Sarkozy ? Un bilan largement négatif !

mardi 15 novembre 2011

Réformes en trompe-l’œil ou inachevées sur la justice, les universités, les retraites. Mauvaise gouvernance sur : la Défense nationale (qui n’a plus qu’un budget-croupion) ; l’immigration, dont le coût annuel est proche du déficit budgétaire ; l’euro, char à 17 roues de calibres différents ; et l’endettement qui amène à définir la politique de la France dans les bureaux des agences de notation. L’essayiste Yves-Marie Laulan dresse un bilan sévère de la présidence Sarkozy.

Polémia

Le tintamarre médiatique a été savamment orchestré à l’été et à l’automne autour de Nicolas Sarkozy : triomphe en solo à Tripoli, triomphe en duo avec Angela Merkel à Bruxelles, triomphe encore, en trio cette fois, à Cannes avec Barak Obama. Ce tintamarre ne doit pas dissimuler le bilan « globalement » négatif, comme aurait dit Valéry Giscard d’Estaing en d’autres temps, de ce mandat qui s’achève. Opéra grandiose ou mascarade politique ? L’électeur tranchera dans quelques mois et l’historien dans quelques années.

Justice, universités, retraites : des réformes en trompe-l’œil ou inachevées

De façon générale, Nicolas Sarkozy a déployé un art consommé pour se concentrer sur l’accessoire et négliger l’essentiel. Il va, sans doute, se targuer d’avoir activement mené une politique de réformes « tous azimuts ». Le malheur veut que cette activité fébrile se soit largement dissipée dans les vapeurs d’une énergie de friction stérile.

L’exemple type en est la fameuse réforme de la carte judiciaire qui a fait la gloire, fugace, de Rachida Dati. Cette réforme a obtenu si peu de résultats – une poignée d’emplois supprimés – et mécontenté tant de monde – avocats, magistrats et justiciables exilés loin des lieux de justice – que l’on peut à bon droit se demander si cela en valait vraiment la peine. Et cela alors que les problèmes majeurs d’une justice en quête d’une réforme en profondeur ont été laissés de côté.

Autre exemple connu : la réforme de l’université. Certes, le renforcement de l’autorité des présidents d’université est, en soi, une bonne chose. Mais le vrai problème de l’université est ailleurs. Il n’a même pas été effleuré. C’est celui du recrutement et de la formation des enseignants, dans l’ensemble fort médiocres en regard de l’étranger. « Donnez-moi de bons maîtres et je vous donnerai de bons élèves » dit l’adage. Et on n’évoquera pas ici le naufrage de l’Education nationale qui ne cesse de sombrer pavillon haut.

Dernier cas : la réforme des retraites, certes, arrachée aux forceps. Mais elle aura fait gagner 5 années tout au plus. Il faudra la remettre en chantier dans quelques années pour enfin remettre le dossier des retraites sur les rails.

En regard de ces efforts menés dans le désordre et en l’absence de réflexion stratégique, trois cas criants de mauvaise gouvernance affectant trois secteurs clefs de la vie nationale ne manquent pas de sauter aux yeux. Il s‘agit de la défense nationale, de l’endettement et l’euro et de l’immigration.

Défense nationale, immigration, euro et endettement : une mauvaise gouvernance

A/ La défense nationale, secteur névralgique, s’il en est, de notre société. Etait-il vraiment nécessaire, pour « payer le retour à l’Otan », d’envoyer plus de 4000 soldats en Afghanistan à l’autre bout du monde alors qu’après tant de sacrifices et de pertes, un retrait de ce champ de bataille paraît inévitable à bref délai ? Etait-il si urgent de renverser le régime libyen, si détestable fût-il, à grand renfort de bombes larguées du haut des cieux avec un coût significatif en termes de vies humaines et de ravages matériels, et tout cela, en fin de compte, pour installer, par la force des armes françaises, la Charia dans ce malheureux pays ? Alors que l’effort de défense de notre pays, qui pourrait se révéler bientôt infiniment précieux face aux nouvelles menaces qui montent de tous côtés – on songe à la bombe iranienne et aux bombes pakistanaises – plafonne à un niveau tragiquement insuffisant, 1,6% du PNB, tout juste de quoi entretenir une armée-croupion, valeureuse, certes, mais équipée d’armements insuffisants en nombre et en qualité.

