Le piège mortel du mondialisme de l'Union européenne :1/3- L'Europe et l' « ultralibéralisme »

mercredi 2 mai 2012

Hollande ou Sarkozy, quel qu’il soit, l’élection d’un président de la République, le 6 mai 2012, ne changera rien aux contraintes économiques de la France. La question économique cruciale est la suivante : comment dans le cadre d’une monnaie unique et d’une Union européenne ultra-échangiste la France peut-elle rester un pays de production ? Et a contrario comment un gouvernement peut-il sérieusement espérer créer des emplois sans rétablir des écluses douanières et monétaires ? En dehors de Nicolas Dupont-Aignan et de Marine Le Pen, ces questions n’ont guère été abordées lors de l’élection présidentielle, elles sont pourtant déterminantes. Polytechnicien et disciple de Maurice Allais, Antraigues fait le point pour Polémia. L’intégralité de ce texte de fond est disponible en PDF. En voici la première partie consacrée à l’Europe et l’ultra-libéralisme.

Polémia

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Introduction

Dans l’univers des entreprises il est courant que certaines d’entre elles, prises au piège de l’endettement, ou de concurrences auxquelles elles ne peuvent plus résister, se retrouvent en faillite, avec comme conséquence leur mise sous tutelle, la vente à l’encan de leurs actifs, leur dislocation financière et, souvent, leur disparition pure et simple.
Il est banal qu’une faillite représente l’occasion pour des financiers avisés de faire d’excellentes affaires.
Il n’est pas exceptionnel qu’elle soit provoquée par des manœuvres appropriées.

Jusqu’à ces dernières années les nations étaient protégées contre de telles situations par ce qui a toujours fait partie de leurs attributs essentiels : la souveraineté monétaire, des frontières, et la possibilité, par des dispositions appropriées, d’imposer qu’un minimum de la consommation nationale soit effectivement produit sur le territoire national. On imagine aisément l’énormité des profits financiers à attendre de l’extension aux nations de ce qui jusqu’à présent n’était possible que pour des entreprises.

Depuis maintenant plus de dix ans la France a abandonné la totalité de ces attributs au profit d’une Union européenne qui, totalement noyautée par les bénéficiaires de la mondialisation (que l’on peut bien désigner sous l’appellation de capitalisme international), est ouverte à tous vents.
L’étude qui suit permet de comprendre les mécanismes par lesquels elle se retrouve aujourd’hui sans défense aucune vis-à-vis des affairistes du monde entier, avec, de plus, des médias totalement sous contrôle de ce capitalisme international et, sous la pression de ces médias, avec des partis « de gouvernement » eux-mêmes sous contrôle, et dont toutes les actions contribuent à enfoncer encore plus la France dans le piège, dont celui de l’endettement est la partie émergée.

Le simple examen des ordres de grandeur montre qu’il est strictement impossible de sortir de ce piège dans le cadre institutionnel actuel. Cela semble par contre accessible dans le cas contraire.

La France va-t-elle continuer à exister comme pays de production ?

▪ Tel était le titre de l’intervention de Louis Gallois, président d’EADS, lors de la grande messe du Medef en novembre dernier, les solutions évoquées ayant toutefois (il fallait tout de même s’y attendre dans un tel cadre) été beaucoup moins provocatrices que le titre : il ne s’agissait que d’instaurer plus de « régulation » au niveau mondial…
Il est de toute façon sur la place publique que la France a perdu plus de 500.000 emplois industriels ces cinq dernières années, ceci faisant suite à plus de deux décennies pendant lesquelles le rythme moyen des pertes annuelles avait dépassé les 50.000.

▪ Il est évident que le profit maximum est réalisé lorsque les produits sont fabriqués dans les pays à bas salaires (maintenus bas le plus longtemps possible, fût-ce par la contrainte ou une monnaie artificiellement trop basse…), et sont vendus dans des pays à niveau de vie élevé (maintenu élevé le plus longtemps possible, fût-ce par une monnaie artificiellement trop forte), et c’est bien en fonction de cet objectif de maximisation du profit que s’est orientée depuis une bonne trentaine d’années l’organisation de la production et de la consommation mondiale.

Il est non moins évident que cela ne peut être que totalement dévastateur pour l’industrie d’un pays comme la France, et c’est bien ce qui a été constaté, avec une dramatique accélération depuis 2008 (notamment en ce qui concerne l’aéronautique et l’automobile, qui avaient jusqu’alors relativement bien résisté).

