« Contre le communautarisme »
Par Julien Landfried

vendredi 1 juin 2007
Dans son essai « Contre le communautarisme », Julien Landfried présente la situation particulièrement propice, en France, au « développement tous azimuts du multicommunautarisme politique ». L’auteur est tout à fait dans son rôle puisqu’il est le directeur co-fondateur de l’Observatoire du communautarisme, et doté de toute la compétence voulue puisqu’il exerce le métier de consultant en management de projets. Afin d'affronter la réelle ampleur du problème, il n’hésite pas à rompre avec le règne du politiquement correct et il prend le parti d’en nommer les responsables concrets : politiques, médiatiques et communautaires.

Le communautarisme ? Naguère absent de notre vocabulaire et de nos préoccupations, il a, en quelques années, colonisé bien des esprits. Nous voici, en guise « de progrès et d’avancée », promis à la juxtaposition ethnique, religieuse ou sexuelle, et Julien Landfried explique la dérive de notre pays républicain vers des concepts où le principe de ces minorités ethniques, religieuses et sexuelles fleurit un peu partout. L’éclosion d’organisations, qui sont loin de représenter l'ensemble des communautés (ethniques, religieuses ou sexuelles), a favorisé le développement du communautarisme, mettant à profit la « veulerie » et la démission des politiques, face aux pressions de petits groupes déterminés. Julien Landfried multiplie les exemples de faillite des institutions républicaines en regard de leur mission. Il fait le constat d'un communautarisme en expansion dans les élites, du fait du dynamisme des « entrepreneurs communautaires », de la bienveillance des médias qui leur manifestent de grandes sympathies et de la passivité ou de la complicité des responsables politiques.

Des minorités victimaires aux « lois mémorielles », de la « discrimination positive » aux « minorités visibles », du politiquement correct à la pénalisation des débats, de l'importation du conflit israélo-palestinien aux ethno-régionalismes, l’auteur dépeint ce véritable déferlement. Selon lui, les principes républicains sont en danger : « Le filon communautarisme » se substitue aux fondamentaux républicains. Il condamne farouchement cette « discrimination positive sur base ethnique, religieuse ou de genre [qui] ressort d'une vision pré-politique de l'espace civique en définissant comme prioritaire la nécessité de représenter la composition organique de la société dans telle ou telle institution ou profession. Elle enferme les individus dans leur communauté dont la philosophie républicaine prône, au contraire, l'autonomie civique et l'émancipation ».

Certains imaginent le phénomène soluble dans la société. C'est exactement le contraire qui est en train de se produire. Le chantage exercé par des « communautaristes » non représentatifs rencontre la complaisance médiatique. Une partie de nos élites, jouant les apprentis sorciers, croit avoir trouvé la martingale pour durer : on gomme le peuple souverain, on prône la « francophobie », on gère la division et la concurrence communautaire.

Dans des pages claires et pédagogiques l’auteur dresse un état des lieux sévère et précis, dévoile les impasses idéologiques où mène la vision communautaire. S’il pointe les dangers, il insiste aussi sur certaines des causes de cette situation.

Le présent essai apporte la démonstration magistrale d'une collusion entre petites lâchetés, grand cynisme et abandon résolu de tout projet égalitaire, et dessine les contours d'une « contre-attaque républicaine ».

Tout en posant quelques réserves, souhaitons que ce livre soit prolongé par une étude sur les solutions, toutes les solutions, à apporter.


Guillaume Leroy
© Polémia
10/05/07

Note : Certaines citations sont extraites d’un entretien que Julien Landfried à eu avec Emmanuel Maurel, pour le mensuel « Parti Pris », n° 31, avril 2007, dont on peut retrouver l’intégralité sur le site :
http://www.communautarisme.net/contre

Julien Landfried, « Contre le communautarisme », Armand Colin, mars 2007, 188 p., 17,10 euros
Archives Polemia