« Le coût réel de l’immigration en France »
Par Jean-Paul Gourévitch

mercredi 18 juin 2008

Sujet toujours brûlant, source de polémiques et d’enjeux politiques, le coût de l’immigration donne ici lieu à une nouvelle étude. Certes, l’immigration ne peut être réduite à son simple aspect comptable, tant ses conséquences sur la vie des individus et des sociétés qu’elle concerne sont multiples et ne relèvent pas seulement du domaine économique. Toutefois, cet aspect économique et même purement comptable reste un élément d’importance dans l’approche  des phénomènes migratoires et il paraît logique de le traiter en tant que tel pour la clarté de l’analyse globale du sujet. Cette approche comptable mérite donc une étude qui lui soit propre. Celle de Jean-Paul Gourévitch, expert international en ressources humaines et spécialiste des migrations, n’est certes pas la première mais l’auteur s’efforce d’en présenter toutes les données servant de base à l’étude et d’en exposer ensuite la méthode de calcul utilisée. L’auteur cherche par là à appliquer une méthode rigoureuse qui ne laisse pas de place au parti pris. Il s’agit dans sa démarche de n’exposer que la vérité des chiffres. Ainsi, les données de départ, statistiques et informations d’organismes étatiques ou autres, sur lesquelles s’appuie l’auteur, sont acceptées en l’état bien qu’elles puissent prêter à discussion. Il convient cependant, pour la véracité et la crédibilité de l’étude, de clarifier celles-ci afin de limiter toute dispute à leur endroit.

Le premier point méritant une clarification est celui de la définition de l’immigré. L’immigré, selon le Haut Conseil à l’intégration, est une personne née à l’étranger, de parents étrangers, qui a décidé de s’installer dans le pays d’accueil et qui y réside depuis un an au minimum.

Ainsi, selon J.-P. Gourévitch, au 1er janvier 2008 la population immigrée et ses enfants compte 6.868.000 personnes, soit 11% de la population métropolitaine. Toujours selon ses calculs, cette population se répartit comme suit :

  1. 4.826.000 ont 18 ans ou plus, soit 10% de la population métropolitaine correspondante ;
  2. 2.042.000 sont âgées de moins de 18 ans, soit 15% de la population métropolitaine correspondante.

Au sein de cette population 3.009.930 personnes ont ou cherchent un emploi.

Ces chiffres sont importants car les calculs réalisés tant pour les dépenses que pour les recettes s’appuient sur eux comme données de base. Les coûts des politiques relatives à cette immigration sont répartis entre coûts de l’immigration et coûts de l’intégration. Cette répartition sera clarifiée au cours de l’étude.

Avant d’entrer dans l’étude des coûts de l’immigration pour la France, il est à préciser qu’il est difficile d’évaluer les coûts et bénéfices pour les pays d’origine. Ceux-ci n’ont développé aucune approche des dépenses consenties, ni des bénéfices engrangés par la migration. Il est toutefois possible d’évaluer les montants des transferts de fonds des migrants vers les pays du Sud. Ceux-ci se situent entre 80 milliards (2004, Bureau international du travail, BIT) et 167 milliards de dollars (2005, Banque mondiale). Ce montant n’inclut pas les montants informels, qui, selon la Banque mondiale, porteraient le total à 250 milliards de dollars.

Sur la base de ces chiffres, l’estimation annuelle pour la France métropolitaine, compte tenu des 4,826 millions d’immigrés de plus de 18 ans, serait au total de 4,31 milliards d’euros.

En parallèle, l’aide publique au développement s’accroît et est même supérieure aux fonds envoyés chez eux par les migrants. En 2007 le montant de cette aide était de 7,841 milliards d’euros dont 72% sont allés à l’Afrique. Les transferts de fonds de la France vers le Maghreb ont quasiment doublé entre 1981 et 1996, passant de 10,3 milliards à 21 milliards de francs (3,2 milliards d’euros). Les contributions des ONG et de la coopération décentralisée ne cessent d’augmenter alors que les transferts de fonds diminuent en raison de l’explosion du regroupement familial.

Les coûts de l’immigration en France : les principes

— La méthodologie —

Seul le coût extériorisé pour l’Etat, qui se traduit par les dépenses supplémentaires, est pris en compte ici. En parallèle, seule la contribution de l’immigration aux recettes de l’Etat sera prise en compte. Malgré cela, la méthode a des limites. En 2004, la Cour des comptes, qui s’est intéressée au sujet, « note que les comptes sont sous-estimés parce que les administrations concernées ne disposent pas des données nécessaires, ou qu’elles refusent de les transmettre, ou encore que l’identification de certaines dépenses se heurte à la législation protégeant les informations publiques et privées ».