▪ Il est atterrant de constater que pour le Medef, et donc vis-à-vis de la stratégie des grandes entreprises « françaises » (du moins de celles qui déterminent la position du Medef), on en est rendu au point où la France ne présente plus d’intérêt en tant que pays de production, mais seulement en tant que pays de consommation (du moins tant que cela pourra durer : on sent bien que, pour être consommateur, il faut tout de même être aussi producteur). Il est en effet impossible d’expliquer autrement l’opposition absolue du Medef à tout ce qui pourrait ressembler à une protection aux frontières, et le fait qu’il défend une monnaie beaucoup trop forte pour notre économie, ce qui mécaniquement ne peut qu’achèver d’euthanasier notre industrie et notre agriculture. Du glissement du dollar par rapport à l’euro (rappelons que l’euro est passé de 0,85$ à 1,4$), il est en effet résulté que ce n’est plus seulement par rapport aux pays à bas salaires que nous ne sommes plus concurrentiels, mais par rapport à la quasi-totalité des pays développés : ayant pour la plupart d’entre eux gardé leur monnaie propre, eux, ils ont pu veiller à ce qu’elle ne s’apprécie pas dangereusement par rapport à la monnaie de référence qu’est toujours le dollar et même, éventuellement, à ce qu’elle se déprécie par rapport à ce dernier.


Ceci est atterrant, mais n’est que la conséquence, d’une part, du noyautage à peu près total par les bénéficiaires de la mondialisation des instances dirigeantes de l’Union européenne, qui s’est donc retrouvée ouverte à tous vents, et, d’autre part, des abandons de souveraineté au profit de cette même Union européenne consentis par tous les gouvernements de la France qui se sont succédé depuis trente ans.
Ces abandons sont aujourd’hui totaux dans les domaines concernés… Si elle s’impose de rester, quoi qu’il arrive, dans un cadre de respect des traités signés par ces gouvernements, la France n’a plus aucun moyen de se défendre contre qui et quoi que ce soit.

On est dans une situation telle qu’une entreprise française qui, par « patriotisme économique », déciderait de maintenir coûte que coûte une part importante de ses activités de production en France se verrait inéluctablement acculée à la faillite, et se retrouverait à la merci des affairistes du monde entier.
Depuis le 1er janvier 1993 (disposition reprise par l’article 63 du Traité de Lisbonne) sont en effet interdites non seulement toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres de l’UE (ce qui peut se comprendre et était au demeurant déjà le cas depuis 1988), mais aussi tous les mouvements de capitaux avec les pays tiers, et cela sans aucune restriction .
Inutile de préciser que, sauf situation exceptionnelle, cette entreprise ne pourrait guère compter sur le soutien financier de l’Etat français : outre que ce dernier n’en aurait pas les moyens, il aurait à faire face à un probable veto de la Commission européenne.

▪ Est-il utile de préciser qu’au niveau des instances mondiales, de l’OMC par exemple, le leitmotiv est « en réponse à la crise, surtout pas de protectionnisme ! », et qu’au niveau de l’UE la lutte contre la désindustrialisation de la plupart des pays de la zone euro reste à inscrire dans les problèmes à traiter prioritairement ?

Quant aux réactions des partis politiques qui se partagent en France le pouvoir depuis des décennies, qui évoquent de temps en temps un retour vers un « protectionnisme européen », elles ne dépassent pas le stade de la gesticulation, dans le simple but de faire semblant de tenir compte de la réaction de bon sens d’une partie de plus en plus grande de la population.

Peut-on au demeurant à la fois appeler à l’instauration d’un « protectionnisme européen » et appeler au secours la Chine pour « sauver l’euro » ?

« L’idéologie » ultralibérale : de la pure et simple propagande

▪ Dans cette « idéologie » l’allocation optimale des ressources résulterait mécaniquement de la suppression de toute contrainte.

Cette « idéologie » n’est en fait que de la pure et simple propagande : une propagande dans laquelle ce qui permet avant tout d’enrichir prodigieusement une infime minorité de la population de la planète est présenté comme le moteur du progrès de l’humanité.

Ce qui a fait progresser l’humanité, de tout temps, c’est le progrès technique au sens large du terme, c’est-à-dire la diminution du temps de travail nécessaire pour produire et distribuer un bien donné. Lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies (dont évidemment un coût horaire du travail à peu près identique partout), l’organisation qui minimise le prix de revient est bien celle qui minimise l’effort de l’homme, et le profit est effectivement moteur de progrès.

Est-il bien nécessaire d’insister sur ce qu’a de désastreux du point de vue de l’effort des hommes le fait de faire fabriquer à l’autre bout du monde, pour être achetés chez nous, des produits que nous savons (ou du moins que nous savions encore récemment…) fabriquer chez nous, avec une productivité horaire au moins aussi bonne ?

Sans compter ce que peut avoir de catastrophique le « bilan carbone » de l’opération, ce qui ne semble guère préoccuper les politiciens se réclamant de l’écologie.

