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« L’Immigration coûte cher à la France. Qu’en pensent les économistes ? » de Xavier Chojnicki et de Lionel Ragot

« L’Immigration coûte cher à la France. Qu’en pensent les économistes ? » de Xavier Chojnicki et de Lionel Ragot

par | 5 novembre 2013 | Médiathèque

« Qu’en pensent les économistes ? » est une collection de livres publiés par le journal « Les Échos », propriété de l’oligarque Bernard Arnault (LVMH). L’objectif est simple : défendre un point de vue politiquement correct (et correspondant aux intérêts financiers) en lui donnant les couleurs de « l’expertise ». L’immigration coûte cher à la France. Qu’en pensent les économistes ? de Xavier Chojnicki et de Lionel Ragot illustre à merveille cette méthode. Le livre, devenu référence des milieux médiatiques, sous-estime systématiquement le nombre des immigrés et le surcoût de l’immigration, en particulier en matière d’insécurité et de fraude sociale. Il ne prend pas non plus correctement en compte les charges que l’immigration impose aux collectivités territoriales et que les départements d’accueil des familles Dibrani sont en mesure d’apprécier. Expert-comptable, consultant de Polémia, André Posokhow se livre à une analyse serrée de l’étude de Xavier Chojnicki. Nous en publions une brève présentation ainsi qu’une version plus complète en PDF.
Polémia

Les ambiguïtés et les erreurs de la gloire médiatique du livre de Xavier Chojnicki et de Lionel Ragot, L’Immigration coûte cher à la France. Qu’en pensent les économistes ? : un livre qui annonce que l’immigration rapporte à la France et qui a fait le miel des médias.

Les auteurs n’ont pas traité leur sujet

En 2012, Xavier Chojnicki et Lionel Ragot ont fait paraître un livre L’Immigration coûte cher à la France. Qu’en pensent les économistes ? à la suite de plusieurs études sur l’immigration dont une, en 2010, qui leur a été commandée par trois ministères.

Après avoir rappelé leurs conceptions arithmétiques de l’immigration, Xavier Chojnicki et son équipe répondent à l’idée que les immigrés tirent les salaires vers le bas et prennent l’emploi des Français. Ils évaluent leur contribution nette budgétaire positive sur une base statique et selon la méthode dynamique de la « comptabilité générationnelle ». Enfin, ils réfutent le concept de politique d’immigration.

Les médias ont d’abord accueilli avec enthousiasme le résultat chiffré de l’étude de 2010 qui annonçait une contribution budgétaire nette positive de 12Md€. Or, deux ans après, le livre réduisait ce solde positif à 3,9Md€ sans qu’une explication claire soit donnée. Les médias se sont faits beaucoup plus discrets sur cette correction majeure des travaux de l’équipe de Lille.

Ce livre a eu un retentissement certain. Depuis, la simple évocation du problème du poids financier que pourrait représenter l’immigration sur les finances publiques provoque une réaction immédiate du type « toutes les analyses économiques redémontrent une évidence : l’immigration rapporte plus qu’elle ne coûte. L’immigration n’est pas un poids (…) ».

Pourtant, des protestations se sont exprimées. Notamment Jean-Paul Gourévitch et Yves-Marie Laulan sont intervenus dans les médias et sur le site de Polémia pour présenter des arguments contraires. Rappelons également que l’étude Polémia de mai 2013 a abouti à un coût annuel de l’immigration de 84Md€ pour les finances publiques.

Des conclusions du livre ont été dédaignées par des médias partiaux et politiquement corrects

D’une manière symptomatique les médias se sont abstenus de relever que les auteurs ont confirmé un certain nombre de constats bien connus.

Ils reconnaissent qu’en plus de la perspective de revenus « la protection sociale doit dans tous les cas être intégrée à l’analyse des motifs de migration ». Celle-ci constitue une sécurité face aux risques d’un projet de migration et un élément d’attraction.

Ils soulignent la surreprésentation des immigrés pour certains risques de la protection sociale : RMI puis RSA, chômage, logement, famille.

Ils se trouvent en phase avec Michèle Tribalat pour noter que l’intégration de nouvelles générations d’immigrés « rencontre aujourd’hui de réelles difficultés qui ne doivent pas être occultées ».

Enfin, ils s’élèvent contre la loi de 2006 relative à une politique d’immigration guidée par les besoins économiques de la France et étendent leur propos à une démonstration généralisée de l’inanité de toute politique d’immigration. Indirectement c’est un jugement très négatif qui est porté sur l’immigration telle que nous la vivons et que les auteurs remettent en cause.

Des choix de méthodes contestables

Les médias ont oublié les prudences de Xavier Chojnicki

Xavier Chojnicki écrit : « Cela dit, ne nous trompons pas sur le résultat obtenu (contribution nette positive de 3,9Md€). Certes, il montre que l’immigration ne constitue pas un coût pour le budget des administrations publiques mais il ne nous autorise pas pour autant à affirmer que l’immigration constitue une aubaine. Le solde est bien positif pour 2005, mais d’un montant extrêmement faible (moins de 0,5% de PIB). De plus, rien ne nous empêche d’envisager que la même méthode appliquée à des données d’une autre année puisse aboutir à un solde légèrement négatif. »

Il est regrettable que les commentateurs des médias n’aient pas tenu compte de ces lignes restrictives du livre de Xavier Chojnicki.

