« Offshore informatique et immigration économique » : une association professionnelle tire la sonnette d'alarme

mardi 14 août 2012

Le 20 juillet dernier, le MUNCI, association professionnelle regroupant des milliers de salariés du numérique, a adressé ses analyses et propositions à Fleur Pellerin, le ministre de l’économie numérique. Un texte dont le chapitre 5 – que nos lecteurs trouveront ci-dessous – « Offshore informatique et immigration économique » rompt avec la bien-pensance. Les auteurs se prononcent clairement contre l’offshore (la délocalisation), notamment indien et demandent son exclusion des appels d’offres publics. Quant à l’immigration économique, ils se prononcent pour des mesures évitant la mise en concurrence avec les demandeurs d’emploi nationaux. Les mots de protectionnisme et de préférence nationale ne sont pas employés mais c’est bien l’esprit qui domine dans le courrier : un signal intéressant émanant de professionnels jeunes, investis dans les technologies et proches du syndicat UNSA. Cela confirme l’opposition entre l’opinion des travailleurs et des ingénieurs et celle des oligarchies dirigeantes.

Polémia

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« L’impact des délocalisations ou externalisations de services informatiques dans les pays à bas coûts (offshore) sur l’emploi IT en France se mesure aussi bien en termes de pertes d’emploi que de dévalorisation de certains métiers et de leurs salaires (cas des développeurs) et parfois des conditions de travail (industrialisation des services).

Pour le moment, toutefois, les créations d’emploi dans le secteur compensent les pertes d’emploi induites par l’offshore (emplois équivalents à ceux de nos jeunes diplômés à quelques années d’expérience).

L’offshore doit être découragé par les pouvoirs publics, contrairement à ce qui a pu se faire à plusieurs reprises dans un passé récent. Pour autant, il ne s’agit pas de « diaboliser » excessivement ces emplois qualifiés qui participent à la croissance des pays en voie de développement…

A noter que la plupart des études sur le sujet ne prennent pas en compte la totalité du périmètre de l’offshore.

En ce qui concerne l’offshore informatique, nous demandons aux pouvoirs publics :

  1. Sa prise en compte dans les politiques publiques au même titre que les délocalisations industrielles (à l’instar de la sous-traitance de façon plus générale) ;
  2. Une interdiction formelle d’y recourir (y compris partiellement) dans les appels d’offres publics ;
  3. Une réprobation de l’offshore indien, source de conditions de travail souvent exécrables ;
  4. L’interdiction des aides publiques et de certains avantages fiscaux (JEI) aux entreprises ayant recours aux délocalisations et externalisations dans les pays à bas coûts de manière générale.

L’immigration économique consiste principalement pour les employeurs du numérique à recruter ou détacher des ingénieurs informaticiens depuis les pays à bas coûts (Maghreb, Europe de l’Est…), souvent à des salaires (un peu ou très) inférieurs à ceux du marché, pour des projets de développement informatique (le plus souvent en prestation de services par les SSII).

Elle entraine un important pillage des cerveaux dans les PVD (pays en voie de développement) et déresponsabilise, dans certains cas, nos employeurs en matière de formation.

En ce qui concerne l’immigration économique, nous demandons des mesures permettant seulement d’éviter la mise en concurrence de nos demandeurs d’emploi, salariés et indépendants avec les ressources humaines des « pays pauvres » (notamment par les détachements intra et intergroupes) :

  1. Éviter tout dumping social en fixant des seuils de rémunération minimum pour les travailleurs étrangers hautement qualifiés (ce qui est le cas dans de nombreux pays de l’OCDE) puis en vérifiant systématiquement que le salaire proposé au travailleur étranger corresponde à celui pratiqué dans l’entreprise ou dans le même secteur d’activité pour le même poste (strict respect de l’article R.5221-20 du Code du Travail et de la jurisprudence de la cour de cassation). De même, nous demandons un meilleur contrôle des salariés et faux-indépendants détachés en France depuis des sociétés étrangères situées dans les pays à bas coûts;
  2. Responsabiliser les employeurs par une obligation de formation professionnelle des chômeurs avant de pouvoir recourir à l’immigration professionnelle : l’obligation légale de rechercher au préalable un candidat sur le marché du travail national doit être renforcée et complétée par un volet formation :l’entreprise doit pouvoir établir qu’elle n’a pas été en mesure de pouvoir former rapidement un candidat dont le profil est proche du poste recherché, soit parce qu’aucun candidat n’a été proposé par Pôle-emploi, soit parce que l’entreprise ne dispose pas de moyens de formation en interne, soit parce qu’aucune offre de formation adéquate n’est disponible rapidement sur le marché (en intra ou en inter);
  3. Éviter les effets d’aubaine par la suppression des dispositifs (trop permissifs) de l’immigration choisie, à savoir les listes de métiers en tension et les accords bilatéraux, pour ne conserver qu’une approche qualitative et sélective des critères de délivrance des autorisations de travail.

Le MUNCI conteste toute autre politique (telle que l’instauration de quotas) consistant à réguler artificiellement l’immigration économique en France : l’Etat n’a pas à refuser d’autorisation de travail à un travailleur étranger dès lors que toute mise en concurrence avec un demandeur d’emploi en France (qu’il soit français ou étranger) est écartée et que les règles du jeu sont parfaitement respectées sur le plan social.»

MUNCI
L’association professionnelle des informaticiens
Lettre au ministre déléguée à de l’Economie numérique (chapitre 5)
20/07/2012

Voir l’intégralité du courrier du MUNCI : cliquer ici

Correspondance Polémia – 14/08/2012

Image : Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’Economie numérique, s’est rendue au centre de crise d’Orange aux premières heures de la panne.

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