B/ L’immigration. Ici, point n’est besoin d’un long discours. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Etait-il honnête de proclamer Urbi et orbi, le choix d’une immigration « choisie » ramenée à des niveaux décents, pour laisser, par la suite, flotter négligemment les flux migratoires, largement composés d’inactifs et d’assistés, autour de 200.000 personnes par an (250.000 avec les clandestins), et cela pour un coût annuel proche du déficit budgétaire ? Financer l’immigration par l’endettement supporté par nos enfants, il fallait le faire. Mais voilà quand même une façon bien insolite de préparer l’avenir de la France.

C/ L’euro et l’endettement. Mais le clou du spectacle est sans conteste le drame de l’endettement français et de l’interminable crise de l’euro qui, comme le serpent de mer de la légende, a inlassablement, de réunions de crise en réunions de crise, déroulé ses anneaux tout au long de l’été, dramatisation hautement médiatisée à la clef.

Pour l’euro, à tout seigneur tout honneur, fallait-il être grand clerc pour percevoir que mettre en piste un char à 17 roues, toutes de calibres différents, était encore le plus sûr moyen « d’aller dans le mur » ? Fallait-il si longtemps pour se laisser berner par un politicien grec matois et rusé, rompu à toutes les ficelles des fraudes politiciennes et comptables ? Et comment, enfin, s’extirper péniblement du piège de l’euro que l’on a soi-même savamment tressé autour de soi ? Faudra-t-il sauver l’euro au prix de la perte de l’Europe ?

Mais surtout, après avoir fait la leçon aux Grecs, puis aux Italiens, fallait-il vraiment attendre la fin de ce mandat, à quelques mois des échéances électorales, pour prendre brutalement conscience que la France était proche de la faillite et s’empresser de sonner le tocsin ? N’aurions-nous pas pu, à temps, balayer devant notre propre porte avant de prêcher la sagesse à nos voisins ? Et pourtant les avertissements n’avaient pas manqué. Sans mentionner les modestes écrits d’obscurs économistes (comme ceux de votre serviteur), n’y avait-il pas eu des voix autrement autorisées pour pousser le cri d’alarme ? C’est Michel Pébereau qui publiait, en effet, voici plus de 5 ans, un volumineux rapport documenté appelant l’attention sur l’état critique de la dette française. Ce rapport dérangeant est resté, bien entendu, lettre morte. Le pouvoir songeait déjà sans doute aux futures échéances électorales et il ne fallait surtout pas déranger prématurément l’électeur. Tout cela a été sereinement ignoré par le pouvoir en place avec le mépris dédaigneux des politiques excessivement contents d’eux-mêmes pour la race des technocrates besogneux.

La politique de la France se fait dans les bureaux des agences de notation

La politique de la France ne doit pas se faire à la corbeille disait, en son temps, le général de Gaulle. On a fait mieux depuis. Elle se fait dans les bureaux des agences de notation devenues la véritable conscience des dirigeants insouciants. Ce sont elles qui dictent, en direct, la politique de nos responsables politiques, lesquels, en désespoir de cause, en viennent à envisager de se vendre à la Chine ou aux producteurs de pétrole. Quel progrès dans la marche, à pas de géant, de la France (et de l’Europe) vers l’indépendance et la grandeur !

On est ici clairement en présence d’une inexcusable négligence d’un pouvoir irresponsable qui s’est amusé, au fil du temps, à « effeuiller la marguerite » avec de petits jeux de pouvoir, nomination à la Culture d’une personnalité sulfureuse au nom ronflant, remaniements ministériels en chaîne reconduisant les mêmes, ou encore ouverture des avenues du pouvoir à une gauche indifférente et blasée. Ces amusettes ont occupé le devant de la scène alors que les graves problèmes de notre temps étaient pieusement laissés en jachère.

A la veille de la présidentielle, le bilan est lourd. Mais le salut pour l’actuelle majorité viendra, peut-être, de l’extraordinaire médiocrité des « gens d’en face », ceux de gauche, bien sûr. Car la Providence accorde parfois la victoire, comme dans un combat de boxe entre deux tocards où le moins mauvais finit tout de même par gagner, par défaut.

Yves-Marie Laulan
10/11/2011

Voir aussi :

Le vrai bilan de Sarkozy : fausse rupture avec le politiquement correct, vraie rupture avec le modèle français (1re partie)
Finances publiques françaises : le péril argentin
XXVIe Université annuelle du Club de l'Horloge : la France en faillite

Correspondance Polémia – 15/11/2011

Image : trompe l’œil à Angoulème, des fausses fenêtres avec du faux lierre

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