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Les échéances électorales de 2014 : une épreuve à haut risque pour un système politique à bout de souffle

Les échéances électorales de 2014 : une épreuve à haut risque pour un système politique à bout de souffle

par | 10 mars 2014 | Politique

« Le pouvoir socialiste agit comme si la société française était une réalité virtuelle qu’il pouvait manipuler à sa guise. »

« L’enjeu de l’échéance électorale que nous allons vivre dans quelques jours dépasse la question du choix d’une nouvelle majorité politique. Il pose plus fondamentalement la question d’un éventuel changement du paradigme politique qui structure la vie publique nationale depuis plus de trois décennies. » C’est sur cette interrogation que nous introduisions un article sur l’élection présidentielle de 2012 qui se proposait de dégager les nouvelles tendances politiques en fonction des évolutions de la sociologie profonde du pays : « L’élection 2012 ou la perspective heureuse d’une nouvelle donne politique » (*).

Le bilan traçait des perspectives de fond que nous pouvons résumer rapidement, au risque de simplifier quelque peu la complexité du sujet, à partir de ses principales conclusions.

La sociologie politique française inexorablement se « droitise ». Cette droitisation se traduit, notamment, par un rapprochement des positions des électorats UMP et FN et par un rejet global de la classe politique. Ce que le Système dominant dénonce comme une dérive « populiste ».

Mais la bipolarisation de la vie politique autour du duo UMPS et l’exclusion du Front national de la vie politique institutionnelle empêchent une recomposition « naturelle » du paysage politique par les droites. Ce blocage, du coup, place le système actuel en tension perpétuelle.

Les évolutions sociologiques profondes, cependant, amplifiées par la crise économique qui déstabilise la société, laissent voir que ce système n’a plus vraiment de marge de manœuvre devant lui et que, faute d’accepter les évolutions que l’histoire réclame, il est condamné à un état de crise permanent qui doit le conduire plus ou moins rapidement à son éclatement.

Nous nous proposons dans cet article de reprendre l’analyse au point où nous l’avons laissée il y a deux ans bientôt, pour réactualiser et évaluer les thèses que nous avions alors développées et, à la lumière des deux ans de pouvoir socialiste, prolonger les scénarios politiques qui découlaient de ces thèses.

Ne faut-il pas, chaque jour qui passe, se féliciter de l’élection de François Hollande ? La question, pour être provocatrice, n’en est pas pour autant dérisoire. Elle permet d’éclairer la phase politique que nous vivons actuellement.

C’est quand la gauche est aux affaires et qu’elle laisse apercevoir la cohérence globale de son projet idéologique que les choses bougent et que le peuple de France gronde.

Il faut dire qu’en une année et demie, le gouvernement socialiste a fait fort. Même les plus optimistes (pessimistes ?) n’auraient pu tabler sur un tel discrédit en un temps aussi rapide.

La douloureuse pédagogie du réel

Le pouvoir en place ne peut être taxé d’immobilisme, il bouge, il court même, parfois, mais dans le sens inverse du sens de l’histoire, c’est-à-dire à contresens des nécessités du temps : celles de l’économie, d’une part, et celles de la société, autrement dit, des attentes et des besoins fondamentaux des Français.

Cette conjonction entre le réel dur du taux de chômage et de la feuille d’impôt, d’un côté, et le réel symbolique et émotionnel des enjeux de société, de l’autre, a un effet détonant qui plonge la France dans un climat mental prérévolutionnaire.

Après des décennies de crise et d’instabilité financées à coups de déficits publics et de hausses d’impôts, le pays était déjà proche du point de rupture. Il n’était pas en mesure de supporter le coup de massue fiscale que les socialistes lui ont infligé.

De 2011 à 2013, les prélèvements fiscaux ont progressé de 70 milliards, une quarantaine reviennent à la gauche, quand, dans le même temps, les déficits publics baissaient de 10 milliards.

Le diagnostic est connu depuis pas mal de temps maintenant et les socialistes les plus raisonnables le reconnaissent volontiers : la France a besoin d’abord de restaurer sa compétitivité et sa capacité d’innovation et cela passe avant tout par la vigueur de l’investissement pour construire une nouvelle politique de l’offre.

Il faut, à cette fin, valoriser et encourager l’investisseur privé, sécuriser l’épargnant et libérer l’entrepreneur et non pas les contraindre et les taxer. Le pouvoir socialiste, en un temps record, a eu l’art de braquer le monde entrepreneurial contre lui. Depuis il rame pour recoller les morceaux alors que l’économie française est au bord de l’effondrement.