Rappelons que des études diverses ont déjà été entreprises : par les élèves de l’ENA en 1984, Pierre Milloz en 1989, Marie-Hélène des Esgaulx, Gérard Pince en 2006, selon lequel le déficit annuel généré par l’immigration serait de 50 milliards d’euros, soit 84% du déficit de l’Etat et où les immigrés extra-européens et leurs descendants percevraient 22% des prestations sociales. De son côté, l’étude Bichot-Lafay (2006) aboutit à un coût de 24 milliards d’euros pour les dépenses d’immigration et de 12 milliards d’euros pour les dépenses d’intégration.

Il est à noter que « les institutions les plus favorables à l’accueil des immigrés répugnent à entreprendre une étude des coûts, d’autres en récusent le principe même ».

Les coûts de l’immigration en France : essai de quantification des dépenses

Dans les cas où la proportion des coûts imputables à l’immigration n’est pas quantifiable, l’auteur s’appuie sur les chiffres de la Seine-Saint-Denis. Ce département est emblématique, puisque sa population est majoritairement composée d’immigrés, d’étrangers et de personnes d’origine ou de naissance étrangère. Cela n’a pas pour but d’accroître l’impact de l’immigration, ce qui fausserait le calcul, mais de mieux identifier ses particularités.

En tout premier lieu, il convient de s’intéresser au coût des actions conduites par le ministère Hortefeux. Le projet de loi de finances 2008 lui attribue des crédits de paiement de 638,6 millions d’euros. On y trouve trois programmes principaux :

  1. « Immigration et asile », pour 414,3 millions d’euros ;
  2. « Intégration et accès à la nationalité française », pour 195,3 millions d’euros ;
  3. « Codéveloppement », principalement destiné à l’aide au retour volontaire, pour 29 millions d’euros.

 

Les rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale ont fait observer que ces postes sont sous-évalués et que des crédits complémentaires figurent dans d’autres budgets. Les coûts ajoutés du budget « Immigration et asile » sont de 177,7 millions d’euros. Les coûts ajoutés du budget « Intégration et accès à la nationalité française » sont de 477,5 millions d’euros. Les coûts réels sont donc les suivants :

- « Immigration et asile », pour 414,3 + 177,7 = 592 millions d’euros ;
- « Intégration et accès à la nationalité française », pour 195,3 + 477,5 = 672,6 millions d’euros.

Au coût des actions conduites par le ministère Hortefeux s’ajoutent des coûts sécuritaires.

En effet, tout migrant en situation irrégulière dont les revenus sont inférieurs au plafond de ressources peut bénéficier de l’aide juridictionnelle gratuite, soit 120 millions d’euros en 2006. Ce poste est en forte progression. En outre, plusieurs indicateurs montrent que la population d’origine étrangère est largement sur-représentée dans la délinquance ; à Paris, les Européens ne représentent que 37% des délinquants. De fait, hormis les coûts de personnel, cela se traduit par des coûts liés à l’extension induite du domaine carcéral.

Le total des coûts sécuritaires, y compris le budget Hortefeux, s’établit donc à 5.237 millions d’euros qui se répartissent comme suit :

- Budget « Immigration et asile » et coûts ajoutés                       592 millions
- Surcoût aide juridictionnelle                                                       120 millions
- Part des frais de personnel                                                     4.397 millions
- Surcoût extension du domaine carcéral                                  48,19 millions
- Surcoût moral et physique                                                     79,65 millions

Les coûts fiscaux et sociétaux sont également pris en compte. En effet, le manque à gagner généré par les diverses formes de travail illégal était estimé, en 2003, à 55 milliards d’euros. La part liée à l’emploi d’étrangers sans titre de travail représente, d’après Jean-Paul Gourévitch, 5,5 milliards par an, en se basant sur une évaluation de l’emploi d’étrangers sans titre de travail équivalant à 10% de l’ensemble des infractions.

Au total,  en y ajoutant la contrefaçon, la fraude et la prostitution, les coûts de l’économie informelle imputable à l’immigration représentent 12,8 milliards d’euros. Ces coûts se répartissent de la façon suivante :

- Cotisation pour étrangers en situation irrégulière        3.340 millions d’euros
- Manque à gagner sur le travail au noir                        3.810 millions d’euros
- Contrefaçon                                                              2.250 millions d’euros
- Fraude et amendes                                                      187 millions d’euros
- Fraude fiscale                                                              817 millions d’euros
- Fraude à la TVA                                                      1.800 millions d’euros
- Prostitution                                                                  578 millions d’euros

Les immigrés et étrangers bénéficiant de la protection sociale, les coûts qui en découlent doivent être ici pris en considération. Afin de bien évaluer l’ensemble de ces coûts, la situation particulière des immigrés et étrangers doit être correctement analysée. Ainsi, il faut tenir compte des données de l’INSEE et d’autres organismes d’Etat qui permettent d’établir que le taux de chômage des immigrés est le double de celui des non-immigrés, soit 18%, contre 9% en 2005.

