Manoeuvres de désinformation : comment redresser les résultats politiquement incorrects d'un sondage ?

dimanche 11 décembre 2011

M. Perrineau est un politologue militant. Professeur à Sciences–Po, patron du Centre d’études de la vie politique française (Cévipof), il hante les médias au titre d’ « expert ». C’est effectivement un « expert » du politiquement correct, lauréat 1997 du prix Lyssenko. Michel Geoffroy décrit ici ses manœuvres de redressement d’un sondage politiquement incorrect. Ou comment parer la désinformation d’un habillage pseudo-scientifique.

Polémia

Dans un article publié dans le journal Le Monde du 1er décembre 2011, M. Pascal Perrineau, directeur du Cévipof, commente les résultats de l’enquête effectuée par IPSOS pour le compte du Conseil économique et social environnemental (CESE) sur le « vivre-ensemble des Français » (*). Un commentaire à sa façon. Décryptage.

Un sondage aux résultats politiquement incorrects

Que révèle cette enquête en effet ?

Que « les Français » ont plutôt une bonne perception de leurs relations familiales mais, comme écrit M. Perrineau, qu’elle « se détériore quand l’altérité s’accroît ». En particulier les personnes interrogées considèrent que les relations se détériorent dans les entreprises et surtout « entre les communautés religieuses » et entre les personnes « d’origines ethniques différentes ». Les personnes interrogées sont en outre deux fois plus nombreuses à redouter « les extrémismes religieux » (26%) que les « extrémismes politiques ».

C’est la conscience de la parenté qui fonde la bienveillance

Les résultats de ce sondage ne sauraient surprendre que les idéologues cosmopolites.

Ils confirment en effet une loi comportementale qui s’applique à l’essentiel des espèces vivantes et qu’ont mise en valeur les travaux des éthologues : à savoir que c’est la conscience de la parenté qui fonde la bienveillance. En d’autres termes, j’aime mieux mes proches parents que mes cousins, j’aime mieux ma famille que mes amis, j’aime mieux mes amis que ceux que je ne connais pas et j’aime mieux mes concitoyens que les étrangers. A contrario, la perception d’une rupture dans la parenté et la proximité déclenche une alerte car elle peut signaler une menace potentielle. C’est pourquoi dans toutes les espèces la perception d’une différence ou d’une étrangeté est ressentie comme une menace. Ce qui explique que les mots Etranger, Hôte et Ennemi aient la même racine latine (hospes/hostis).

Une loi comportementale issue de la phylogénèse mais… politiquement incorrecte

Seulement voilà. Cette loi comportementale, qui est ancrée dans la phylogénèse de notre espèce, est politiquement incorrecte. Car l’oligarchie cosmopolite nous invite, au contraire, à aimer tous les étrangers et d’une façon générale tous ceux qui ne sont pas de racines européennes. Elle nous invite au surplus à les préférer à nos familles, à nos ancêtres et à nos descendants. Elle nous recommande de les laisser s’installer chez nous et de nous adapter à leurs modes de vie ou à leur religion : c’est ce qu’on appelle en novlangue « l’intégration ». Comme le déclarait significativement F. Hollande, résumant l’idéologie de l’oligarchie, « on n’est pas là simplement pour être des protecteurs de nos propres citoyens » (France 3 le 23 avril 2008).

La désinformation dans le texte

Ce sondage montre qu’une majorité des personnes interrogées considèrent que la présence de communautés ethniques et religieuses différentes, la progression des inégalités sociales et la crise économique constituent la principale menace sur le « vivre ensemble », c'est-à-dire sur l’existence de la communauté française.

M. Perrineau est bien en peine de commenter ces résultats si politiquement incorrects.

Il a donc recours à plusieurs stratagèmes qu’il convient de décrypter.

D’abord, M. Perrineau n’écrit pas que ces résultats sont en phase avec tout ce que l’on sait de l’homme en société, ni bien sûr avec la réalité des faits. Non, ce serait trop vulgaire. Ces résultats témoignent selon lui d’une « société clivée ». Ce qui revient à dire, si l’on croit comprendre l’auteur, qu’une société « clivée » ne serait pas normale, et par conséquent que de tels comportements seraient pathologiques. CQFD.

Réduire l’identitaire au social

Il est vrai que le sondage met en évidence que pour 43% des personnes interrogées l’accroissement des inégalités sociales est perçu comme une menace sur le « bien vivre ensemble en France ». Bon sang mais c’est bien sûr ! Tout s’explique : c’est parce que les inégalités sociales augmentent que la méfiance à l’égard de « l’autre » progresse.