Si le coup du Pacte de responsabilité sorti du chapeau présidentiel est peut-être une habile manœuvre politique qui désoriente l’opposition et piège le patronat en lui refilant l’éventuelle responsabilité d’un échec économique cuisant, il est peu probable, en l’état, qu’il puisse renverser la tendance dépressive.

Selon une étude récente (Les Échos/Global Approach Consulting), 79% des entreprises innovantes estiment que le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), fer de lance de la stratégie entrepreneuriale du gouvernement, ne répond pas aux besoins des entreprises.

En l’état actuel de ses propositions de réforme, Hollande est mal parti pour jouer, en 2014, le coup de Mitterrand dans les années 1980 qui, après le recentrage de la rigueur en 1983, avait permis à la gauche, sous la houlette de Pierre Bérégovoy, de mener le big-bang financier de la place de Paris et de jouer la carte de la réconciliation de la gauche et de l’entreprise. Hollande ne réunit pas les conditions politiques nécessaires pour mener à bien le big-bang entrepreneurial et ses marges de manœuvre financières sont nulles.

Mais si dans le domaine économique le gouvernement a fait des petits pas en direction du gouffre que la France serrait déjà de près, dans le domaine sociétal il avance à grandes enjambées accompagnées de gesticulations bruyantes.

Le constructivisme sociétal contre les Français

À travers l’agressivité de son train de réformes sociétales (famille, théorie du genre, justice, sécurité, immigration, identité), il accentue les fractures de la société française et multiplie les rejets de sa politique.

Le conflit autour du mariage homo, notamment, a secoué un électorat de classes moyennes « conservatrices », politiquement modérées par nature, sans susciter pour autant l’adhésion du reste de la population globalement indifférent à ce sujet. Le gouvernement ne pourra pas électoralement valoriser cette réforme à l’actif de son bilan.

Pire encore : l’affaire de la théorie du genre à l’école a montré qu’il se mettait désormais en porte-à-faux, voire en opposition frontale, avec un électorat musulman dont il a un besoin vital pour maintenir ses positions électorales.

Le pouvoir socialiste agit comme si la société française était une réalité virtuelle qu’il pouvait manipuler à sa guise. À contresens donc, avec un volontarisme fier et revendiqué.

La politique pénale et sécuritaire et la politique migratoire de déconstruction de l’identité française traditionnelle sommée de s’adapter aux exigences d’une immigration de masse revendiquée comme légitime et bienfaisante, posent particulièrement problème.

Elles apparaissent comme des agressions violentes contre la sensibilité et les attentes des Français dont les études récentes font ressortir de manière prégnante le besoin sécuritaire et la crainte de la désintégration identitaire. La peur d’une immigration incontrôlée, la suspicion à l’égard d’un Islam jugé incompatible avec les valeurs françaises, la demande d’autorité et la défiance à l’égard des institutions qui maltraiteraient le citoyen, sont en progression constante dans toutes les familles politiques.

Le pouvoir en place déploie des schémas idéologiques qui prennent à revers les évolutions et les aspirations de la société française telle que nous l’avons décrite dans notre article de 2012 à partir des matériaux statistiques de l’époque et que les enquêtes actuelles ne font que confirmer en les amplifiant.

La crise de confiance enfonce la cote d’alerte

Après une année 2013 marquée par de vastes mouvements de contestation du pouvoir en place, le Baromètre Opinion Way/Cevipof de la confiance politique rendu public en janvier 2014 a fait l’effet d’une bombe, tant il met en exergue le ras-le-bol des Français.

Les chiffres sont sans appel : 75% de nos compatriotes ne font plus confiance ni à l’État, ni à la République et 88% rejettent les partis politiques ! 69% jugent ainsi que la démocratie ne fonctionne pas bien et, plus terrible encore, 50% ne croient plus à la démocratie et souhaitent être gouvernés par « un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement et des élections ».

La défiance massive à l’égard du pouvoir politique, que nous avions déjà identifiée en 2012, tourne désormais au sentiment de révolte. Pascal Perrineau, directeur général du Cevipof, parle, lui, de « dégoût, de ressentiment et de colère ». 61% des Français se disent prêts à descendre dans la rue, contre 30% en 2010.

On assiste là à un rejet qui touche désormais les fondamentaux de notre système politique et frappe directement la construction européenne. Les Français ne sont plus que 32% à faire confiance à l’UE, soit plus de 20 points de chute en deux ans, si l’on considère qu’en mars 2012 un sondage TNS/P&S soulignait que 54% de nos compatriotes jugeaient positivement le rôle de la construction européenne, avec toutefois, déjà, un avis largement négatif sur l’euro à 59%.