Au total, les coûts de la prestation sociale liée à l’immigration évalués par J.-P. Gourévitch sont de 51,9 milliards d’euros. Leur répartition est la suivante :

- Emploi-réinsertion                                                      5,84 milliards d’euros
- Santé                                                                        20,5 milliards d’euros
- Vieillesse                                                                  16,56 milliards d’euros
- Famille                                                                         5,5 milliards d’euros
- Pauvreté exclusion                                                       3,5 milliards d’euros

 

L’étude ne serait pas complète si les coûts de l’éducation n’y étaient pas inclus. Ceux-ci s’élèvent, en effet, à 1,84 milliard d’euros.

Ces analyses portant sur chaque aspect particulier de l’immigration nous permettent finalement d’établir le bilan global des coûts générés par celle-ci.  Ce bilan global des dépenses liées à l’immigration s’établit donc comme suit :

- Budget Hortefeux et coûts ajoutés, coûts sécuritaires 5,24 milliards d’euros
- Coûts fiscaux et sociétaux                                        12,78 milliards d’euros
- Coûts sociaux                                                           51,9 milliards d’euros
- Coûts éducatifs                                                          1,84 milliard d’euros

L’ensemble des dépenses atteint le montant de 71,76 milliards d’euros.

 

Si, comme nous venons de le constater, les immigrés occasionnent des dépenses pour l’Etat, ils contribuent aussi aux recettes au travers des impôts et diverses cotisations. C’est l’objet de la seconde partie de l’analyse.

Les recettes de l’immigration

En restant dans la même méthodologie, il s’agit de prendre en considération les sommes que les immigrés rapportent aux pouvoirs publics, notamment aux budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale. Il est à considérer également que le revenu fiscal moyen des habitants des zones urbaines sensibles est de 10.540 euros contre 17.184 euros pour la moyenne nationale. Ces zones urbaines sensibles comptent 4,6 millions d’habitants, dont près des deux tiers de personnes issues de l’immigration. Notons, par ailleurs, que les ménages immigrés comptent un nombre de personnes plus important que la moyenne nationale.

Prenons en premier lieu les contributions sociales. Il s’agit essentiellement des cotisations à la Sécurité sociale qui représentent 12,4 milliards d’euros et se répartissent sous la forme suivante :

Cotisations  
Part salariés
Part employeur
Total
 
- CSG         
3,858 Mds 
3,858 Mds
- CRDS
0,258 Mds  
0,258 Mds
- Prél.soc. et C. add
0,122 Mds 
0,122 Mds 
- Malad. et Vieil.dép
0,428 Mds
0,389 Mds
0,817 Mds
- Vieillesse
3,438 Mds
0,231 Mds
3,669 Mds
- Ret. comp. + Prév.
1,978 Mds 
0,157 Mds
2,135 Mds
- Chômage   
1,208 Mds
0,106 Mds
1,314 Mds
- Alloc. familiales  
0,143 Mds
0,143 Mds
- Autres      
0,084 Mds
0,084 Mds

 

Sont à ajouter les contributions fiscales au budget de l’Etat. Sur les 57,1 milliards d’euros d’impôts sur le revenu payés par la population française, la part des immigrés s’établit à 3,81 milliards. Mais leur contribution à l’ensemble des recettes fiscales de l’Etat se monte à près de 26,4 milliards d’euros sur un total de 267,2 milliards. La répartition est la suivante :

- TVA + TIPP                                                                              16,7 Mds
- Impôts sur le revenu                                                                    3,81 Mds
- Impôts sur les sociétés                                                              4,645 Mds
- Autres impôts                                                                           1,203 Mds

Les contributions fiscales aux collectivités locales doivent aussi entrer dans le calcul des recettes. Leur montant est de 6,82 milliards d’euros sur une contribution totale de 78,23 milliards. Ces contributions se composent comme suit :

- Fiscalité indirecte et taxes d’urb.                                                   1,17 Mds
- Taxes foncières + taxes d’hab. + TOM                                         2,77 Mds
- Taxe professionnelle                                                                   2,875 Mds

Le bilan des recettes provenant des contributions des immigrés s’élève donc à près de 45,57 milliards d’euros. Il se compose ainsi :

- Cotisations sociales                                                                      12,4 Mds
- Fiscalité Etat                                                                            26,358 Mds
- Fiscalité locale                                                                            6,815 Mds

Compte tenu des calculs précédents on constate que, selon J.-P. Gourévitch, le solde négatif entre les dépenses, 71,76 Mds et les recettes, 45,57 Mds, est de 26,19 milliards d’euros.
Ce déficit dû à la population immigrée est équivalent à 1,4% du PIB. La croissance étant, au moment de l’étude, d’environ 2,1% par an, l’immigration la réduit des deux tiers.