On reconnaît là le penchant politiquement correct consistant à réduire les questions d’identité religieuse ou ethnique à des sujets uniquement « sociaux », c'est-à-dire économiques. Ah ! S’il n’y avait pas le chômage, les « jeunes » des banlieues seraient bien mieux intégrés ! On connaît la chanson.

Ce n’est pas le problème qui doit faire débat, …c’est le débat qui crée le problème !

Mais M. Perrineau n’en reste pas là. Selon lui, si la société est « clivée » c’est aussi parce que les Français ont le « sentiment d’une détérioration du vivre ensemble ».

En d’autres termes, si les Français ont le sentiment que la capacité des différentes communautés à cohabiter décline cela ne traduit pas une réalité objective.

Non c’est à cause… « des débats publics qui ont régulièrement éclaté autour de la question de l’islam (voile, construction de mosquées, prières dans les rues, niqab…) ». Admirons la performance : ce n’est pas l’islam ou l’immigration qui sont en cause et qui pourraient justifier des interrogations de la part des Français. Non. Ce qui est en cause c’est qu’on débatte de ces questions car cela créerait un « sentiment de… » !

De même à propos des relations entre personnes d’origines ethniques différentes (tiens, cela aurait donc de l’importance ?), M. Perrineau estime que c’est « l’actualité sans cesse relancée des relations parfois (sic) tendues dans les quartiers multiethniques (…) des stigmatisations de tel ou tel groupe dans les discours du Front national » qui sont en cause. Cela aurait contribué à la « perception d’une difficulté française à s’adapter à la montée des différences au sein du même corps social ». Admirons aussi au passage la langue de bois pour ne pas dire : l’explosion de l’immigration de peuplement !

Ce n’est pas le problème qui est le problème, c’est… le sentiment qu’on en a !

Dans les années 1990 l’oligarchie niait l’augmentation de l’insécurité : elle a donc inventé le concept de « sentiment d’insécurité » pour tenter de nier les faits.

M. Perrineau fait de même avec la société multiethnique : il ne dit pas qu’une telle société se révèle de plus en plus multi-conflictuelle et de moins en moins unie et que les Français qui y sont confrontés s’en rendent bien compte. Non. Il dit seulement que les Français ont « le sentiment » que dans une telle société il y a moins de « vivre ensemble ». Tout est dans la nuance !

Nos sociologues de cour, comme les médecins de Molière, cherchent ainsi dans les « humeurs » les moyens de nous faire mourir en bonne santé.

La faute aux Français

Mais que l’on se rassure : si la société est « clivée », c’est bien sûr la faute à ces cochons de Français. Pas à l’immigration ni à l’islam. Le titre de l’article est d’ailleurs significatif « En France, les relations avec l’autre se dégradent ». En France seulement ?

Citant Tocqueville, M. Perrineau nous explique en effet que ces résultats ne font qu’exprimer « la passion de l’égalité et la difficulté corrélative de la société française à penser un vivre–ensemble qui aille de pair avec de fortes inégalités de conditions ou de profondes différences ethniques et culturelles ».

Saluons la manipulation consistant à passer des « fortes inégalités économiques » – que M. Perrineau trouve donc normales sinon très souhaitables d’ailleurs – à la question des différences ethniques. Bref, si on le suit bien : si tu aimes les riches tu dois aimer les immigrés et les musulmans ! Logique étrange mais qui est celle de l’oligarchie : les meilleurs partisans de l’immigration ne se recrutent-ils pas parmi les patrons des entreprises du CAC 40 ?

Relire Tocqueville !

Et ce qu’il y a de bien avec les écrivains morts c’est qu’ils ne peuvent pas répondre. On peut donc manipuler aussi l’argument d’autorité. Ce serait donc « la passion de l’égalité » – ah cette terrible exception française ! – qui expliquerait tout.

Mais pas de chance ! M. Perrineau aurait dû lire plus attentivement De la démocratie en Amérique : Tocqueville n’a-t-il pas prophétisé que « le plus redoutable de tous les maux qui menacent l’avenir des Etats-Unis naît dans la présence des Noirs sur leur sol » ?

Michel Geoffroy
8/12/2011

(*) Chacun peut apprécier la culture historique de M. Perrineau qui a donné au Parisien, le 2 décembre 2011, un article où il a écrit : « Bismarck, le premier chancelier allemand qui a déclaré la guerre à la France en 1870. » Or, c'est le chef du gouvernement français de Napoléon III, Emile Ollivier, qui a déclaré la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, et non l’inverse…

Correspondance Polémia – 10/12/2011

Image : Pascal Perrineau

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