L'Idéologie de la superclasse mondiale (3e partie)

mardi 26 juillet 2011

En octobre 2009, le Club de l’Horloge a consacré sa XXVe Université annuelle à « Crise économique : la responsabilité de la superclasse mondiale ». Henry de Lesquen y a consacré une conférence à l’idéologie de la superclasse mondiale (SCM). Polémia met ce texte à la disposition de ses lecteurs en quatre « livraisons : un réseau mondial de personnes déracinées et dénationalisées ; une prétention au « despotisme éclairé » ; une philosophie sous-jacente : le cosmopolitisme ; la superclasse mondiale responsable de la crise. L’ensemble du texte est aussi disponible en PDF. (*) Polémia poursuit ici la publication du texte d’Henry de Lesquen.

Polémia

 

La superclasse mondiale : une philosophie sous–jacente, le cosmopolitisme

 

Le mot « cosmopolite », qui signifie « citoyen du monde » (étant formé des deux mots grecs cosmos et politês), est en lui-même une subreption, car toute cité implique un dedans et un dehors, une relation d'inclusion-exclusion : le monde ne saurait être une cité. « Défend tes lois comme tu défends tes murailles », disait Héraclite ; s'il n'y a plus de « murailles », ou de frontières, la cité disparaît, et avec elle le civisme. Le soi-disant « cosmopolite » ne peut être citoyen du monde, il n'est citoyen de nulle part, et il ne se réclame du monde que pour nier ses devoirs envers la cité.

En inventant la cité, les Grecs ont donné au patriotisme sa forme la plus pure et la plus exigeante. Ce sont eux, aussi, qui ont créé le cosmopolitisme, au moment où les cités se dissolvaient dans l'empire. Les premiers à avoir lancé l'idée, avec le mot, sont les philosophes de l'école cynique. Ils seront suivis par les stoïciens, puis par bien d'autres à l'époque moderne. On se souvient qu'Alexandre le Grand, qui préconisait le mélange des peuples et des races, avait déclaré, après sa rencontre avec Diogène le cynique : « Si je n'étais pas Alexandre, je voudrais être Diogène. »

Au delà de la politique stricto sensu, l'opposition du patriotisme et du cosmopolitisme a un caractère global. C'est toute la conception de l'homme qu'elle met en cause.

Le refus des préjugés légitimes

Dans patrie, il y a « père » (pater), comme dans nation il y a « naissance » (natio). La patrie est la terre des « pères », c'est-à-dire des ancêtres, de ces lignées d'hommes et de femmes qui nous ont faits ce que nous sommes et à qui nous devons tout. Le patriotisme nous demande de nous attacher à une cité charnelle, constituée autour d'un héritage formé de traditions. Il nous fait un devoir de rester fidèles à nos valeurs. Celles-ci ne sont pas des produits de la raison pure, mais, comme l'a bien vu Edmund Burke, des préjugés légitimes. Nous les aimons, ces préjugés, qui ne sont pas contraires à la raison, parce qu'ils fondent notre morale et nos murs, et qu'ils définissent notre identité.

Le cosmopolitisme : la face carnavalesque de l’idéologie égalitaire

Au contraire, le cosmopolitisme est l'une des faces de l'utopie égalitaire, il en est la version anarchique et carnavalesque, puisque, postulant l'illégitimité des interdits, il professe un nihilisme absolu. « Il est interdit d'interdire », écrivait-on sur les murs en mai 1968. Le cosmopolitisme reflète le pseudo-rationalisme de l'utopie égalitaire, pour qui l'homme est une monade livrée au seul calcul des plaisirs et des peines.

Le cosmopolite est un étranger dans sa propre cité. Il est aussi « étranger à lui-même », selon Julia Kristeva, et il a donc perdu son identité. Il se fait un plaisir de dénigrer les coutumes du peuple où le hasard l'a fait naître, qu'il juge arbitraires et barbares. Dans Etrangers à nous-mêmes, Julia Kristeva fait ressortir le conflit du cosmopolitisme avec la morale traditionnelle. « Le cosmopolite du XVIIIe siècle était un libertin - et, aujourd'hui encore, l'étranger demeure (...) cet insolent qui (...) défie pour commencer la morale de son pays, et provoque ensuite des excès scandaleux dans le pays d'accueil. »

Cosmopolitisme radical et rupture des traditions

Ainsi, pour ce cosmopolitisme radical, l'individu ne peut obtenir sa liberté qu'en s'émancipant des traditions, qui pèsent de tout leur poids sur la liberté humaine et la contraignent. Le véritable humanisme, qui ne réduit pas l'homme à des influences sociales, sait, néanmoins, que sa liberté est ancrée dans son identité et que celle-ci est façonnée par les disciplines culturelles, autrement dit par les traditions. Le patriotisme n'est donc pas une valeur parmi d'autres, c'est le socle de l'humanisme.

Le cosmopolitisme, tout d'abord, peut être considéré comme une déviation du patriotisme, parce qu'il ne le refuse pas ouvertement, mais prétend élargir son objet. Il faudrait considérer le monde entier comme la cité de tous les hommes, et refuser les identités particulières qui établissent des barrières au sein de l'espèce humaine. Mais, comme nous l'avons dit, la cité ne peut exister sans frontières, la patrie ne vaut que pour être incarnée, en sorte que le cosmopolitisme est une négation du patriotisme.

Il y a donc un lien organique entre l'immoralité « cynique » de l'idéologie cosmopolite de la SCM, telle qu'elle se manifeste dans les écrits d'un Daniel Cohn-Bendit ou d'un Frédéric Mitterrand, et l'immigrationnisme qui est l'alpha et l'oméga du discours mondialiste.

Révérence pour le non-art décadent

On ne s'étonnera pas que la SCM révère le non-art décadent qualifié abusivement d'art contemporain, dont elle fait activement la promotion. Elle démontre là, non seulement son goût pour l'argent, puisque le marché de l'art ou de ce qui en usurpe le nom a pris de nos jours des dimensions fantastiques, mais aussi son absolu manque de goût. Pinault n'est pas Médicis ! La super-classe mondiale avec laquelle le milliardaire français a pour le moins des affinités confond valeur artistique et valeur marchande. Le non-art décadent, dit « art contemporain », est un vecteur du cosmopolitisme. Il subvertit le sens de la beauté, s'inscrit en faux contre les traditions et ne recule devant rien pour porter atteinte au patrimoine artistique, comme on l'a vu en 2008 avec l'exposition de Jeff Koons au château de Versailles, organisé par des obligés de M. François Pinault, dont Jean-Jacques Aillagon. Parmi les « œuvres », les objets, qui étaient exposés sous les ors du château, on remarquait notamment un mannequin représentant le chanteur Michael Jackson, avec un bébé singe entre les cuisses ; ce qui était pour le moins scabreux quand on sait que Jackson avait échappé de peu à une condamnation pour pédophilie.

Henry de Lesquen

Club de l’Horloge 

Octobre 2009

(*) Ici le texte intégral en PDF

Voir :

L'Idéologie de la superclasse mondiale (1re partie)
L'Idéologie de la superclasse mondiale (2e partie)

Voir aussi les textes de Michel Geoffroy, Jean-Yves Le Gallou et Gérard Dussouy :

La généalogie de la superclasse mondiale (Première partie)
La généalogie de la superclasse mondiale (Deuxième partie - Suite et fin)
Les convergences paradoxales de l'extrême gauche et de la superclasse mondiale
Essor de la « superclasse globale » (ou hyperclasse) et crise des classes moyennes

Correspondance Polémia – 26/07/2011

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