Quant aux pays émergents, rien ne dit que leurs progrès ne seraient pas plus rapides si leur production était prioritairement orientée vers leur marché intérieur. Le vendeur du pays producteur peut évidemment réaliser un bénéfice très supérieur s’il vend à un pays à haut niveau de vie plutôt qu’à ses compatriotes. Dans ce dernier cas il en résulterait, de plus, une augmentation de leur niveau de vie, donc de leurs salaires, et donc une baisse supplémentaire des bénéfices. Des intérêts financiers locaux extrêmement puissants sont donc de nature à retarder la progression du niveau de vie de la majeure partie de la population du pays producteur, et ceci d’autant plus aisément que les régimes des pays concernés sont souvent fort peu démocratiques.

▪ Dans un pays comme la France les médias sont aujourd’hui à peu près totalement passés sous la coupe des bénéficiaires de la mondialisation (en tant qu’actionnaires, ou en tant qu’annonceurs) : seuls échappent à cette emprise quelques radios et quelques journaux distribués uniquement par abonnement. Ils sont, bien sûr, les principaux vecteurs de cette propagande et, ne serait-ce que par le pouvoir qu’ils ont en outre sur la carrière des hommes politiques, ils sont en fait le véritable pouvoir, et non un simple contre-pouvoir.

▪ D’une consternante indigence conceptuelle dès que l’on réfléchit un peu, en contradiction totale avec l’observation des faits (lire par exemple le lumineux ouvrage de Maurice Allais : La Mondialisation : la destruction des emplois et de la croissance), cette propagande, martelée jusqu’à plus soif par les « spécialistes de l’économie » de service, n’en est pas moins extrêmement redoutable par sa facilité à être défendue par des arguments simplistes (il est bien évident qu’il est plus simple de défendre la suppression ou l’absence de contraintes que le maintien ou la restauration de contraintes…), surtout en l’absence de toute possibilité de véritable contestation publique.

▪ On notera en outre que « l’ultralibéralisme » implique l’inhibition des défenses naturelles des nations, l’Etat providence, et l’immigration de masse :

  • - Qu’il ne puisse aboutir qu’à la disparition programmée de l’industrie et de l’agriculture d’une nation comme la France est si évident, et le caractère désastreux pour cette nation d’une telle disparition si manifeste que, normalement, cela ne pourrait que déclencher les réactions de défense habituelles des Etats (protectionnisme, dévaluation de la monnaie…), réactions qui, contrairement à ce que l’on nous assène quotidiennement, ont jusqu’à présent largement fait la preuve de leur efficacité. L’Europe a permis de carrément interdire institutionnellement de telles réactions.
  • - On note aussi, plus insidieusement, tout l’intérêt qu’il y a à ce que ce soit le Français de base lui-même qui perde la notion de nation, et donc d’identité et de sens même de l’intérêt national (on ne saurait aujourd’hui plus être que « citoyen du monde »…). D’où la très large audience donnée dans les médias aux partis d’extrême gauche, dont un point commun a toujours été le dénigrement de la nation – et cela bien qu’ils ne cessent par ailleurs de vitupérer contre le grand capitalisme, la finance internationale, etc., etc.
  • - L’accroissement du chômage résultant de la perte d’emplois industriels et agricoles serait absolument insupportable en l’absence d’Etat providence, lequel a effectivement permis jusqu’à présent d’éviter l’explosion sociale, au prix toutefois d’une diminution supplémentaire de la compétitivité de la France (du fait de l’augmentation des charges sociales), et d’une augmentation supplémentaire de sa dette (du fait des allégements de certaines charges sociales accordées par le gouvernement pour essayer de maintenir l’emploi). Il s’agit là d’un gigantesque mécanisme de socialisation des pertes et de privatisation des bénéfices.
  • - Quant à l’immigration, en pesant fortement sur les salaires, elle est en quelque sorte un moyen de « délocaliser à domicile », l’Etat providence jouant là encore un rôle clé, à la fois dans l’attraction d’une immigration de masse et dans la socialisation de son coût, lequel est extrêmement élevé : une trentaine de milliards par an, au vu de l’estimation tout à fait mesurée effectuée par Jean-Paul Gourevitch .

(à suivre)

Voir à suivre :

Le piège mortel du mondialisme de l’Union européenne – 2/3- La dette
Le piège mortel du mondialisme de l’Union européenne – 3/3- La perte de la souveraineté monétaire

Pour consulter le texte, version PDF, en son intégralité cliquer ici

Antraigues
14/04/2012

Voir les articles de Polémia :

Libéralisme mondialiste : un antihumanisme radical
Maurice Allais : face au mur de l'argent international
Maurice Allais : la mort d'un dissident
Le pouvoir financier au coeur de la crise de 2008 : Les analyses prophétiques de Maurice Allais
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Correspondance Polémia – 3/05/2012

Image : Mondialisation

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