Descoings à Sciences Po : « Quand j'entends le mot Culture... »

jeudi 22 décembre 2011

Le directeur de l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Paris, Richard Descoings, est incontestablement un homme étonnant : son travail de sape entamé il y a plus de 15 ans contre la culture et l’intelligence françaises, contribue aussi efficacement que durablement à la « fabrique du crétin » dénoncée par Jean-Paul Brighelli.

Discrimination positive, « globish » et théorie du genre

Jugeons plutôt : en 2001, Descoings impose la création d’une voie parallèle d’entrée à Sciences Po en permettant à certains jeunes gens issus de lycées situés en ZEP, ayant des liens conventionnels avec l’IEP, d’intégrer l’école sans concours. L’égalité républicaine, que garantissait le principe du concours, était ainsi battue en brèche, au profit de l’instauration officielle de la « discrimination positive », oxymore constituant l’une des pierres angulaires du politiquement correct.

Plus récemment, Descoings est désigné « Carpette anglaise 2009 » après avoir obligé les élèves à suivre de nombreux cours en langue anglaise tout en dispensant les étudiants étrangers de maîtriser la langue française pour intégrer l’IEP.

Les étudiants de l’IEP ne sont certes plus tenus de parler français, mais ils doivent obligatoirement assister à des cours promouvant la théorie du genre, dans chacune des grandes disciplines enseignées à Sciences Po !

Une arme de destruction intellectuelle massive

Fort de ce bilan encourageant, Sciences Po vient d’inventer une arme de destruction intellectuelle massive : la suppression de l’épreuve de culture générale au concours d’entrée à l’IEP. En quelques années, et avec la complicité des gouvernements successifs, Descoings aura réussi à transformer Sciences Po en Enola Gay de la pensée !

A la culture de l’honnête homme, on préfèrera désormais les supposées fulgurances d’étudiants ballottés entre le prêchi-prêcha droitdelhommiste de l’éducation nationale et la culture de l’image et de l’instantanéité véhiculée par la télévision et les nouvelles technologies. L’épreuve classique de culture générale requiert une pensée structurée et argumentée aux antipodes des réactions émotionnelles et des indignations « morales » que ne manquera pas de valoriser le jury lors de l’épreuve orale d’admission. D’autant que la prime à la « diversité » jouera à plein : le fils d’agriculteur du Gers ou la fille de l’ouvrier de Forbach, ne seront pas jugés suffisamment « visibles ».

Changeons l’élite !

Il s’agit, ni plus ni moins, de donner à notre pays une nouvelle « élite » : puisque l’on ne peut pas changer le peuple (quoique…), changeons l’élite ! Ou plus exactement, conservons son armature intellectuelle (l’idéologie libéral-libertaire et mondialiste), ainsi que ses représentants désormais traditionnels (les filles et fils d’enseignants ou de journalistes parisiens), et adjoignons leur des enfants d’immigrés, auxquels l’éducation nationale a délibérément refusé, depuis les années 1970, de transmettre la culture du pays d’accueil de leurs parents.

Cette sainte alliance entre bobos et « nouveaux français » n’est pas sans rappeler l’alchimie qui s’est effectuée au sein de troupes révolutionnaires, à partir de 1792, entre les officiers issus de l’ancien régime et les conscrits acquis aux idées nouvelles. Mais Descoings n’est pas Kellerman ! Il est plutôt de la trempe de Dumouriez, aventurier sans scrupules, qui s’empara un temps du drapeau tricolore et se vendit ensuite à l’ennemi, en contribuant activement à l’invasion de la France en 1814.

De Louis XIV au Monomotapa

La forfaiture du directeur de l’IEP s’inscrit dans un mouvement plus large, empreint de relativisme culturel et de masochisme national : plus question par exemple d’étudier l’histoire en Terminale Scientifique ou Louis XIV et Napoléon au collège. L’heure n’est plus à la gloire, à la grandeur ou à la fierté : ces sentiments appartiennent à l’homme historique, et non à l’homme nouveau, cet homo oeconomicus post-historique, cet homme exclusivement mû par le désir du consommateur et la raison du technicien, et qui a renoncé à ce que Platon appelait le « thymos », c’est à dire le besoin de reconnaissance, l’estime de soi, en un mot, le Caractère. Pour Ernest Renan, « Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j'entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple ».

Que l’on ne s’y trompe pas : à côté de ce discours lénifiant, inspiré par des penseurs tels Jürgen Habermas, et destiné à séduire les petits bourgeois, toujours enclins au pacifisme et au culte de la faiblesse par lâcheté et par ignorance, émerge une valorisation outrancière de l’histoire et de la culture de certains pays. Ceux-ci ne sont pas choisis au hasard : le programme d’histoire de Cinquième consacre désormais ses deux chapitres, qui ne traitent pas de l’Occident, à l’Islam et à l’Afrique. Une large place est notamment faite aux empires africains Monomotapa et Shongaï, qui, chacun en convient, ont laissé dans l’histoire de l’humanité des traces autrement plus durables que le Château de Versailles, le Code civil ou Austerlitz.

Les Curés xénophiles du politiquement correct

L’hémiplégie intellectuelle de l’idéologie dominante est patente : on dénonce ce qu’Alain Finkielkraut appelle « l’enracinement de l’esprit » au nom d’un universalisme qui se mue en cosmopolitisme ; identité et culture sont vouées aux gémonies lorsque celles-ci sont nationales et traditionnelles, lorsque leurs références et leurs valeurs sont constitutives du corpus français. Mais dans le même temps, les curés xénophiles du politiquement correct organisent et imposent le goût du lointain et le culte de l’altérité.

C’est cela qui est visé par la décision de l’IEP de Paris : plus que LA culture (au sens universel et abstrait), c’est NOTRE culture (c’est à dire l’ensemble des éléments qui fondent l’appartenance du peuple français à son territoire) que les élites mondialisées combattent et dont elles voudraient faire table rase.

Donner le ton à toute la nation

Emile Boutmy, fondateur de l’Ecole Libre des Sciences Politiques (ancêtre de l’IEP), appelait en 1872 à « créer l’élite qui, de proche en proche, donnera le ton à toute la Nation » : former des cadres au service de l’Etat et de l’intérêt national, tel était son objectif.

Quel est donc le but recherché par ses successeurs ? Alors qu’Edmond Rothschild assénait en 1970 que « le verrou qui doit sauter, c’est la Nation », ces tenants de la gauche libertaire ne sont-ils pas les idiots les plus utiles et les serviteurs les plus zélés du capitalisme financier ?

Etienne Lahyre
21/12/2011

Etienne Lahyre est élève à l’ENA

Pour apprécier la valeur du recrutement hors concours. Nous disposons d’un document brut : la lettre de motivation adressée à un grand cabinet de conseil par un « produit » de Sciences–Po issu de la « diversité »; un mélange affligeant de conformisme et de Novlangue d’entreprise dans un français approximatif… Novlangue d'entreprise et « diversité »

Voir aussi :

La disparition de la culture générale des concours : nouvelle négation de l'identité française (édito 12/2011)
Pourquoi Sarkozy n'aime pas « La Princesse de Clèves »

Correspondance Polémia – 22/12/2011

Image : Sciences Po

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