 

Pour être tout à fait complète, l’étude doit mesurer et intégrer les dépenses dites « d’investissement ». Cela intègre, d’une part, l’aide publique au développement et les politiques d’intégration et, d’autre part, les investissements en matière d’accueil, d’aide et d’insertion regroupés et transférés dans le budget du ministère Hortefeux pour un montant de 672,8 millions d’euros.

L’aide publique au développement (APD) s’inscrit dans la politique de coopération. Celle-ci vise à accroître le rayonnement de la France à l’étranger, à favoriser le développement des pays émergents et, surtout, à freiner l’immigration. Le montant des investissements en APD destinés à la seule réduction des flux migratoires dépasse 4,2 milliards d’euros. Ce montant est évalué a minima tant est difficile d’identifier clairement l’ensemble des crédits qui y sont consacrés.

L’évaluation de la rentabilité de ces investissements est tout aussi périlleuse ; les diverses statistiques qui s’y rapportent ne sont pas concordantes. Malgré tout, J.-P. Gourévitch tente d’évaluer cette rentabilité. Ainsi, au mieux, compte tenu des diminutions d’entrées légales entre 2000 et 2003 de 5%, les « dépenses évitées », évaluées à 593 millions d’euros, oscilleraient entre 13,9% et 17,8% du montant de l’« investissement » effectué pour les réaliser.

Le second volet de ces investissements, à savoir les politiques d’intégration, est tout aussi décevant.

Les coûts d’intégration liés au secteur éducatif sont évalués à 1,876 milliards d’euros, ceux se rapportant à la politique de la ville à plus de 4 milliards. Au total, les investissements concernant l’intégration, d’un montant de 6,549 milliards, se regroupent comme suit :

- Budget Hortefeux et coûts ajoutés                   673 millions
- Investissements éducation                                 1,876 Mds
- Politique de la ville                                                   4 Mds

 

Le montant global des investissements, ADP + intégration, représente 10,808 milliards d’euros qu’il faut ajouter aux 26,19 milliards du bilan dépenses/recettes. Ainsi, chaque année, l’immigration coûte donc aux pouvoirs publics un montant de :

26,19 (différence dépenses/recettes) + 10,808 (montant des investissements) – 0,593 (rentabilité des investissements) = 36,405 milliards d’euros, soit 1,96 point de PIB.

 

Rappelons que pour réaliser son étude, Jean-Paul Gourévitch a utilisé les données officielles ou a réalisé des évaluations sur la base de données vérifiables. Toutefois, compte tenu des sous-évaluations systématiques effectuées par l’INSEE sur de très nombreuses données se rapportant à l’immigration, à commencer par le nombre d’immigrés et d’étrangers vivant en France, nous sommes en droit d’estimer que le coût de 36 milliards d’euros dû à l’immigration est un montant minimal. Si l’étude a le mérite de donner un ordre d’idée des montants dépenses/recettes basés sur une méthode rigoureuse et clairement exposée, elle ne clôt pas la polémique sur le coût réel de l’immigration. Comme nous l’avons vu précédemment au chapitre des coûts de l’immigration, il est difficile de se fier aux chiffres officiels et on ne peut, hélas, dans notre conclusion, que reprendre le commentaire de la Cour des comptes rappelé par l’auteur : « Les comptes sont sous-estimés parce que les administrations concernées ne disposent pas des données nécessaires, ou qu’elles refusent de les transmettre, ou encore que l’identification de certaines dépenses se heurte à la législation protégeant les informations publiques et privées ». En bref, si les Français savent que l’immigration leur coûte cher sur un plan purement financier, ils n’en connaîtront jamais le véritable montant. Quant à l’impact politique et social il relève d’une autre approche et restera encore longtemps un sujet de polémique.

Bruno Odier Cenat de l’Herm
© Polémia
10/06/08

On peut télécharger la monographie « Le coût réel de l’immigration en France » au format pdf à :
http://www.contribuables.org/publications/les-monographies/le-cout-reel-de-l-Âimmigration-en-france/

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