pensée gaullienne du messianisme républicain est ceci : il y a un peuple français au fondement de la nation. C’est ce peuple, nous croyons l’avoir montré dans nos précédents ouvrages (notamment La France sans identité et Pour en finir avec l’idéologie antiraciste), qui est occulté par la république officielle de Peillon et consorts qui ne connaissent que des citoyens. Occultation qui est, selon nous, la raison fondamentale de l’apparition du Front national dans les années 1980, lequel se construit sur les ruines du gaullisme politique. Aux yeux d’un De Gaulle, la légitimité de l’Etat français est fondée sur un peuple, le peuple français, dont la francité n’est pas réductible à la citoyenneté mais relève aussi d’un sentiment d’appartenance historique et culturelle. »

Il est clair que le Général raisonnait en termes ethniques ; que ce soit concernant l’Algérie, dont il voulait se séparer parce qu’il n’était pas possible selon lui d’intégrer les Arabes, ou bien concernant la Russie éternelle, qui persistait sous la chape de plomb soviétique (c’était particulièrement bien vu), il accordait une importance décisive aux permanences ethnoculturelles. Ainsi dans une directive au Garde des Sceaux du 12 juin 1945, il écrivait :

« Sur le plan ethnique, il convient de limiter l’afflux des Méditerranéens et des Orientaux, qui ont depuis un demi-siècle profondément modifié la composition de la population française. Sans aller jusqu’à utiliser, comme aux Etats-Unis, le système rigide des quotas, il est souhaitable que la priorité soit accordée aux naturalisations nordiques (Belges, Luxembourgeois, Hollandais, Danois, Anglais, Allemands, …). »

Pour une Europe conservatrice des nations

« Le destin de la France, même si celle-ci continue de cultiver des liens légitimes avec l’Afrique et le monde arabo-musulman, se trouve d’abord en Europe et c’est à l’Europe qu’il faut épargner le déclin civilisationnel, une Europe qu’il faut concevoir à partir des nations historiques qui la composent et non contre elles. C’est à cela que la “révolution conservatrice” que nous appelons de nos vœux doit nous préparer. »

Cette vision de l’Europe, qu’il n’a malheureusement pas développée, est dans le droit fil de la pensée gaullienne. Dans son discours du 23 février 1953, le Général disait :

« Pour pouvoir aboutir à des solutions valables, il faut tenir compte de la réalité. La politique n’est rien d’autre que l’art des réalités. Or, la réalité, c’est qu’actuellement l’Europe se compose de nations. C’est à partir de ces nations qu’il faut organiser l’Europe et, s’il y a lieu, la défendre. »

Soixante ans plus tard, la situation n’a pas fondamentalement changé, même si les sentiments nationaux se sont affaiblis ; mais quand l’heure est au doute, c’est vers les nations historiques que les Européens se tournent. Les peuples forgés par l’histoire existent toujours, sans doute pour longtemps encore, tandis qu’il n’y a toujours pas de peuple européen. Or sans peuple, il ne peut pas y avoir de démocratie ; c’est sans doute la raison pour laquelle l’Union européenne a développé la notion de « gouvernance » qui est une variante politiquement correcte du despotisme.

Bruno Guillard
12/05/2014

Paul-François Paoli, Malaise de l’Occident/ Vers une révolution conservatrice ?, Editions Pierre-Guillaume de Roux, 303 pages.

Bruno Guillard
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