Obama capitule devant le lobby israélien

mercredi 18 juin 2008

La visite du premier ministre israélien Ehud Olmert aux Etats-Unis s'inscrit dans un effort concerté du gouvernement israélien et de ses lobbyistes américains visant à convaincre le législateur américain – et avant tout le président George W. Bush – que le temps d'attaquer l'Iran est venu. Le quotidien israélien Yediot Aharonot écrit qu'Olmert va dire à Bush que « le temps de la diplomatie arrive à sa fin » et qu'il ferait mieux de passer à l’attaque ».

Dans son discours à la convention de l'AIPAC (*), le message d'Olmert était dur et implacable : l'Iran, a-t-il dit, « doit être empêché, par tous les moyens possibles », d'acquérir une capacité nucléaire militaire. Certes, les sanctions doivent être renforcées mais elles ne représentent que de « premières initiatives » ; ce qui est requis, a-t-il déclaré, ce sont « des mesures plus drastiques et plus énergiques » – et cela ne peut avoir qu'une seule signification [: la guerre].

Israël préférerait ne pas agir seul mais Olmert a signalé qu'il avait l'intention de le faire s'il y était poussé : « Israël ne tolèrera pas la possibilité d'un Iran nucléarisé, ni aucun autre pays ne devrait le faire, où que ce soit dans le monde libre », a-t-il déclaré, ce qui était manifestement une menace de passer unilatéralement à l'action. Rappelant les états de service d'Israël en Irak, dans les années quatre-vingt, et en Syrie, l'année dernière, Tim Butcher a averti, dans The Telegraph : « Ce discours réduit significativement les probabilités d’une action militaire contre le programme nucléaire iranien. »

Si Israël mettait sa menace à exécution, les Etats-Unis seraient de manière quasi certaine entraînés dans le conflit, et Olmert le sait parfaitement ; il en va de même pour Bush qui, quoi qu'il en soit, n'a sans doute pas besoin d'être longuement persuadé. Après tout, dans son discours devant la Knesset, au mois de mai, le président américain n'a-t-il pas déclaré :

« Permettre au principal parrain du terrorisme mondial de posséder les armes les plus meurtrières du monde, cela serait une trahison impardonnable pour les générations à venir. Pour la sauvegarde de la paix, le monde ne doit pas permettre à l'Iran de détenir une arme atomique. »

Dans l'intérêt de la paix, nous devons faire la guerre : refrain familier, qui produit son écho à travers les années, se moquant à la fois des vivants et des morts…

Les heures tournent et, pour le parti de la guerre, le temps s'épuise : ils doivent faire vite, avant que le président le plus pro-israélien jamais encore connu quitte ses fonctions. Comme l'écrit Butcher : « Chez les partisans israéliens d'une action armée contre l'Iran, on est préoccupé par le fait que quelque chose doit être fait avant la fin du mandat de M. Bush, en janvier 2009, M. Bush étant perçu comme plus proche d'Israël qu'aucun de ses successeurs potentiels. »

Ne comptez pas sur Barack Obama pour nous délivrer de ce conflit menaçant. Dans son discours à l'AIPAC, il a clairement avalisé le dernier projet du Lobby, abandonnant momentanément ses notes, pour déclarer : « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher l'Iran d'obtenir une arme nucléaire. Tout ce qui est en mon pouvoir. Tout ! »

Et ce « tout » inclut l'assassinat de dizaines de milliers d'Iraniens, pour la plupart des civils – avec l’augmentation du prix du baril de pétrole au-dessus des 300 dollars et la destruction de l'économie américaine – et l’implication de notre pays dans une guerre qui fera du conflit actuel en Irak quelque chose comme une promenade de santé dominicale. Et tout ça, pour quoi ?

L'ironie, bien entendu, c'est que l'Iran est loin d'obtenir l'arme nucléaire, comme les agences de renseignement du président américain lui-même l'en ont récemment informé ; mais peu importe. C'est là un petit obstacle, pour ceux qui méprisent la « communauté fondée sur la réalité » et se voient en train de Faire l'Histoire, tandis que le reste d'entre nous, nous observons les événements, interdits et stupéfaits. Comme l'a écrit récemment Ha'aretz :

« Olmert va tenter de convaincre Bush de mettre de côté les informations du National Intelligence Estimate sur le programme nucléaire iranien pour adopter celles présentées par Israël et déterminer la politique de l'administration américaine envers l'Iran à partir de ces dernières. »

La guerre annoncée contre l'Iran n'a rien à voir avec les « armes de destruction massive » – pas plus que l'invasion de l'Irak [n'avait le moindre rapport, non plus, avec ces armes inexistantes]. Tout tourne autour de la préservation de l'hégémonie israélienne au Moyen-Orient, en effaçant de la carte tout pays arabo-musulman récalcitrant. D'abord l'Irak, ensuite l'Iran, et  le tour de la Syrie viendra bien assez tôt, en même temps que celui du pauvre Liban prostré, naguère joyau de la Méditerranée orientale, et désormais ravagé politiquement et économiquement.

Il est quasi certain que nous serons en guerre avec l'Iran avant même l'intronisation d'un nouveau président : maintenant qu'Obama a capitulé devant le Lobby, rien, mis à part la Providence divine, ne pourra l'empêcher.

Que Dieu nous vienne en aide, à nous tous !

Force m'est bien de reconnaître que j'avais tort – terriblement tort – sur le compte d'Obama. Dans mon désir de trouver une lueur dans un monde qui s’assombrit de plus en plus vite, je m'étais raccroché à sa rhétorique attirante et à sa critique par moment tranchante de la politique étrangère de Bush, comme un marin en train de couler s'accroche à un gilet de survie. Mais ce n’est pas en plaçant ses espoirs sur de fausses pistes qu’on crée des occasions de paix – cela ne fait que prolonger nos illusions. Il nous faut nous préparer à la perspective d'un conflit bien plus terrible encore que ceux que nous avons connus, et regarder la chose bien en face, sans flancher ni sans rechercher de faux prophètes. Je sais que vous êtes nombreux à être déçus, et que certains parmi vous êtes en train de vous exclamer : « Je vous l'avais bien dit ! ». Tout ce que nous pouvons faire, maintenant, c'est espérer et prier pour que notre pays et le peuple iranien survivent, d'une manière ou d'une autre, à la catastrophe qui s'annonce.

Justin Raimondo
06/06/08
http://antiwar.com/justin/?articleid=12944
Titre original :  « Obama Capitulates To the Israel Lobby »
Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier
Correspondance Polémia
10/06/08

Note de la rédaction
(*) « American Israel Public Affairs Committee » est un groupe de pression visant à soutenir Israël.
Voir : http://clesnes.blog.lemonde.fr/2008/06/04/obama-a-laipac/

Justin Raimondo est un écrivain politique américain, paléo-conservateur et libertarien, et  rédacteur en chef du site web antiwar.com.
Le texte ci-dessus est à rapprocher du livre de John Mearsheimer et Stephen Walt, « Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine », commenté à :
http://www.polemia.com/contenu.php?cat_id=43&iddoc=1562

Archives Polemia