La Nouvelle Revue d’Histoire

dimanche 13 juillet 2003
Le magazine d’histoire dirigé par Dominique Venner gagne à chaque livraison en qualité, en ténacité et en richesse éditoriale. Ce 7e numéro, dont le dossier central est consacré à l’épineuse et brûlante question du « choc des civilisations », compte ainsi parmi les meilleurs de la série. Dans son introduction, l’équipe de la « NRH » pose très clairement les jalons de la problématique : s’essayant à une lecture critique de la thèse de Samuel Huntington, elle en apprécie la valeur stimulante pour en contester fort justement l’ethno-centrisme « oocidentaliste ». Et pour préciser : « Il y a toujours eu des conflits de civilisation. Des conflits frontaux, visibles, évidents, et d’autres qui le furent moins (…) Les conflits de civilisation peuvent se révéler salutaires sur un organisme en bonne santé. Dans ce cas, ils provoquent un éveil ou un réveil comme pour les cités grecques face à la volonté de conquête des Achéménides. En revanche, ils sont mortels pour un organisme affaibli ou délabré. L’exemple particulier de l’Espagne est différent. Voici un organisme tout d’abord écrasé par la conquête musulmane du VIIIe siècle. Tellement écrasé qu’il mettra deux bons siècles avant que ne s’amorce la future Reconquista. Celle-ci finira par triompher après huit siècles de lutte. C’est une leçon qui inspire bien des réflexions ».

L’odyssée ainsi proposée dans la « très longue durée » des chocs civilisationnels débute avec les guerres médiques (où « voici 25 siècles, sur ce théâtre unique, face aux Barbares, des Européens se découvrirent tels », Emma Demeester) et se poursuit dans le tourbillon des conquêtes arabes (Jean Kappel), de l’invasion mongole (Jacques Népote), du choc germano-slave (François-George Dreyfus) ou encore des traumatismes surmontés différemment par la Chine (Jacques Gernet) et le Japon (Marie-Sybille de Vienne) face à l’irruption de la Modernité occidentale. Les contributions d’Aymeric Chauprade et d’Alain de Benoist apportent chacune à leur niveau un approfondissement bienvenu. C’est à chaque fois une leçon de volonté autant qu’une joyeuse acceptation du conflit comme « fructueuse opposition des contraires » - et donc une ode à la diversité du monde.

Aux côtés de ce riche dossier, on lira avec un particulier intérêt les articles de Frédéric Chambard (« Comment sortir du mondialisme ? ») et de Georges Laffly (« Jules Monnerot, déchiffreur du Xxe siècle »), ainsi que l’entretien avec Dominique Venner, où celui-ci veut voir dans L’Iliade et L’Odyssée le « livre sacré » des Européens (ou « Boréens ») nécessaire à leur sursaut : « Devant les défis du monde actuel, tous les peuples font retour à leurs sources les plus anciennes, sauf les Européens. C’est pourquoi nous sommes dans un tel égarement (…) Plus le monde change, plus on a besoin de repères stables. Les grandes sagesses ne vieillissent pas. Pour les Européens, la sagesse d’Homère est toujours actuelle, particulièrement quand on est jeune, quand il faut construire sa vie et que les pères ou les maîtres n’ont plus rien à dire ».

L’histoire, tout particulièrement la nôtre, ne sert donc pas uniquement à fouetter l’imagination ou à entretenir une quelconque nostalgie incapacitante : par la « très longue mémoire » qu’elle véhicule, elle constitue la source de vie et d’énergie qui éclaire le présent et ouvre tous les possibles de l’avenir. Tout particulièrement quand celui-ci paraît particulièrement sombre ou à tout le moins confus, car « là où il y a le danger, là aussi croît ce qui sauve » (Hölderlin). C’est en cela que la lecture d’une revue comme la « NRH » s’impose d’elle-même. Naturellement. Mais impérativement.


G.T.
13/07/2003
© POLEMIA


« La Nouvelle Revue d’Histoire », N° 7, juillet-août 2003, 66 p., diffusion en kiosque, 6 euros (contacts et abonnements : 88, avenue des Ternes, 75017 Paris).
Archives Polemia