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Jeanne d’Arc : après le bûcher, l’écartèlement

Jeanne d’Arc : après le bûcher, l’écartèlement

par | 10 mai 2016 | Politique

Dans la famille Le Pen, la fille présidentiable boude Jeanne d’Arc. Le père aussi grillé que la Pucelle la fétichise au point de vouloir l’emmener avec lui dans la tombe. Quant à la petite-fille, elle se montre sous son meilleur profil pour mériter de recevoir son anneau au cours d’une cérémonie d’adoubement présidée par Philippe de Villiers au Puy-du-Fou. Et du côté de Macron, on la récupère carrément pour les fêtes johanniques d’Orléans, une sorte de décoration à mettre à la boutonnière au milieu de plein d’autres pins censés faire du gendre idéal un président made in Juppé en jeune. Après le bûcher, Jeanne est soumise, 585 ans plus tard, à l’écartèlement de ceux qui la veulent pour eux, bien davantage que pour la France, et de ceux qui veulent la faire renaître comme dernier sursaut possible dans une France qui a perdu son identité comme naguère son roi.

Conservation, agitation et récupération

Officiellement, c’est pour des raisons de sécurité que Marine Le Pen a renoncé à son grand défilé du 1er mai. N’oublions pas que nous sommes en état d’urgence et que Daech a ciblé le Front national. Le gloseur mal intentionné ne peut s’empêcher d’y voir une stratégie pour la campagne présidentielle, une dérive du Front s’éloignant toujours davantage de l’héritage contre-révolutionnaire d’une droite radicale pour épouser les valeurs républicaines et, de fait, être plus fasciste que jamais… Défi de compréhension au politiquement correct ! Donc un banquet pour fêter le Front national le 1er mai, c’est férié, il faut en profiter. Et pour les toasts du début, un pour Jeanne… On ne pourra pas dire que les traditions sont bafouées !

De ce fait, le père, qui de longue date fit une OPA sur la porte-étendard des valeurs de la France chrétienne, persiste et signe. Jean-Marie Le Pen va défier sa fille en organisant son propre rassemblement en l’honneur de Jeanne d’Arc et espère y retrouver bon nombre d’amis du mouvement qu’il présida. Peut-être se contente-t-il de nourrir le vague espoir de voir surgir des excitées top-less… Pour les proches de Marine, on évoque des frustrés et on méprise. Des frustrés ? Ce qui révèle bien que le principe de précaution vis-à-vis des attentats n’est pas la seule raison, on veut se débarrasser des oripeaux réac. Et comme toujours au Front national, en cas de dissidence, et malgré le mépris affiché, on menace d’exclusion.

De son côté, Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie et des Finances, qui veut marcher en avant, le symbole de la réconciliation de la gauche et de la droite dans l’allégeance généralisée du monde entier aux marchés et à la finance, présidera le 8 mai prochain les 587èmes fêtes orléanaises célébrant la Pucelle de Domrémy. Ses motivations ? Emmanuel rappelle la véritable « filiation » qui unit la Pucelle d’Orléans à la France. « Si Emmanuel Macron est convié à cette fête, c’est pour redonner du sens à notre histoire. Il ne faut pas laisser Jeanne d’Arc au Front national. Il pourra lors de ces fêtes s’exprimer sur notre histoire et ses racines », explique-t-on à son cabinet. Quelle crédibilité pourrait avoir ce mannequin de la politique qui ne croit qu’en la finance pour réconcilier les Français ? Il prend sainte Jeanne d’Arc pour une campagne marketing ! Ce n’est pas de l’histoire, ce n’est pas de la politique, c’est du mannequinat.

Il faut vraiment que le constat d’une France divisée soit largement partagé pour que chacun essaye de récupérer la sainte, symbole historique de l’unité française. Il faut vraiment que Marine Le Pen se voie à l’Elysée pour qu’elle soit capable de mépriser l’héritage et de chercher sans cesse des gages de modernité.

Contre-révolution

Que ce soit l’agitation de Marine, la conservation fétichiste de Jean-Marie ou la récupération clientéliste d’Emmanuel, toutes ces attitudes sont à côté de la plaque. On surfe sur ce qui est son ego en passant à côté de l’essentiel, à côté de l’urgence. L’urgence, nous la connaissons et nous la martelons, nous sommes en guerre avec un ennemi de l’intérieur que notre politique d’immigration de masse a engendré, nous sommes en guerre avec un ennemi de l’extérieur que notre politique étrangère atlantiste a engendré. L’essentiel ? Ce sont des signes. Philippe de Villiers qui, avec cette arme politique exceptionnelle qu’est le Puy-du-Fou, rachète l’anneau de Jeanne d’Arc aux rosebeef. Ce n’est pas simplement le clou du spectacle du Puy-du-Fou ou le prétexte à une nouvelle attraction, c’est un signe pour notre temps. Ce signe, c’est la fin de cette forme idéologique de l’Etat qu’est la République, c’est un possible coup d’arrêt au mouvement révolutionnaire qui n’a que trop révélé son adoration de la mort. Pour une bague simplement ? Non, parce que Philippe de Villiers est la star des libraires, parce qu’il participe à un mouvement de réveil de la pensée avec d’autres pamphlétaires, intellectuels français, d’Onfray à Zemmour, en passant par Finkielkraut, Delsol, etc. Et surtout parce qu’il a avoué devant les caméras être séduit par la pensée et la figure de Marion Maréchal-Le Pen ; il a avoué l’associer à Jeanne d’Arc…

Fermez les yeux, et imaginez une seconde dans le cirque du Puy-du-fou voir Marion arriver sur son cheval, étendard en main, descendre, mettre un genou à terre et entendre la voix de Philippe dérailler une ultime fois en l’adoubant, en lui remettant l’anneau. La garde républicaine de l’Élysée peut commencer à trembler… Hollande peut commencer à réviser son histoire. Cette Marion Maréchal-Le Pen participera le 7 mai prochain à un colloque de l’Action française sur le thème « Je suis royaliste. Pourquoi pas vous ? » pour challenger les positions de l’AF. Cette Marion Maréchal-Le Pen qui a affirmé appartenir à une « génération un peu saoulée par les valeurs de la République ». Comme on la comprend ! Comment parler de valeurs d’un système né dans la boue des cadavres qu’il a engendrés ? Etape 1. Comment parler de valeurs d’un mille-feuilles aussi froid et incompréhensible que l’Europe des oligarques ? Etape 2. Marion Maréchal-Le Pen a dénoncé le vide idéologique qui réside derrière des « valeurs républicaines » déployées comme un épouvantail par ses opposants politiques et par sa tante et ses mignons. « Je fais partie d’une génération un peu saoulée par les valeurs de la République qu’on nous sert en permanence et dont on ne sait pas ce qu’elles recouvrent (…) cela évite, d’ailleurs, d’aller sur le fond des idées (…) la Ve République, c’est un régime politique. La France, c’est mon pays. Je ne confonds pas tout à fait les deux (…) La France, ce n’est pas que la République. Ça a commencé avant la République. Je n’oublie pas les seize siècles de chrétienté qui ont précédé. La Révolution française en fait partie mais elle ne se restreint pas à cela ». La contre-révolution est en marche, en marge des agitations de Marine, Jean-Marie et Emmanuel. Ces derniers, plutôt que de s’écharper sur notre sainte, devraient plutôt regarder du côté de Charles Martel avec urgence.

Paul Voltor
Source : mauvaisenouvelle.fr
01/05/2016

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