Un Français qui sort et un immigré qui entre ce n’est pas la même chose

Affirmer que la France est un pays d’immigration relativement modérée sur la base d’un solde migratoire de 75.000 personnes revient à assimiler l’émigration des Français autochtones aux flux de retour d’immigrés et à ne pas tenir compte de l’immigration irrégulière. Il s’agit, au moins, d’une erreur, au pire, d’une tromperie.

Une comparaison scandaleuse

Pour argumenter la faible influence de l’immigration sur le chômage, Xavier Chojnicki rappelle la flexibilité d’un marché théorique du travail mais oublie qu’avec 3 millions de chômeurs le marché du travail français est largement bloqué. Il établit d’une manière scandaleuse une comparaison entre l’immigration actuelle et l’arrivée au début des années 1960 des Pieds noirs qui, eux, étaient des Français et s’intégrèrent rapidement au marché du travail qui à l’époque ne demandait que ça.

La sous-estimation ou l’oubli de nombreuses dépenses, dont celles de la sécurité et de la fraude sociale et fiscale

L’autre lacune, grave aux yeux de plusieurs observateurs, est d’avoir borné l’examen individualisé des dépenses aux prestations à caractère social dont certaines, comme la santé ou l’éducation, apparaissent comme significativement sous-évaluées. Les autres coûts budgétaires sont répartis au prorata de leur pourcentage de la population française, soit environ 8%, ce qui aboutit à une sous-estimation pour deux raisons : la faiblesse de ce taux, tout d’abord, et le poids de l’immigration dans certaines de ces dépenses, comme l’insécurité ou la fraude sociale, qui est proportionnellement nettement plus élevé.

Il existe d’énormes réserves d’activité dans la population française

Enfin, les auteurs reprennent le mantra répété ad nauseam des immigrés qui prennent les emplois dont les Français ne veulent pas. Or de nombreuses voix autorisées en France comme en Angleterre ou les Etats-Unis contestent ce point de vue. C’est le démographe Hervé Le Bras, pourtant peu réputé pour être un adversaire de l’immigration, qui s’interroge : « Est-ce que l’immigration est nécessaire à l’économie française dans les années à venir ? » « Réponse : non ! […] Parce qu’il y a d’énormes réserves d’activité dans la population française » : femmes, jeunes, chômeurs natifs, seniors, etc.

Des données statistiques anciennes

Les données statistiques auxquelles se réfèrent les auteurs ne sont dans l’ensemble pas récentes : à titre d’exemple, la date de référence des travaux est l’année 2005.

L’oubli de la deuxième génération et la sous-estimation du nombre d’immigrés

Les auteurs ne prennent en compte que les immigrés directs au nombre de 5,2 millions et écartent de leurs calculs leurs descendants, c’est-à-dire la deuxième génération et les immigrés clandestins dont le flux est pourtant significatif. Ainsi la population qui sert de base aux évaluations est nettement plus retreinte que la réalité de la présence de l’immigration en France qui est estimée généralement entre 10 et 12 millions de personnes. Pourtant Xavier Chojnicki n’ignore pas celle-ci puisqu’il l’estime dans son livre à 20% de la population vivant en France.

L’ambiguïté entre l’immigration et une population immigrée est-elle volontaire ? En tout cas Xavier Chojnicki n’a pas traité le sujet de son livre

L’immigration, ce n’est pas seulement les immigrés tels que définis par Xavier Chojnicki, à savoir les individus étrangers nés à l’étranger et immigrant en France. C’est aussi les immigrés clandestins et les descendants de ceux-ci, nés en France. Or c’est là un point essentiel : les auteurs l’ignorent. C’est pourquoi, à titre d’exemple, ils n’accolent qu’un pourcentage dérisoire de 3,8% des dépenses d’éducation à leur population scolaire immigrée. Tout le livre repose sur une équivoque terminologique qu’exploitent à fond les médias. Xavier Chojnicki n’a traité le coût que d’une partie de la population immigrée et non celui de l’immigration qui est celui qui nous intéresse.

Comme, à Polémia, nous sommes de bonne volonté nous avons examiné ce livre et étudié les arguments et les calculs de ses auteurs. Cependant cette cible restreinte, certaines méthodes employées et le choix de ne pas retenir une surreprésentation de l’immigration dans les autres dépenses que les prestations sociales conduisent à considérer le chiffre positif de 3,9Md€ ainsi que les conclusions de l’étude dynamique comme ne reflétant pas la réalité du poids de l’immigration sur nos finances publiques.

André Posokhow
24/10/2013

Texte en version complète

Xavier Chojnicki et Lionel Ragot, L’Immigration coûte cher à la France. Qu’en pensent les économistes ?, édition Les Échos / Eyrolles, mars 2012, 128 pages.

André Posokhow

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