Les partis institutionnels, qui, depuis des décennies, orchestrent le débat politique « légitime » autour d’un affrontement classique droite/gauche qui recouvrirait toutes les nuances « admissibles » du débat « républicain », sont-ils encore audibles, alors que 73% des Français considèrent que les « notions de droite et de gauche ne veulent plus rien dire » et que 60% affirment « ne plus avoir confiance ni dans la droite ni dans la gauche pour gouverner » ?

Qui peut sérieusement aujourd’hui contester que, dans les esprits du moins, les temps du changement sont advenus ?

Fragmentation et recomposition du corps politique

Nous avions clairement identifié en 2012 le retour dans le jeu politique national des quatre grandes familles idéologiques qui structurent la sociologie politique française : une droite nationale et populaire, une droite européiste et libérale, une gauche socialiste, mélange attrape-tout de courants libéraux libertaires et d’héritages étatistes néomarxistes et jacobins, une extrême gauche marxiste « classique » et une autre plus écolo-altermondialiste : une extrême gauche qui se subdivise en courants PS compatibles, qui, comme les Verts, peuvent donc être intégrés ou non aux structures du pouvoir.

La tendance à la bipolarisation forcée qui marque la vie politique depuis plus de trente ans a fait fi des nuances et divisions qui travaillent la société française, d’autant que, au-delà de la bipolarisation apparente, le système politique dominant s’est construit sur un socle commun de choix européistes, mondialistes, immigrationnistes et atlantistes, corpus doctrinal de la fameuse « pensée unique », qui a ramené la vie politique nationale à des alternances en trompe-l’œil au sein d’un cadre immuable.

La crise économique et ses ravages sociaux, la désintégration des structures traditionnelles d’appartenance et les violences sociales et criminelles galopantes appellent de nouvelles réponses politiques que le cadre institutionnel et idéologique actuel non seulement ne peut fournir mais rejette et condamne absolument, tant au niveau national qu’européen. Le Système marginalise et diabolise ses opposants, mais, pour autant, il ne dispose plus de véritables marges de manœuvre.

Les prochaines échéances électorales françaises enregistreront nécessairement ces tensions grandissantes à l’intérieur du cadre d’où émergeront de nouvelles formes politiques plus conformes aux forces sociologiques profondes.

Le Système à l’épreuve des élections

Les élections de 2014 se présentent donc comme un test déterminant pour évaluer la résilience du Système en fonction de l’état des forces politiques en présence.

L’UMP et le PS sont pris conjointement dans un mouvement d’affaissement incontrôlé où chacun espère sa survie de l’effondrement prioritaire de l’autre, tout en sachant que cet effondrement de l’autre doit logiquement provoquer le sien car il libère mécaniquement les forces centrifuges qui ouvriront de nouveaux espaces politiques. Chacun doit favoriser la chute du concurrent tout en évitant l’effondrement fatal qui écroulerait le Système en même temps et dont ils sont tous les deux solidaires. Le coup est loin d’être évident à jouer.

Pour preuve, la gauche radicale vit de plus en plus mal son rôle de supplétif électoral dans lequel sa voix devient inaudible. Pour exister, elle tente une radicalisation verbale et un retour à la rue dont elle sait au fond qu’elle n’a pas grand-chose à attendre. Les dernières manifestations de force de Mélenchon ont tourné à la farce, avec un reportage truqué sur la prétendue foule, un simple effet de prise de vue, qui entourait le leader maximo.

Nous l’avions analysé en 2012 : l’immigrationnisme forcené de l’extrême gauche et son libertarisme sociétal tourné, notamment, vers l’idéologie du genre la coupe définitivement des classes populaires « de souche » et la jeunesse issue de l’immigration qui se politise exprime une répulsion de plus en plus violente pour les héritages « antiracistes » et sociétaux de la gauche et de l’extrême gauche – un phénomène que l’affaire Dieudonné et sa quenelle a mis en exergue et exacerbé.

La gauche socialiste – et ses alliés écolos, Front de gauche et PC (l’extrême gauche de la gamelle, en quelque sorte) – ne dispose plus d’aucune force de rappel à gauche. Elle tente, au mieux, de maintenir ses positions. Sa seule chance de sauver les meubles est d’espérer un bon score du FN aux municipales qui lui permettent de défaire la droite dans un jeu de triangulaires. Selon certaines évaluations, le FN pourrait être en position d’arbitre dans plus de 90 des 240 villes de plus de 30.000 habitants.

