Les guerres préhistoriques

jeudi 2 octobre 2003
Lawrence Leekey défend une théorie pertinente dans cet ouvrage qui va à rebours des thèses dominantes. Le mythe d'une préhistoire idéalisée domine en effet dans les milieux scientifiques et exclue le principe que des guerres ont pu être livrées ; or le recours à la guerre est quasiment inhérent à l'homme, à tout le moins une constante.

De fait, pour beaucoup d'anthropologues, l'évolution de l'espèce humaine aurait emporté le développement des conflits, l'apparition des guerres. De la violence individuelle ou tribale, l'homme serait passé après des milliers d'années d'évolution au combat organisé. Étrange anachronisme rousseauiste. L'opposition entre un supposé « âge d'or » et la civilisation (c'est-à-dire la période historique) refait surface. Le comparatisme ethnographique, qui montrait pourtant le caractère permanent de la violence organisée, s'est refusé à l'admettre, considérant que la guerre chez les primitifs (en l'espèce les derniers chasseurs-cueilleurs qu'étaient les Australiens) n'était que le fruit d'interférences de la culture occidentale. Car « dans les milieux intellectuels, comme dans la culture des masses, la guerre est considérée par beaucoup comme une psychose propre à la civilisation occidentale ».

Autre point de discorde de l'anthropologue Keeley avec ses confrères : la véritable activité guerrière n'est pas liée avec la sédentarisation des populations. Avec une telle affirmation, il repousse fort loin les limites chronologiques de son étude, au-delà des 20.000 ou 30.000 ans avant notre ère, jusqu'aux confins du paléolithique moyen.

Pour Keeley, l'activité guerrière est une constante de l'homme. Les moyens, l'ampleur des dégâts ne sont bien sûr plus les mêmes (en apparence car l'archéologie permet de constater que certains conflits ont entraîné des pertes humaines proportionnellement similaires à la guerre de Sécession par exemple), mais la motivation demeure : résoudre par les armes un conflit politique.

Enfin, opportunément, l'auteur aborde également la question des rituels et autres conventions militaires. On constate alors que nos guerres modernes, aussi high-tech soient-elles, n'ont rien à envier aux guerres néolithiques.

Bref, voici de multiples raisons de lire cet ouvrage.


E.D.
Envoi internet
2/10/2003


« Les guerres préhistoriques » de Lawrence Keeley, éd. du Rocher, Monaco, 2002, 352 p., 22 euros.
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