Cette configuration sera la clé de notre avenir politique proche à l’issue des élections municipales. Le jeu des partielles en 2013 a montré qu’il était désormais possible de voir le PS perdre, voire être absent, au 2nd tour d’une élection locale qui se polarise autour d’un duel UMP/FN. La rente de situation du PS dans les élections locales n’est désormais plus garantie.

Il est logique, dans le cadre des municipales, de tabler sur une défaite sévère du Parti socialiste qui ne se traduira pas pour autant en un triomphe de la droite de gouvernement, durement concurrencée par un Front national renforcé dont le potentiel électoral, au niveau national, évolue désormais dans la zone des 25%.

La fin programmée de la stratégie du « cordon sanitaire »

En effet, minée par ses divisions, son absence de leadership et de vision stratégique, la droite institutionnelle arrive aux élections de mars en état de vulnérabilité. Elle va subir le test redoutable de la mise à l’épreuve de sa mal nommée « discipline républicaine ». Combien de candidats, confrontés à un second tour difficile, accepteront de sacrifier leur sinécure politique au dogme du « cordon sanitaire » ? Combien, en revanche, prendront le risque de la transgression ?

L’UMP, en tout état de cause, se retrouve placée dans une situation intenable. Elle ne peut plus ignorer encore longtemps l’opinion dominante de ses électeurs. Ces derniers n’accepteront plus les défaites programmées, alors que la droite est majoritaire dans le pays. À ce titre, les élections de mars 2014 vont boucler un cycle.

Les sondages sont formels : selon une enquête BVA de septembre 2013, 70% des sympathisants UMP sont favorables à la « normalisation du FN ». Du coup, cette étude effectuée après les déclarations de François Fillon sur le choix du « candidat le moins sectaire » au second tour, montrait que celles-ci rencontraient l’approbation de 72% des électeurs de l’UMP.

Déjà, durant la présidentielle de 2012, 64% des électeurs de Nicolas Sarkozy étaient prêts à un accord UMP-FN aux législative si cela permettait au président sortant de l’emporter.

De même, selon une étude récente YouGov pour Itélé, 50% des électeurs UMP se disent favorables à des accords de désistement au second tour avec le FN, avec 42% contre. À noter, toutefois, que seuls 16% des sympathisants UMP déclarent qu’ils ne voteraient probablement plus à droite en cas d‘accords électoraux avec le Front national.

Un autre chiffre particulièrement intéressant à relever : 38% des électeurs centristes (Modem, UDI) affirment que, dans ce cas de figure, ils seraient dissuadés de voter pour une liste de droite. A contrario, donc, plus de 60% des électeurs du centre droit confirment, du même coup, leur ancrage à droite : une indication précieuse dans le cadre des scénarios de recomposition du paysage politique par les centres que nous avions analysés dans notre article de 2012.

Le Front national subit lui aussi une pression de son électorat en faveur d’accords électoraux tactiques avec l’UMP, 60% de ses électeurs y sont favorables, mais, comme la dynamique électorale actuelle lui profite et que ses sympathisants le voient plus comme l’ostracisé que l’ostracisant, il peut encore éviter la recherche de compromis. La question des alliances et des ralliements de 2nd tour deviendra, en revanche, pour lui incontournable en 2017.

L’UMP, le maillon le plus faible

Faute de pouvoir relancer sa dynamique électorale par la droite par soumission aux dogmes du politiquement correct, l’UMP, en toute logique, en dépit du rejet massif que connaît le pouvoir socialiste, se présente comme le maillon le plus faible du dispositif. Elle ne dispose pas de réelle capacité de manœuvre vers les centres, compte tenu des attentes « droitistes » de son électorat.

Cette tendance se traduit de manière manifeste par un rapprochement depuis quelques années des positions des électorats UMP et FN sur des sujets particulièrement sensibles et clivants comme la sécurité, l’identité nationale et l’immigration et, ce qui est plus nouveau et lourd de conséquence, le rejet de l’Europe bruxelloise. La dernière enquête IPSOS/Steria « Fractures Françaises-2014 » est particulièrement instructive sur ce point. Elle montre, sans conteste, la tendance à la convergence des électorats de droite.

Ceux qui à l’UMP, tels NKM, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Valérie Pécresse, Bruno Lemaire et tant d’autres, misent sur une reconquête du pouvoir par les centres, évoluent clairement à l’encontre des attentes majoritaires de leurs électeurs. Et absolument rien ne laisse présager que les déçus du « Hollandisme » reporteront leurs voix vers une droite recentrée. Le principal danger qui menace le PS aujourd’hui est l’abstention massive de ses électeurs.

La stratégie de Jean-François Copé qui vise à conquérir le pouvoir en jouant sur une droitisation de l’UMP tout en combattant idéologiquement le Front national est également illusoire. On peut aussi formuler la même remarque sceptique sur la démarche de la Droite forte qui table sur une reconquête par la droite en s’appuyant sur un très problématique retour de Sarkozy.

L’UMP ne pourra appréhender rationnellement le phénomène Front national tant qu’elle n’aura pas simplement reconnu que le vote FN n’est globalement qu’une expression un peu radicalisée des attentes d’une part importante de son électorat traditionnel qui recycle largement l’héritage du gaullisme populaire.

Le Centre ne peut exister comme une force autonome

Le Centre pour sa part est toujours dans l’incapacité de choisir entre son ancrage traditionnel à droite et son espace d’extension naturelle à gauche. Cet entre-deux a coûté cher à Bayrou qui se retrouve aujourd’hui à la remorque de l’UMP, après avoir été, en 2012, instrumentalisé puis rejeté par le PS. Ni Bayrou ni Borloo n’ont les épaules assez larges pour reconstruire un centre qui deviendrait le pivot de l’échiquier politique.

L’hypothèse que nous avions analysée en 2012 d’une recomposition de l’échiquier politique par les centres, attente qui était, rappelons-le, à l’origine du scénario de la candidature de Strauss-Kahn, n’est plus crédible. En l’état actuel des forces, le Centre – c’est-à-dire sa partie prête à lâcher la droite en cas de trop grande proximité idéologique ou de rapprochement tactique avec le FN – ne peut que servir de force d’appoint à un recentrage de la gauche socialiste.

Paradoxalement, en effet, le pouvoir socialiste reste la force politique qui dispose de la plus grande capacité de manœuvre, d’autant qu’il peut accompagner son action politique d’un contrôle en profondeur des outils médiatiques de masse. La gauche est depuis longtemps maîtresse dans l’art de la propagande. Le Parti socialiste peut encore également tabler sur la force de ses ancrages locaux.

Le scénario de la « dernière chance », un vrai défi pour Hollande

François Hollande a-t-il la volonté et l’énergie de mener à bien un tel scénario de rupture qui mettrait un terme à l’ère ouverte par Mitterrand au début des années 1970 ? Nous n’avons aucune certitude en la matière et peut-être même est-il déjà trop tard compte tenu de l’état d’affaiblissement de l’économie française et du délitement du tissu social ?

Mais notons simplement qu’en parole le président socialiste a déjà posé les bases d’un recentrage social-démocrate, ou social libéral, et que ce scénario est souhaité par le grand patronat, dont l’instance représentative, l’AFEP, est venue opportunément apporter son soutien au Pacte de responsabilité, plaçant du même coup le président du Medef, Pierre Gattaz, dans une situation inconfortable qui explique en partie ses atermoiements.

Les propos d’Henri de Castries, président d’AXA, qualifiant le Pacte de responsabilité, dans les colonnes du Figaro du 15 janvier dernier, de « prise de conscience salutaire et bienvenue » ont clairement signifié l’encouragement bienveillant des forces patronales dominantes.

Une part importante de la classe dirigeante française, prioritairement dans le monde économique, rêve d’une « révolution » économique et sociale à la Schröder, portée par une force politique de gauche jugée plus apte à faire passer la pilule amère auprès des forces sociales institutionnelles.

Le scénario est loin d’être absurde et répondrait aux attentes de Bruxelles. Au plan politique, il impliquerait, de fait, une neutralisation de l’UMP qui n’aurait plus d’espace pour contester une rupture économique et sociale qu’elle a prêchée sans jamais la réaliser. Cette neutralisation pourrait être le prélude à un éclatement de la droite qui verrait une partie du centre, voire les tendances les plus européistes de l’ancien parti gaulliste, apporter leur soutien à un gouvernement d’union nationale de « la dernière chance » face au « danger populiste ».

Ce serait la dernière chance, en effet, pour le Système actuel qui tablerait, à l’horizon 2017, sur la confortable victoire (60/40% ?) d’une gauche socialiste recentrée face à un bloc des droites incertain, emmené au second tour par Marine Le Pen.

Comme bien souvent dans l’histoire lors des périodes de crise aiguë, la situation des finances publiques, en fonction de leur processus de délabrement plus ou moins maîtrisable, permettra ou non la mise en place d’un scénario politique alternatif qui puisse pérenniser encore quelque temps le Système en place.

Didier Beauregard
03/03/2014

 (*) Repris par Polémia sous le titre « Vers un big-bang politique ? » 19 avril 2012.

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